A lire sur: http://www.itrnews.com/articles/131847/commerce-est-dynamique-mais-combien-temps-encore.html?key=862d53eea2c1d2fe
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Apparemment, l’e-commerce aux particuliers ne connaît pas la
crise. Indifférentes à la dégradation de la conjoncture économique et
portées par les innovations technologiques, les ventes en ligne ont
ainsi bondi de 22% en 2011 pour atteindre 37,7 milliards d’euros,
représentant désormais 3,4% de la consommation des ménages et 7,9% du
chiffre d’affaires du commerce de détail ». Et les experts de
Xerfi-Precepta tablent sur une croissance annuelle moyenne de 15% entre
2012 et 2015, date à laquelle le commerce en ligne pèsera 66,7 milliards
d’euros (5,4% de la consommation totale des ménages).
Ce dynamisme doit toutefois être relativisé, met en garde Delphine
David, auteur de l'étude. D’abord le taux de croissance de l’e-commerce a
commencé à ralentir. Et en réalité, l’affaiblissement du pouvoir
d’achat a déjà enrayé la progression du panier moyen (90,3 euros).
Surtout, un deuxième moteur de croissance risque de s’éteindre.
L’analyse montre en effet que si la proportion de cyberacheteurs
continue d’augmenter au même rythme, le potentiel maximum pourrait être
atteint en 2016-2017, compte tenu des évolutions démographiques.
Dans ces conditions, la fidélisation des acheteurs et des vendeurs
(pour les plateformes d’intermédiation) revêt un caractère d’urgence
pour les e-commerçants, même si le défi n’est pas récent.
Une quarantaine d’opérateurs truste 25% de l’activité
Malgré le ralentissement de sa croissance, l’e-commerce attire toujours
plus d’entreprises. Plus de 100 000 sites marchands étaient ainsi
recensés fin 2011 avec un chiffre d’affaires moyen de 375 000 euros par
site. En fait, l’activité est beaucoup plus concentrée que le nombre
élevé d’opérateurs le laisse supposer. Le classement des sites marchands
en France, réalisé par Xerfi-Precepta, révèle qu’une quarantaine
d’opérateurs génère un chiffre d’affaires supérieur à 30
millions d’euros, représentant 7,5 milliards d’euros d’activité au
total, soit un quart du e-commerce. Au sein même de cet échantillon de
leaders, 70% de l’activité est réalisée par 10 opérateurs.
Les pure players dominent l’e-commerce français là où les acteurs de la
distribution physique occupent la première place au Royaume-Uni
(premier marché européen de l’e-commerce), tandis que les véadistes
traditionnels sont très bien représentés en Allemagne. Leurs homologues
français ont, quant à eux, traversé une période difficile au cours de
laquelle des plans de restructuration se sont succédé et dont ils
sortent à peine. S’ils ont mal négocié le virage internet, les
véadistes traditionnels (du moins les leaders La Redoute et 3 Suisses)
ambitionnent aujourd’hui de devenir des full web company. Ils accordent
ainsi la priorité au développement des ventes sur internet et sur mobile
et mènent des initiatives intéressantes sur les réseaux sociaux.
Les enseignes physiques à la manoeuvre
De leur côté, les enseignes de distribution traditionnelle ont accumulé
un retard certain en matière d’e-commerce, mais elles sont passées à la
vitesse supérieure. Début 2012, près de 70% des 90 principales chaînes
de distribution française (tous secteurs confondus) avaient lancé un
site marchand. Les click & mortar sont particulièrement nombreux
dans les secteurs de la beauté, des jeux et jouets et des biens
culturels.
Même les enseignes de distribution alimentaire, qui n’ont pas réussi à
imposer leurs cybermarchés, ont enfin trouvé leur place dans la sphère
marchande virtuelle grâce au drive. On note toutefois un certain retard
du commerce associé, les enseignes n’ayant pas toujours trouvé les
solutions pour adjoindre un site marchand à un réseau d’indépendants
(franchisés ou autres). Mais là encore, la situation évolue rapidement.
