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Le 3 juin 2013 à 14h29
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
La société D-Wave Systems prétend depuis
des années être en mesure de commercialiser des calculateurs quantiques
avec plus de 100 qubits intriqués. La communauté scientifique est majoritairement sceptique, mais Google vient d'annoncer qu'il a acheté l’un de ces calculateurs et que la Nasa l'utilisera aussi.
- Découvrez notre dossier sur l'ordinateur quantique
Le concept d'ordinateur quantique, introduit il y a plusieurs décennies par Richard Feynman et d’autres chercheurs, continue de faire rêver. Il permettrait de briser les limites des ordinateurs
classiques pour certains types de calculs. On ne sait pas encore
fabriquer de tels ordinateurs au sens exact du terme. Mais on est
capable de réaliser des calculateurs ou des simulateurs spécialisés,
capables de manipuler non plus des bits mais bien des qubits
d’informations, tout comme les ordinateurs quantiques.
Leur fonctionnement repose sur le principe fondateur de la physique quantique, celui de la superposition des amplitudes de probabilités pour un état quantique, et plus précisément sur la notion d’intrication quantique.
Malheureusement, pour le moment, ces calculateurs sont aisément battus
par une calculatrice de poche. Pour vraiment inquiéter des superordinateurs comme le K japonais, il faudrait disposer d’un grand nombre de qubits.
Claude Aslangul, en compagnie de Richard Taillet,
est interrogé par les éditions De Boeck. Dans cette vidéo il répond aux
questions : Pourquoi la décohérence est-elle un obstacle à la
fabrication d'un ordinateur quantique ? Quelle est la différence entre
un ordinateur quantique et un classique ? © Éditions De Boeck, YouTube
Claude Aslangul, en compagnie de Richard Taillet, est interrogé par les éditions De Boeck. Dans cette vidéo il répond aux questions : Pourquoi la décohérence est-elle un obstacle à la fabrication d'un ordinateur quantique ? Quelle est la différence entre un ordinateur quantique et un classique ? © Éditions De Boeck, YouTube
La décohérence, une limite pour le temps de calcul quantique
Le problème de ce projet est qu’il implique que la
taille d'un vrai ordinateur quantique, du moins la partie effectuant les
calculs, s'approche de celles des objets de notre monde macroscopique.
Or, comme le montre bien le paradoxe du chat de Schrödinger, le monde quantique laisse la place au monde classique à cause du phénomène de la décohérence.
La majorité des travaux avec des calculateurs
quantiques existant déjà nécessite, pour limiter la décohérence, de les
refroidir à très basses températures. Il s'agit de les protéger du bruit
thermique capable de détruire la fragile superposition des états et l’intrication quantique. Plus généralement, il faut isoler le plus possible un tel système de son environnement pour lui laisser un temps de calcul quantique
suffisamment long pour résoudre un problème. L'obstacle est donc
immense et il est probable que l'on soit en présence d'une voie sans
issue.
Erwin Schrödinger
a mis en évidence théoriquement le phénomène de l'intrication quantique
en 1935. Il serait sans doute très heureux de voir que, via des
calculateurs quantiques, l'intrication quantique serait peut-être sur le
point de révolutionner ce que l'on pense des cellules vivantes et du cerveau, lui qui a travaillé sur les bases physiques de l'hérédité et de la conscience. © The Nobel Foundation
Un calculateur pour Google et la Nasa avec 512 qubits
Or, depuis des années, la société canadienne D-Wave Systems prétend
avoir contourné l'obstacle de la décohérence, au moins dans certaines
situations. Elle affirme avoir réussi à construire un calculateur
quantique (donc pas encore un vrai ordinateur programmable) utilisant
128 qubits. Malgré le scepticisme affiché de bon nombre de spécialistes
du calcul quantique comme Scott Aaronson, D-Wave Systems était parvenue à vendre son calculateur quantique à la célèbre société Lockheed Martin pour dix millions de dollars en 2011.
Le calculateur de la société, D-Wave One, était
censé se limiter à mettre en pratique une méthode de calcul
d'optimisation largement utilisée pour résoudre divers problèmes, une
version quantique des algorithmes dits de recuit simulé (simulated annealing
en anglais). Mais depuis 2011, rien n'était vraiment venu contredire
les doutes de la communauté scientifique. On comprend donc que l'annonce
récente de Google, impliquant la Nasa, ait fait l'effet d'une véritable bombe. On vient d'apprendre en effet que le Ames Research Center de la Nasa, en partenariat avec la USRA (Universities Space Research Association) va accueillir le Quantum Artificial Intelligence Lab de Google.
Le plus stupéfiant, c'est que le géant d'Internet
a simultanément fait savoir que ce nouveau laboratoire accueillera le
dernier calculateur quantique de D-Wave Systems. Le nouveau joujou que
Google a acheté, nommé D-Wave Two, devrait toujours être capable
d'utiliser l'intrication quantique pour résoudre des calculs de recuit
simulé... mais cette fois avec environ 500 qubits !
Un calculateur quantique 3.600 fois plus rapide
S'agit-il d'un coup de bluff de plus de D-Wave
Systems ? On a du mal à le croire. Ni Lockheed Martin, ni Google et
encore moins la Nasa (même si elle s'est permis une parodie du Gangnam Style) ne sont des plaisantins ou des ingénus.
Une
vue des calculateurs quantiques de D-Wave Systems au Canada. C'est sur
l'un d'entre eux que des informaticiens comme Catherine McGeoch ont fait
des tests, pour tenter de déterminer si l'on était bien en présence de
calculateurs quantiques capables de battre les ordinateurs classiques. ©
Amherst College
L'affaire a fait grand bruit, d'autant plus que
D-Wave Systems a autorisé des experts reconnus à faire passer des tests
de vitesse de calcul à D-Wave Two. Les conclusions de Catherine McGeoch, professeure au Technology and Society (Computer Science) du Amherst College,
ont en particulier été largement diffusées sur la toile.
L'informaticienne et ses collègues ont annoncé qu'au moment où ils ont
essayé D-Wave Two,
le calculateur quantique était bel et bien capable de résoudre des
problèmes particuliers d'optimisation des milliers de fois plus vite que
les ordinateurs et les algorithmes classiques de l'époque.
Alors, sommes-nous vraiment au seuil d'une
révolution technologique sans précédent basée sur le calcul quantique ?
Futura-Sciences se penchera plus longuement sur les performances de
D-Wave Two dans un prochain article.
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