mercredi 14 septembre 2011

Les réseaux sociaux sont-ils l'avenir de l'emploi en ligne ?


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Comment le marché des offres d'emploi en ligne se transforme-t-il au regard de l'émergence des réseaux sociaux professionnels ? Les sites d'offres d'emploi (job boards) survivront-ils à LinkedIn ou Viadeo ?
Réalisé par Hugo Sedouramane
Publié le 12/09/2011

L'essor des réseaux sociaux professionnels tels LinkedIn ou Viadeo remet-il en cause le marché très compétitif de l'emploi en ligne ? Les revenus et l'audience de ces derniers sont en forte croissance tandis que les job boards ont beaucoup souffert de la crise et voient leur audience se stabiliser. De ce fait, le marché de l'emploi en ligne pourrait rapidement être chamboulé par des réseaux sociaux plus proches des nouveaux usages. S'ils ne veulent pas être ringardisés, les job boards se doivent aujourd'hui d'innover.

Les job boards peinent à remonter la pente de l'après-crise

"Lors des dix dernières années, le marché des offres d'emplois s'est transformé et est passé par trois phases", explique Fabrice Robert, co-fondateur de Jobintree.com. "Dans les années 2000, le marché français, estimé environ à 300 millions d'euros a subi un transfert du papier au Web. En 2008, le web représentait 96 % du marché. Durant tout cette transition, le prix des annonces a baissé mais leur volume a augmenté, permettant au marché de se stabiliser, poursuit-il. Mais avec la crise de 2008, les principaux acteurs du Web ont perdu entre 20 et 30% de leur chiffre d'affaires". Aujourd'hui, il estime que le marché a retrouvé son niveau et se chiffre à nouveau autour de 300 millions d'euros.



Des audiences arrivées à maturité ?

En France Monster.fr, Cadremploi.fr et Keljob.com sont les trois sites les plus fréquentés du secteur de la petite annonce emploi. En mai 2011, ils affichent tous trois une évolution annuelle de leurs visiteurs uniques en baisse ou quasi-nulle : Monster.fr a perdu 5 % de ses visiteurs uniques, Cadremploi.fr plus de 2 %. Seul Keljob.com affiche une légère croissance de près de 0,7 %. Aujourd'hui, l'audience de chacun d'eux est entre deux à trois fois moins élevée que celles de LinkedIn ou Viadeo.

Les réseaux sociaux professionnels affichent une croissance forte de leur audience. Les deux principaux, LinkedIn et Viadeo frisent les 3 millions de visiteurs uniques. Si leur positionnement d'origine se voulait plus proche des réseaux sociaux que des sites d'emploi, les recruteurs y sont de plus en plus présents. Ce qui leur a donné des idées pour monétiser leurs services.


Aux Etats-Unis, 89 % des recruteurs affirment avoir l'intention de recruter via les réseaux sociaux cette année, selon une étude réalisée par Jobvite auprès de 800 professionnels. Pour la société d'études de marché Lab42, 12 % des dirigeants connectés sur le réseau social professionnel LinkedIn s'en servent pour recruter.


laurence bret-stern, directrice marketing emea de linkedin
Laurence Bret-Stern, directrice marketing EMEA de LinkedIn © S.de.P LinkedIn

"En janvier 2011, LinkedIn comptait 2 millions d'utilisateurs en France, soit un taux de croissance de 70 %" indique Laurence Bret-Stern, directrice marketing EMEA de LinkedIn. Les revenus du réseau social professionnel se divisent environ à parts égales entre les solutions de recrutement, le marketing (publicité, CRM) et les abonnements premiums. "Mais la vente de solution de recrutements domine les deux autres catégories".

La société a d'ailleurs ouvert des bureaux à Paris "pour se rapprocher de ses clients, tels la Société Générale, Accor ou encore L'Oréal ". Pour les recruteurs, LinkedIn propose des solutions à différents niveaux en fonction du type de structure et des étapes dans les processus de recrutement. Elles peuvent aller de 100 euros pour la diffusion simple d'une annonce, à plus de 10 000 euros pour des solutions corporate. "Dans un premier temps on propose une offre de ciblage, à travers des sondages. Puis vient ensuite une autre dédiée au positionnement des sociétés, leur permettant de créer une page carrière. Enfin vient la solution de sourcing, vendue sous forme de licence permettant l'accès à un moteur de recherche dans lequel les recruteurs peuvent rentrer une vingtaine de critères". Résultat, le chiffre d'affaires de LinkedIn a bondi de 120% au deuxième trimestre pour atteindre 121 millions de dollars.

