Open Source et Open Data : même combat |
Si l'Open Data est encore embryonnaire en France, c'est déjà une réalité outre-Manche. Encore en phase bêta, le portail data.gov.uk est certes loin d'être terminé, mais commence déjà à fournir des données publiques, comme certaines dépenses de l'Etat. "Cela n'a pas été facile", explique Nigel Shadbolt, professeur d'informatique à l'université de Southampton qui a été mandaté par le gouvernement britannique pour piloter le projet. Son but : laisser accéder librement les citoyens aux données publiques... comme les développeurs et utilisateurs ont accès au code d'un logiciel Open Source.
"Des formats standards et ouverts"
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Nigel Shadbolt, professeur d'informatique à l'université de Southampton qui a été mandaté par le gouvernement britannique pour piloter le projet Open Data outre-Manche. © JDN |
"Les données peuvent être utilisées comme le veulent les citoyens. Il y a une totale liberté, c'est l'un des fondements de l'Open Data", explique Nigel Shadbolt.
Comme pour les Logiciels Open Source, ll faut donc accompagner l'utilisation des données d'une licence ouverte, à définir. Plusieurs exemples dont les pouvoir public peuvent s'inspirer existent donc déjà. "Les licences Creative Commons peuvent fournir un bon modèle pour ces licences libres du gouvernement, qu'il faudra ensuite parfois adaptées selon les contraintes juridiques locales."
Le nombre de données rassemblées au sein de data.gov.uk a augmenté de manière exponentielle. "Le but est de permettre aux citoyens de connaître par exemple les incidents médicaux ou les profils des chirurgiens dans un hôpital, mais aussi de connaître les crimes commis dans un lieu précis". Mais pour garantir la facilité d'accès, Nigel Shadbolt recommande "d'utiliser des formats standards et ouverts", pour le plus grand nombre puisse en profiter.
"Libérez les données, les applications suivront"
Ensuite, aussi à la manière des logiciels Open Source, la communauté sera amenée à améliorer la qualité des informations partagées, selon la méthode du crowdsourcing. Ainsi, les citoyens peuvent venir rectifier la position exacte d'un arrêt de bus ou ajouter des données qui ont pu échapper à la vigilance des pouvoirs publics.
"Les gains de l'Open Data sont sociaux mais aussi économiques" |
"Libérez les données, les applications suivront ", a pu observer Nigel Shadbolt. Une tendance qui s'observe également dans l'Open Source. Les codes sources libres engendrent de nombreux autres programmes (Linux avec Android par exemple). Dans le cas du portail data.gov.uk, les applications sont déjà visibles. Ainsi, une application pour smartphone propose déjà de géolocaliser les pharmacies, et "UKCrimeStats" classe les quartiers selon leur criminalité, en se basant sur les données publiques de la police.
Pour Nigel Shadbolt, les bénéfices de l'Open Data, sont multiples, et ne sont pas si lointains de ceux de l'Open Source. "L'Open Data a ainsi permis à l'administration d'être plus transparente, aux citoyens de plus s'engager dans la vie publique, ce qui a aussi eu pour heureuse conséquence d'améliorer les services publics. Les gains sont sociaux mais aussi économiques."
L'Open Source : un levier pour gagner en agilité |
"Selon le Gartner, 85% des entreprises utilisent de l'Open Source. Les autres l'envisagent. En outre, le cabinet estime que 80% des logiciels commerciaux disposent des composants Open Source en 2011. Les DSI doivent donc définir leur politique Open Source, qui permet de piloter, maîtriser, organiser et accompagner, le déploiement de composants et produits Open Source", conseille Patrice Bertrand, directeur général de Smile.
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Patrice Bertrand, directeur général de Smile. © JDN |
Aider à structurer la gouvernance
En amont, le recensement précis du patrimoine applicatif au sein du système d'information peut se révéler être complexe. "Les DSI ne savent ne savent pas toujours précisément où est l'Open Source dans leur système d'information. D'autant que parfois les solutions Open Source rentrent dans le système d'information sans avoir toutes les validations habituelles, comme celles du service achat notamment, car la solution peut être gratuite"
Poser les bases d'un schéma directeur Open Source va structurer l'approche et la gestion de l'Open Source au sein du système d'informations. Pourquoi est-ce essentiel ? Le schéma directeur Open Source peut aider à structurer la gouvernance et impacter le travail des opérationnels, et "c'est pour cela que c'est un travail de DSI", comme l'explique Patrice Bertrand. "Définir une politique Open Source va permettre de déterminer les préférences en termes de licences, les exigences en matière de support, mais va aussi permettre de définir les modalités de contribution au projet Open Source et les consignes à donner aux développeurs", détaille-t-il.
