Arrivée de Paypal dans le monde physique, essor de nouveaux usages, évolution du paiement mobile... Le directeur général de Paypal France dévoile sa stratégie.
Publié le 23/09/2011
JDN. Où en est l'activité de Paypal sur le mobile ?Alexandre Hoffmann. Pour nous, le mobile est déjà une réalité. En 2010, 750 millions de dollars de paiements mobiles ont été effectués avec Paypal. En 2011, ce montant devrait être multiplié par quatre et atteindre 3 milliards de dollars. En France, 3500 sites ont réalisé des ventes sur mobile grâce à Paypal. En effet, le marchand qui veut proposer Paypal n'a rien à faire pour intégrer notre solution. Cette facilité nous permet d'avoir sur le mobile une pénétration plus forte que sur l'Internet fixe. Nous avons d'ailleurs depuis longtemps un partenariat avec Prestashop pour permettre aux petits marchands de développer leur site mobile.
Comment voyez-vous évoluer le paiement sur mobile ?
Nous allons vers une convergence des mondes physique et virtuel. Ce qui va changer, c'est donc l'expérience d'achat. Prenez le paiement sans contact lancé à Nice : en un an, il n'a généré que 3000 paiements. Techniquement cela fonctionne très bien, mais sortir son mobile plutôt qu'une carte bancaire pour payer en boutique n'apporte rien à l'utilisateur. Le vrai potentiel réside dans la transformation de l'acte d'achat lui-même.
Un exemple ?
Un consommateur entre dans un magasin, il scanne le code-barre d'un produit, paie sur son mobile et n'a plus qu'à montrer son téléphone au vigile avant de quitter le magasin avec ses achats, sans avoir fait la queue à la caisse. C'est une expérience à mi-chemin entre virtuel et réel. Ce n'est pas encore déployé, mais cela ne va plus tarder, comme l'a récemment annoncé notre président Scott Thomson, qui a présenté plusieurs outils permettant aux marchands physiques de proposer Paypal comme moyen de paiement.
Comment concevez-vous votre arrivée dans le paiement offline ?
Le destin de Paypal, c'est le paiement tout court. D'abord, Internet n'est qu'une petite partie de nos vies. Et surtout, la frontière entre l'e-commerce et l'achat physique va bientôt disparaître. D'ailleurs, beaucoup d'usages vont être tirés par les consommateurs, plutôt que poussés par nous. Par exemple, cet été, j'ai vu sur une plage corse un photographe ambulant qui acceptait les paiements Paypal mais pas la carte bancaire : jamais nous ne l'aurions anticipé !
D'ailleurs, dès le début, les gens se sont approprié Paypal pour payer sur eBay, alors qu'initialement notre solution avait été conçue pour les transferts d'argent de particulier à particulier. Ensuite, les marchands ont voulu proposer Paypal comme moyen de paiement. En 2004-2005, nous avons donc eu un débat interne pour décider si nous devions nous développer dans l'e-commerce ou nous cantonner à eBay. Aujourd'hui, notre activité "service marchands", c'est-à-dire e-paiements et m-paiements hors eBay, génère près de 70% de notre volume total de paiements... et la majeure partie de notre croissance.
A quoi vont servir toutes les acquisitions réalisées par eBay depuis un an et demi ?
Nous avons racheté l'application mobile RedLaser de scan de code-barre en juin 2010. Fin 2010 nous avons aussi acquis le moteur de shopping local Milo, qui inventorie les stocks de dizaines de milliers de magasins physiques aux Etats-Unis : le service est déjà intégré à eBay US, il pourra à terme s'intégrer aux services mobiles. Le rachat du service de localisation de commerces physiques Where, en avril 2011, va nous apporter un outil pour proposer des offres géolocalisées. Quant à Zong, racheté en juillet et rattaché à Paypal, il permet de payer des biens virtuels via la facture de son opérateur mobile. eBay présentera début novembre, à New York, la façon dont seront combinées toutes ces briques.
Votre commission, réputée élevée, constitue-t-elle un handicap face à l'arrivée de nouveaux moyens de paiement en France comme Buyster, peut-être bientôt Amazon Payments ?