Pour se positionner un peu plus sur le marché du recrutement, LinkedIn a lancé en juillet le bouton "apply with Linkedin", permettant à des personnes disposant d'un profil de postuler directement sur le site d'un annonceur. Dans le monde, le volume d'offre d'emplois sur LinkedIn a été multiplié par 10 en deux ans. "Les mentalités changent et les recruteurs trouvent de plus en plus d'intérêt à pouvoir accéder à des candidats passifs, poursuit Laurence Bret-Stern. Les modes de recrutements changent et s'inspirent du marketing. On va de plus en plus chercher à générer du lead qualifié". Les recruteurs se retrouvent ainsi face à une audience - plutôt que des candidats - et cherchent de meilleures performances de ciblage.


Un usage à relativiser

Mais recruter sur les réseaux professionnels n'est pas encore une pratique largement répandue : une étude de la Society for human resource management auprès de 500 professionnels du recrutement américains indique que seuls 18 % des répondants utilisent les réseaux sociaux pour chercher des candidats. Et moins de 25% d'entre elles s'en servent systématiquement quand il s'agit de chercher des personnes très qualifiées, notamment des dirigeants.

"Les réseaux sociaux ont facilité l'acte de candidature"

Chez Viadeo, on se positionne plus en complément des joab boards qu'en concurrent frontal. "Le taux de croissance de notre chiffre d'affaires est proche de 100 % et est poussé par l'activité "premium", c'est-à-dire l'offre payante pour l'internaute, qui représente la moitié de nos revenus" explique le directeur général développement et communication de Viadeo, Olivier Fécherolle. A la différence des job boards, la part des revenus apportés à Viadeo par les recruteurs est de l'ordre de 30 %. "Les réseaux sociaux ne se sont pas créés historiquement sur le marché de l'emploi en ligne mais ont facilité l'acte de candidature. Ce sont les cabinets de chasse qui en ont saisi l'opportunité. ".


olivier fécherolle, directeur général développement et communication chez viadeo
Olivier Fécherolle, directeur général développement et communication chez Viadeo © S.de.P Viadep

Aujourd'hui Viadeo démarche pourtant les recruteurs et leur propose de diffuser des offres d'emploi, d'accéder à des bases de données ou encore d'animer des communautés spécifiques. "Les réseaux sociaux ont également changé l'acte de mise à jour de profils. Ils permettent également aux annonceurs de travailler leur communication et leur image en profondeur, c'est un outil d'e-reputation" poursuit Olivier Fécherolle. "Certains job boards voient en nous une concurrence car il est vrai que nous prenons des parts de marché, mais nous sommes avant tout complémentaires. Nous avons par exemple récemment ouvert une API permettant aux utilisateurs de charger leurs informations Viadeo sur le site de l'Apec" conclut Olivier Fécherolle. Pour lui, les réseaux sociaux sont efficaces pour trouver des talents, mais les job boards ont toujours leur rôle à jouer.

Une concurrence qui peut devenir frontale

thibaut gemignani, directeur général de figaro classifieds (cadremploi, keljob)
Thibaut Gemignani, directeur général de Figaro Classifieds (Cadremploi, Keljob) © S.de.P. Figaro Classifieds

"Tant que les réseaux sociaux professionnels tireront leurs revenus majoritairement de la commercialisation de leurs offres premium, je peux continuer de dire que nous sommes complémentaires" explique Thibaut Gemignani, directeur général de Figaro Classifieds (Cadremploi, Keljob). Pourtant, les cabinets de recrutement sont habitués à chercher des profils dans des bases de données, ce que les réseaux sociaux professionnels sont en train de développer. "Tout dépendra donc de l'évolution du business model de Viadeo, encore imprécise en ce qui concerne les offres pour les recruteurs". Mais si Viadeo suit LinkedIn, la concurrence entre job boards et réseaux sociaux risque de s'accentuer fortement. "Pour l'instant, j'imagine qu'il est assez compliqué de développer et pérenniser des offres BtoB et BtoC en même temps", tempère Thibaut Gemignani.