Un exemple porteur : le DSI du Département de la Défense américain
L'élaboration de cette politique Open Source peut également être le moment propice pour rectifier certains préjugés dont peuvent être victimes les logiciels ouverts. Patrice Bertrand prend un exemple porteur : un mémo écrit par le DSI du département de la Défense américain, David Wennergren, qui montre les bénéfices à attendre d'une telle démarche, et pointe également certaines incompréhensions qui ont pu freiner l'émergence du modèle.
La possibilité de modifier le code permet de répondre plus rapidement aux besoins de la DSI |
Parmi les "mauvaises interprétations" que le David Wennergren souhaite corriger, l'une concerne notamment les licences des solutions. "Contrairement à ce que certains croient, de nombreuses licences Open Source autorisent l'utilisateur à modifier le logiciel Open Source pour un usage interne sans être obligé de distribuer le code source au public", rectifie-t-il.
Référence en matière de politique Open Source
Ce mémo qui peut servir de base de référence en matière de politique Open Source, dresse également la liste des avantages de l'Open Source pour un DSI. Outre les avantages en matière de coût, figurent la possibilité de modifier le code. "Ce qui permet de répondre plus rapidement aux besoins de la DSI", pointe le mémo. "La dépendance vis-à-vis d'un développeur ou d'un vendeur particulier, liée aux restrictions propriétaires, peut aussi être réduite par l'utilisation de logiciels Open Source."
Enfin, preuve que David Wennergren est plus guidé par le pragmatisme que le militantisme, "les considérations évoquées plus haut ne peuvent pas être les facteurs prééminents d'une décision concernant le logiciel. Enfin de compte, c'est le logiciel qui satisfait le mieux aux besoins et les missions du Département qui doit être utilisé, qu'il soit ou non Open Source."Louis Montagne (Open World Forum) : "L'Open Source n'a pas perdu la bataille du Cloud Computing" |
JDN Solutions. Quels sont les enjeux de cette édition 2011 de l'Open World Forum ?
Louis Montagne (Open World Forum). Cette édition continue d'être fidèle à son esprit d'origine : c'est un événement gratuit et qui a une dimension internationale. C'est le plus grand rendez-vous européen de ce type autour de l'Open Source.
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Louis Montagne est le co-président de l'édition 2011 de l'Open World Forum. © JDN |
Cependant, nous avons introduit plusieurs nouvelles dynamiques. Si l'événement était précédemment centré sur le monde de l'entreprise, il s'est aujourd'hui enrichi et a élargi son ouverture. Un volet "code" s'adresse désormais aux développeurs, et une partie "experiment" s'adresse plus au grand public pour le familiariser de façon parfois ludique ou artistique à l'Open Source. La cible des entreprises reste cependant très importante, avec beaucoup de DSI invités et des conférences, en anglais, avec des intervenants venant du monde entier.
L'Open Data est l'un des thèmes phares abordés lors de cette édition. Quel est son rapport avec l'Open Source, et quels rôles vont jouer les acteurs du "Libre" dans l'Open Data en France ?
L'idée centrale de l'Open Data reste l'ouverture, or c'est la thématique fondamentale de l'Open Source. La philosophie et la démarche sont donc identiques, mais les outils et les moyens mis en œuvre seront aussi les mêmes... Comme l'Open Source, l'Open Data nécessitera aussi des interventions extérieures de contributeurs, pour alimenter, actualiser ou corriger la base de données par exemple.
Il y a aujourd'hui beaucoup de projets Open Data qui émergent dans la monde. Nous avons invité Nigel Shabolt pour qu'il raconte son expérience sur le projet Open Data qu'il a mené au Royaume Uni. Cependant, tous les projets ne se déroulent pas aussi bien. A San Francisco par exemple, la ville a du mal à mette en place l'Open Data. Ce sont des projets délicats.