Pour les petits marchands, qui restent la plus grande partie de notre base de clients, Paypal n'est pas cher. Pour eux, il n'y a pas de frais de mise en œuvre donc en total cost, le service n'est pas cher. Pour les grands marchands, Paypal est effectivement plus cher que la carte bancaire, en France. Mais Paypal apporte deux choses d'une valeur très importante : 30% de ventes en plus et la garantie "livré ou remboursé".
Quelles sont vos relations avec les autres acteurs du secteur ?
Le monde du paiement relève beaucoup de la coopétition. Par exemple les banques, qui sont les pires ennemies les unes des autres, se sont mises d'accord pour mettre en place la carte bancaire. On pourrait penser que Paypal et Buyster sont concurrents. Mais d'un autre côté, avec le rachat de Zong, Paypal va bien arranger les opérateurs télécom. Nous avons aussi des partenariats avec des banques. Ainsi, la Caixa espagnole offre un compte Paypal à ses clients, en tant que façon sûre de payer sur Internet. Nous avons aussi des accords avec les opérateurs Vivo au Brésil et Maxis en Malaisie, qui distribuent des comptes Paypal à leurs clients. Bref, Paypal n'est pas leur concurrent.
En outre, personne n'a le monopole de l'innovation. Raison pour laquelle nous avons lancé Paypal X, une plate-forme ouverte pour les développeurs. eBay a d'ailleurs la même approche avec X.commerce, qui sera dévoilée mi-octobre.
Comment vous positionnez-vous par rapport à Google Checkout ou Checkout by Amazon ?
Dans le futur, aurons-nous un seul terminal mobile ? Ou bien plutôt un ordinateur de bureau, un autre à la maison, un iPhone, un iPad, le téléphone du conjoint... Pour le paiement, ce serait un peu la même chose. Est-ce qu'on utilisera GoogleCheckout pour un paiement sur Google, Amazon Checkout sur Amazon... On finira par se dire que le billet de 5 euros est drôlement pratique ! C'est pour cela que nous voulons offrir Paypal, sur toutes les plates-formes pertinentes, quelles qu'elles soient.
Certains distributeurs physiques se plaignent d'être devenus des vitrines pour Amazon. L'argument d'eBay est que contrairement à Amazon, eBay ne vend pas en propre. C'est toute la logique X-commerce : nous sommes là pour fournir des armes aux distributeurs pour gagner la guerre, en particulier contre Amazon.
Que pèse Paypal aujourd'hui, dans l'e-commerce mondial et français ?
Paypal a passé les 100 millions d'utilisateurs mondiaux fin juin. Nous sommes toujours sur le rythme, que nous avons promis aux analystes financiers, de doublement de notre activité tous les trois ans. Aujourd'hui, 15% des transactions de l'e-commerce mondial sont effectuées avec Paypal. En France, où nous comptons 5 millions d'utilisateurs et 22000 e-marchands partenaires, notre croissance est deux fois plus rapide que celle du marché.
Croyez-vous au commerce sur Facebook ?
On se demande beaucoup si le f-commerce est le m-commerce d'il y a deux ans. D'ailleurs cela compte pour une grande partie de la valorisation de Facebook. Sans ces perspectives marchandes, Facebook vaudrait beaucoup moins que 80 milliards de dollars. D'autant que sur Facebook, le CPM est vraiment bas.
Alexandre Hoffmann est directeur général de PayPal France depuis avril 2010. Il était précédemment en charge du développement des affaires de PayPal au niveau européen, menant le lancement de l'activité de produits financiers (cartes de crédit, cartes prépayées) au Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie et Espagne. Alexandre Hoffmann avait rejoint PayPal en 2007 depuis le cabinet McKinsey & Company, où il a conseillé pendant plus de 10 ans des acteurs du paiement, sociétés technologiques et opérateurs de télécommunications en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Il est titulaire d'un diplôme d'ingénieur électricien de l'Université de Louvain (Belgique) et d'un MBA de la Stanford Graduate School of Business (Californie).
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