Des réseaux sociaux peu adaptés à toutes les situations

Pour Laurent Blanchard, directeur exécutif du cabinet de recrutement Page Personnel (groupe Michael Page), les réseaux sociaux sont utilisés par les recruteurs de deux manières : "ils s'en servent d'une part pour chercher des talents et d'autre part consulter les pages personnelles des candidats. C'est une manière pour les recruteurs de resituer le candidat dans son environnement, et cela devient presque un automatisme. Chez Michael Page nous avons donc intégré les réseaux sociaux à nos offres, permettant aux annonceurs de faire de la publicité sur des thématiques précises, ou encore de lancer des campagnes d'emailings vers des publics ciblés. Aujourd'hui job boards et réseaux sociaux sont dans un jeu de concurrence indirecte, mais il n'est pas certain que cette situation perdure indéfiniment."

Quelle stratégie peuvent-donc apporter les job boards pour répondre aux attentes des internautes en termes de recherche d'emploi, networking et Web 2.0 ?


monster espère toucher les utilisateurs de facebook grâce à sa nouvelle
Monster espère toucher les utilisateurs de Facebook grâce à sa nouvelle application © Capture d'écran / Monster

La réaction de Monster face à l'émergence des réseaux sociaux professionnels s'est traduite par la création d'une application Facebook en juin 2011. Baptisée BeKnown, la plateforme est traduite en 19 langues et permet de connecter son profil Facebook à sa page Monster, via un module Facebook Connect. BeKnown permet de faciliter le partage d'informations avec une communauté de recruteurs et intègre des processus de gamification grâce à des badges (lire l'article "Qu'est-ce que la gamification", du 21/07/2011).

"Le groupe ne voulait pas créer son propre réseau social, cela aurait été un trop gros projet. Avec Facebook, nous avons d'ores et déjà la possibilité de toucher 700 millions de personnes", explique Laurence Bricteux, directrice marketing de Monster pour la zone Europe du Sud. Elle précise que l'émergence de Viadeo ou de LinkedIn n'a pas affecté la fréquentation du site français Monster.fr. "C'est davantage la crise qui a généré une baisse du trafic entre 2008 et 2009 mais il a ensuite augmenté puis tend à se stabiliser". En France, Monster.fr n'a connu qu'une baisse de 6 % de son audience en un an, à 1,1 million de visiteurs uniques, selon Comscore.

Pour Laurence Bricteux, les réseaux sociaux professionnels ont encore besoin de rentrer dans les mœurs car "en France, les recruteurs sont encore frileux bien que les usages évoluent et que les internautes sur Facebook utilisent de plus en plus leur profil à des fins professionnelles".

Figaro Classifieds joue la carte du mobile

Thibaut Gemignani, directeur général de Figaro Classifieds (Cadremploi, Keljob), explique que "même si nous connaissons une baisse de visiteurs uniques sur ordinateur, elle est compensée par les usagers qui se connectent de plus en plus via leur smartphone. Le marché de l'Internet fixe est arrivé à maturité, et nous retrouvons une seconde vie grâce aux terminaux mobiles. De plus, les applications mobiles de LinkedIn ou Viadeo ne diffusent pas d'offres d'emplois. Selon lui, "Cadremploi dispose d'une nomenclature de recherche d'emploi plus précise sur mobile que sur PC pour permettre aux mobinautes de recevoir des "push" ciblés.

Sophie Ak, directrice marketing de Figaro Classifieds (Cadremploi, Keljob), ajoute que Cadremploi "a développé des outils connectés en créant un "profil public" permettant à chaque personne inscrite de disposer d'une page personnalisable contenant son CV et ses liens vers ses comptes Facebook ou Twitter ". Autrement dit, une page qui souligne l'importance des réseaux sociaux. La concurrence s'annonce encore féroce.



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Pôle Emploi réfléchirait à un partenariat avec un réseau social professionnel

Présent sur les plateformes mobiles Android et iPhone, l'établissement public à caractère administratif dispose également d'un site web mobile mais n'a pas encore pris le virage des réseaux sociaux. "Nous n'excluons pas la possibilité de créer une API avec un réseau social professionnel, par exemple à travers un partenariat", explique Reynalde Chapuis, directeur multicanal chez Pôle Emploi. Selon lui, les directeurs des ressources humaines utilisent les réseaux sociaux pour des actions de communication RH ou métier mais pas encore assez sur le recrutement. Le site Pole-emploi.fr enregistre 13 millions de visiteurs uniques par mois (une croissance de 20 à 25 % du trafic par an depuis 5 ans) et met aujourd'hui ses priorités sur "la lisibilité et la compréhension du site et des annonces, en raison d'un public extrêmement hétérogène".


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Réalisé par Hugo Sedouramane
Publié le 12/09/2011


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