"L'Open Source a aussi besoin de grands acteurs de l'industrie informatique pour le soutenir" |
Mais, force est de constater qu'il y a une réelle volonté, politique notamment, qui est là. C'est aussi le cas en France. C'est nécessaire, mais pas suffisant. Car, par exemple, pour obtenir ne serait-ce que l'endroit des arrêts de bus, ce n'est pas vers Paris, la Ville, qu'il faut se tourner, mais vers la RATP qui détient ces données.
Les données seront donc générées par beaucoup d'acteurs différents, et il faudra les rassembler. En outre en France, si l'idée fait son chemin, il va aussi falloir choisir les partenaires et mettre en place les infrastructures adéquates. Les discussions, avec des acteurs du Libre, ont déjà commencé.
Le Cloud Computing est aussi l'un des thèmes souvent abordé lors de cette édition. Or, dans le domaine de la virtualisation, c'est une technologie fermée qui domine le marché... L'Open Source n'est-il pas en train de perdre une importante bataille ?
Je ne crois pas. Tout d'abord, le Cloud Computing n'en est qu'à ses débuts. Beaucoup de choses restent à faire. SaaS, PaaS, IaaS sont des moyens de vendre des services, et représentent autant d'opportunités pour l'Open Source. Certes, les infrastructures peuvent sembler plus fermées par essence, mais des acteurs de l'Open Hardware peuvent changer ce préjugé. Ensuite, l'Open Source est déjà partout, et participe déjà à beaucoup de systèmes, y compris dans le Cloud Computing, mais tout le monde ne le sait pas toujours...
Que pensez-vous de la façon dont Oracle a géré les projets Open Source de Sun après l'avoir racheté ? Cette année encore les actualités d'Oracle à ce sujet n'ont pas manqué de froisser certains acteurs de L'Open Source...
Sun a écrit une page importante dans l'histoire de l'Open Source. C'est facile de voir Oracle comme l'ennemi juré de l'Open Source, mais il ne faut généraliser. L'Open Source a aussi besoin de grands acteurs de l'industrie pour le soutenir et développer les projets. Ensuite, cette acquisition a permis de générer de nouvelles impulsions et stratégies. LibreOffice, par exemple, est plus une adaptation d'OpenOffice qu'un réel fork. Engin, je pense que le modèle d'Oracle est condamné à évoluer. Il n'est plus en adéquation avec les problématiques actuelles.
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L'Open World Forum (OWF) 2011 se tient du 22 au 24 septembre à Paris. Cet événement annuel a été lancé en 2008, et se tient désormais chaque année à Paris.
Cette édition a notamment pu compter sur la présence d'Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, Jean-Paul Planchou, vice-président de la région Ile-de-France en charge du développement économique, de l'innovation, et de la technologie, Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l'Innovation, la recherche et les universités.
Le forum est gouverné par une structure de pilotage rassemblant les principales fondations et associations Open Source internationales (Apache Software Foundation, Linux Foundation, Open Source Initiative, OW2 Consortium, Qualipso Consortium), et les grandes associations francophones du logiciel libre (Adullact, AFUL, CNLL, PLOSS, Silicon Sentier), avec le soutien de grands acteurs institutionnels européens (Commission Européenne) et français (Mairie de Paris, Région Ile-de-France, Agence Régionale de Développement). Le forum compte parmi ses partenaires 70% de grands acteurs mondiaux des technologies IT.
L'organisation de l'Open World Forum 2011 est pilotée par le pôle de compétitivité Systematic Paris-Région assisté d'un comité d'organisation (Forum Committee) qui regroupe les principaux partenaires et contributeurs de l'OWF (AF83, Alter Way, le Groupe Thématique Logiciel Libre de Systematic et Smile).
L'emploi dans l'Open Source : un marché tendu
Demande pointue, pénurie de profils, manque de formations... Les tensions s'exacerbent sur le marché de l'emploi Open Source. L'enjeu est considérable pour le secteur. Lire
Six briques pour construire un système d'information 100% Open Source
Progiciels de gestion, relation client, décisionnel, messagerie et collaboratif, gestion de contenu... Aucun domaine applicatif n'échappe à la déferlante du Libre. Lire
http://www.journaldunet.com/solutions/systemes-reseaux/open-source-et-open-world-forum/?f_id_newsletter=5727&utm_source=benchmail&utm_medium=ML7&utm_campaign=E10207450&f_u=23951499
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