L’internet ne doit toutefois pas être considéré comme un eldorado
Une fois que toutes les enseignes auront rejoint la sphère marchande
virtuelle, elles seront à nouveaux confrontées aux mêmes situations de
marché que celles rencontrées dans la sphère physique, soit dans la
plupart des cas, à des problèmes de saturation par manque de
différenciation des concepts de vente. Les distributeurs ont en effet
tendance à se contenter de transposer à l’identique dans la sphère
virtuelle les concepts de vente de la sphère physique. Ils se privent
ainsi d’options stratégiques importantes. Le lancement de nouvelles
enseignes sur le net est en effet complémentaire d’une politique de
différenciation qui passe par la diversification des canaux de
distribution et des enseignes.
L’impératif d’une stratégie de différenciation
Les experts de Xerfi-Precepta ont analysé l’état de la concurrence et
les positionnements des enseignes sur 12 marchés témoins de l’équipement
de la personne, de la maison et des loisirs en fonction de leurs
avancées en matière d’e-commerce et de l’intensité de la concurrence.
L’analyse a permis de segmenter ces marchés en trois principaux groupes,
appelant chacun sa propre stratégie de différenciation :
-la différenciation par la segmentation sur les marchés du
bricolagejardinage, de la bijouterie-horlogerie, des parfums et
cosmétiques, des jeux et jouets, des articles de sport ;
-la différenciation par la relation clients et les services sur les
marchés de l’électroménager, de l’EGP et de l’informatique, des biens
culturels ;
-la différenciation par la marque sur les marchés de l’ameublementdécoration, de l’habillement et de la chaussure.
Les pure players font évoluer leur business model
En face, les pure players ont trouvé des solutions pour valoriser et
monétiser leur audience face à leurs problèmes de marges. Ils créent
ainsi leur market place dans une logique d’enrichissement de leur offre
ou commercialisent des espaces publicitaires. Cdiscount et les 3 Suisses
ont récemment créé leur place de marché.
Aujourd’hui confrontés à une stagnation de leur audience, les grands
pure players de l’e-commerce français mettent tout en oeuvre pour
fidéliser les vendeurs professionnels de leur market place. Des efforts
qui s’inscrivent plus largement dans une évolution des business models
vers le BtoB. Rentabiliser les investissements consentis au fil des ans,
notamment en logistique et marketing, par la mutualisation apparaît
aujourd’hui comme une évidence alors que se profile un net
ralentissement de l’activité et des pressions croissantes sur les marges dans un univers concurrentiel.
Les e-commerçants s’apprêtent à franchir une étape supplémentaire
Dans le cadre de leur stratégie BtoB, ils vont développer des
prestations de services aux entreprises indépendamment de leur activité
e-commerce et de leur propre plateforme marchande. Le potentiel est
important et les opportunités nombreuses, compte tenu des compétences
détenues en interne. C’est ce qu’illustre la création de régies
publicitaires et d’agences de communication (3W Régie chez Cdiscount,
PixAgency chez Pixmania…). Les e-commerçants ayant internalisé cette
fonction pour leur propre plateforme peuvent aujourd’hui assurer la
gestion des espaces publicitaires d’autres sites éditeurs (pas forcément
marchands).
La forme la plus aboutie de cette orientation stratégique est pour le
moment la délégation e-commerce (gestion intégrale ou à la carte de
l’activité e-commerce d’une entreprise). Les incursions se font par
croissance externe (rachat de GSI Commerce par eBay) ou par croissance
interne (création de la Digital Commerce Factory par Venteprivee.com).
Toutes ces évolutions transforment peu à peu les e-commerçants en
véritables prestataires de services aux entreprises. Reste à savoir à
quel rythme vont se développer ces activités et si, un jour, elles
contribueront davantage au chiffre d’affaires que les activités de
commerce de détail en ligne.