mardi 20 septembre 2011

Michael Dell : « HP nous a fait un joli cadeau. Merci ! »

19/09 | 18:08 | mis à jour à 18:26 | Alexandre Counis et Romain Gueugneau

INTERVIEW

Le PDG de Dell revient, pour Les Echos, sur la stratégie du fabricant informatique, alors que son concurrent Hewlett-Packard vient d'annoncer sa probable sortie du marché des PC.

Recueilli par
Alexandre COUNIS
Alexandre COUNIS
Correspondant à Bruxelles
Romain GUEUGNEAU
Romain GUEUGNEAU
Journaliste


Le changement de modèle de HP et sa probable sortie du marché des PC vous ont-ils surpris ?

Cette annonce était effectivement une surprise. Car d'un point de vue stratégique, nous ne comprenons pas cette décision. Chez Dell, nous mettons un point d'honneur à fournir des solutions technologiques complètes à nos clients. C'est ce qu'ils demandent. Le groupe s'est certes transformé au cours des quatre dernières années, en se renforçant dans les services, les logiciels et les infrastructures informatiques. Mais les produits finaux comme les PC gardent un rôle très important dans notre offre technologique. En outre, d'un point de vue économique, le choix de laisser de côté les PC me semble très hasardeux.


Pour quelles raisons ?

L'impact sur les autres activités du groupe n'est pas négligeable, et notamment sur les ventes de serveurs informatiques. Les composants présents dans les PC -mémoires, disques durs, processeurs... -sont également présents dans les serveurs, qui ne sont rien moins que de très gros ordinateurs, en plus complexes. Mais les volumes d'achat sont évidemment bien plus importants. Ce marché concentre par exemple 95 % des achats de disques durs dans le monde, les 5 % restants sont absorbés par les serveurs. En abandonnant le PC, vous renoncez donc à votre pouvoir de négociation pour l'achat des divers composants. Premier acheteur mondial jusqu'à présent, HP ne figurera même plus dans le top 5 après cette opération. Pour conserver ses marges, il devra donc augmenter ses prix, et deviendra ainsi moins compétitif.


Cette décision de HP est donc une opportunité pour Dell ?

Ils nous ont fait un joli cadeau. Merci ! Nous allons en profiter pour gagner des parts de marché dans les PC mais aussi dans les serveurs, où HP reste pour l'instant le leader mondial et qui est en forte croissance, à la différence de la micro-informatique. Les effets seront rapidement visibles dans les chiffres de ventes. Les entreprises aiment s'équiper en serveurs et en ordinateurs auprès du même fournisseur.


Cela a-t-il semé le trouble chez vos partenaires et vos investisseurs, à propos de votre stratégie ?

Tous les observateurs extérieurs considèrent que c'est une très bonne nouvelle pour Dell. Et nous n'allons certainement pas changer de stratégie à cause d'un concurrent. Dans la chaîne de valeur informatique, toutes les activités sont importantes et liées entre elles. C'est d'autant plus vrai à l'heure du « cloud computing », où le matériel, les infrastructures, les logiciels et les services sont nécessairement intégrés.


Quelle analyse faites-vous du marché des PC, en perte de vitesse ?

Le PC n'est certainement pas mort. Cette année, il devrait encore se vendre 450 millions d'unités dans le monde. Et la base installée atteindra 2 milliards en 2014, selon Gartner. C'est donc une part encore très importante des solutions technologiques. Nous vivons dans un monde où les produits sont de plus en plus nombreux, avec des usages différents. C'est une bonne nouvelle pour Dell. Je ne crois pas à la théorie de la cannibalisation entre produits, et notamment entre la tablette et le PC. Ce qui est sûr en revanche, c'est que les utilisateurs créent toujours plus de contenu, avec les besoins en stockage et en sécurité informatique qui vont avec. La demande en solutions informatiques en général va donc continuer de croître. Je ne peux que m'en réjouir !


Quel bilan dressez-vous de votre présence depuis plus d'un an sur le marché des tablettes ?

Il est encore tôt pour émettre de véritables conclusions. La seule chose que l'on puisse dire avec certitude, c'est qu'Apple est pour l'instant le seul à réussir sur ce marché. Cependant, les nouveaux systèmes d'exploitation mobiles de Google, avec Android, et de Microsoft, avec le futur Windows 8, justement adapté aux tablettes, pourraient changer la donne. Nous travaillons sur ces deux plate-formes. Nous tenons en tout cas à rester sur le marché des tablettes. Cela fait partie de notre volonté d'être présent sur toute la chaîne de valeur informatique.


Où en est votre stratégie de croissance dans les métiers à plus forte valeur ajoutée ?

Nous nous sommes beaucoup concentrés sur le segment des entreprises, qui a représenté 27 % de notre activité l'an dernier. Nous avons beaucoup grossi dans le stockage, par exemple. Nous avons aussi changé la manière de travailler de notre force commerciale pour qu'elle soit plus orientée sur la fourniture de solutions adaptées aux besoins de nos clients, quel que soit leur secteur d'activité. Cette stratégie est payante : elle permet de faire croître nos bénéfices.


Quelles sont vos ambitions dans les services, en particulier ?

Nous continuons à nous développer. Nos contrats dans ce domaine ont triplé en trois ans, à 15 milliards de dollars. Et nous avons encore signé pour 1,3 milliard de dollars de contrats au premier semestre. Sur 110.000 employés chez Dell, 45.000 travaillent dans les services. Et nous continuons de nous renforcer par des acquisitions : nous avons par exemple acheté cette année Secure Works, une société spécialisée sur la sécurité dans le secteur financier.


A quel rythme comptez-vous poursuivre vos acquisitions ?

Nous continuerons au même rythme qu'aujourd'hui, à raison de 8 à 10 sociétés par an. Avec une préférence pour les cibles qui nous permettent d'acquérir des technologies ayant déjà fait leurs preuves, sans pour autant avoir eu accès à un public aussi large que celui que Dell peut leur apporter. Nous avons ainsi porté le nombre de clients d'Equalogic, un spécialiste du stockage de données rachetée il y a trois ans et demi, de 3.000 clients à près de 35.000 -dont un millier en Chine. Dans d'autres métiers, en revanche, nous ne comptons que sur nous-même, comme dans le « cloud computing » et les centres de données que nous opérons pour les entreprises.


Vous avez récemment annoncé un accord avec Baidu en Chine. Quels sont vos projets dans ce pays ?

Nous n'avons rien annoncé : il s'agit à ce stade d'une rumeur, que je ne peux pas commenter. Ce que je peux dire en revanche, c'est que la Chine est le deuxième marché le plus important pour nous. Tout comme en Inde, notre activité y progresse très vite en dépit de la crise économique. Selon nos estimations, 60 % des Chinois connectés à Internet utilisent des technologies Dell. Notre ambition dans ce pays est de continuer à croître plus vite que le marché. C'est déjà le cas : nous avons débuté avec 300 millions de dollars d'activité il y a dix ans et aujourd'hui, nous pesons 5 milliards de dollars dans ce pays. Nous avons 25 % à 30 % de parts de marché dans les serveurs. A peu près la même chose sur les PC pour les entreprises. Nous sommes nettement moins présents chez les particuliers.


La situation économique, en Europe et aux Etats-Unis, vous inquiète-t-elle ?

Nous surveillons de près l'évolution de la conjoncture. Mais ce n'est pas une source d'inquiétude majeure. En tout cas, ce n'est pas de nature à nous faire changer de cap. Au contraire. Malgré cette période économique difficile, nous allons continuer à investir et à faire croître nos différentes activités.

Propos recueillis par Alexandre Counis et Romain Gueugneau
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0201644822070-michael-dell-hp-nous-a-fait-un-joli-cadeau-merci-221259.php?xtor=EPR-1500-[la_une_matin]-20110920-[s=461370_n=3_c=304_]-361033@1

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire