mardi 25 juin 2013

« Le télétravail est un levier de motivation et d’engagement des salariés »

A lire sur:  http://business.lesechos.fr//directions-ressources-humaines/bien-etre-au-travail/le-teletravail-est-un-levier-de-motivation-et-d-engagement-des-salaries-7365.php

Bien-être au travail

Par Michel Barabel, enseignant, avec la revue "Personnel" de l'ANDRH | 19/06/2013


Accenture est un pionner du management à distance, de par son activité de conseil en entreprise et sa dimension multinationale. Leslie Dehant, DRH d’Accenture France, explique qu'après avoir généralisé le télétravail chez les populations sédentaires, l'entreprise veut maintenant l’étendre à ses consultants.

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Pouvez-vous retracer l’historique du télétravail chez Accenture ?

Le télétravail a été mis en place chez Accenture en 2010. Nous avons procédé en deux temps. Dans un premier temps, nous avons mené une expérimentation sur un groupe pilote d’une quinzaine d’assistantes afin de tester le télétravail. Puis, dans un second temps, comme le test s’était avéré concluant, nous avons décidé de négocier avec nos partenaires sociaux, un accord sur le télétravail qui est en place depuis environ deux ans.

Leslie Dehant, DRHAccenture France
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Leslie Dehant, DRH d’Accenture France.

Quels sont les points marquants de cet accord ?

Le télétravail concerne aujourd’hui principalement les populations sédentaires (services généraux, fonctions supports, …) qui représentent environ 500 collaborateurs. L’accord donne la possibilité à nos salariés de prendre de un à trois jours par semaine de télétravail, avec évidemment des avantages associés comme la prise en charge d’une partie des frais (téléphone, électricité, matériel,..). Il nous semble indispensable de bien encadrer le télétravail. Par exemple, chaque salarié signe un avenant avec les jours consacrés au télétravail. Notre volonté est d’encourager le télétravail dans le cadre d’une politique de bien-être au travail qui permet notamment une réduction du temps de transport et donne plus de flexibilité aux collaborateurs. L’accord fixait un objectif de 50 % de télétravailleurs. Ce dernier est largement dépassé puisqu’il concerne aujourd’hui 60 % des populations sédentaires avec un retour extrêmement positif puisque notre enquête de satisfaction pour le personnel lancée en octobre dernier le fait ressortir comme un point très apprécié des salariés.

Pourquoi les salariés sont-ils satisfaits de ce dispositif ?

Le télétravail permet de mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Avec la suppression des temps passés dans les transports, les salariés peuvent reprendre certaines activités extra-professionnelles récupérer leurs enfants à l’écoleCette flexibilité améliore leur bien-être au travail mais également leur engagement vis-à-vis de l’entreprise.

Autorisez-vous toutes les demandes de télétravail ?

" Il est important qu’il y ait une période d’intégration en présentiel pour que le salarié puisse monter en compétences, acquérir des méthodes de travail et adhérer à la culture d’entreprise avant de pouvoir travailler chez lui." 
  • Leslie Dehant, DRH d’Accenture France.
Chaque demande de télétravail doit être validée par le management, mais on ne demande au salarié aucun justificatif. En fait, il y a deux choses qui peuvent nous conduire à donner une réponse défavorable : l’emploi occupé si ce dernier est incompatible avec cette modalité de travail et l’antériorité dans l’entreprise. En effet, les nouveaux entrants doivent attendre une période de trois à six mois avant de pouvoir passer en partie en télétravail. Il est important qu’il y ait une période d’intégration en présentiel pour que le salarié puisse monter en compétences, acquérir des méthodes de travail et adhérer à la culture d’entreprise avant de pouvoir travailler chez lui dans un deuxième temps.

Le choix de télétravailler est-il réversible ?

On a un principe de tacite reconduction. Si le salarié ne revient pas vers nous, sauf dysfonctionnement observé par le manager, le salarié conservera ce statut. Ensuite, il est toujours possible de revenir en arrière si le salarié se rend compte que finalement le télétravail ne lui convient pas. Mais, ce n’est jamais arrivé jusqu’à ce jour.

Comment se sont comportés vos managers face à ce projet ?

" Nous avons associé les managers en leur demandant de tester le télétravail par eux-mêmes." 
  • Leslie Dehant, DRH d’Accenture France, à propos de la mise en place du télétravail au sein de l'entreprise.
Dès le départ, nous avons considéré que l’une des clefs du succès, était la participation du management et son exemplarité. Nous les avons donc associés en début de projet. Nous les avons mis en situation d’acteurs en leur demandant de tester le télétravail par eux-mêmes. Nous avons également partagé avec eux les résultats de l’opération pilote afin de les convaincre de la pertinence de déployer le dispositif.

Avez-vous mené une réflexion sur les incidences du télétravail sur les risques psychosociaux ou de santé au travail qui pourraient en découler ?

Télétravail à domicile
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Accenture pratique depuis longtemps le management à distance, du fait des spécificités de son métier (conseil en entreprise avec des collaborateurs chez le client, gestion de collaborateurs sur plusieurs sites, entreprise internationale). Nous savons donc comment détecter les cas de surinvestissement. En particulier, la question de la charge de travail est l’un des premiers points abordés par le collaborateur avec son manager lors de ses deux entretiens annuels.

Certains experts considèrent que le télétravail a un impact négatif sur la culture d’entreprise et la dimension collective d’une entreprise ?

Nous n’avons pas observé ces problèmes mais c’est sans doute parce que nous avons voulu les anticiper. Nous avons organisé collectivement le télétravail pour que tous les salariés ne soient pas absents en même temps. C’est également pour cela que nous avons limité le télétravail à trois jours maximum pour assurer à tous une présence de deux jours en présentiel. C’est au management de s’assurer qu’il y ait quand même d’abord une continuité de service et des journées en commun, où tout le monde se retrouve. Nous avons voulu absolument éviter l’isolement des collaborateurs ou de diluer le lien au sein des équipes. Les managers sont les garants de l’esprit d’équipe et du maintien d’une culture d’entreprise forte.

Est-ce que l’on peut envisager que dans quelques années, la quasi-totalité de vos effectifs seront des télétravailleurs à temps partiel ?

Je crois qu’on peut effectivement le penser, et on y travaille déjà. Nous avons tous les mois une revue concernant les demandes de télétravail et progressivement le nombre de collaborateurs télétravailleurs augmente. On ne pourra jamais atteindre 100 % pour différentes raisons : les salariés n’ont pas forcément l’espace requis pour travailler chez eux surtout s’ils ont des enfants. D’autres salariés ne souhaitent pas s’isoler et se couper de l’entreprise même pour quelques jours par semaine.

Les consultants ont aujourd’hui moins recours au télétravail que les sédentaires. Cela va-t-il changer ?

" Le principal frein au télétravail chez nos consultants vient d’entreprises ou administrations clientes qui ne sont pas favorables à la mise en œuvre de ce type de dispositif chez elles." 
  • Leslie Dehant, DRH d’Accenture France.
Oui, nous souhaitons développer davantage ce dispositif auprès de nos consultants. Pour ce faire, nous allons procéder de la même manière. Nous allons lancer une phase de test auprès de trois projets pour lesquels nous avons obtenu l’accord de nos clients. En effet, le principal frein au télétravail chez nos consultants vient d’entreprises ou administrations clientes qui ne sont pas favorables à la mise en œuvre de ce type de dispositif chez elles. Nous pensons qu’Accenture a un rôle à jouer pour les sensibiliser aux bénéfices de cette nouvelle organisation du travail et les faire bénéficier de son expérience dans ce domaine.

Considérez-vous que votre politique de télétravail a un impact sur votre attractivité (marque employeur) et la fidélisation de vos talents ?

Oui, c’est très clairement à la fois un levier de motivation pour les salariés de l’entreprise comme en témoignent nos enquêtes mais cela a également un impact sur notre attractivité notamment auprès des jeunes générations qui sont beaucoup plus sensibles aux questions de flexibilité des horaires, de bien-être au travail et d’équilibre vie professionnelle/ vie privée. Nous avons d’ailleurs des questions sur le sujet en entretien de recrutement.

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Est-ce que la généralisation du télétravail vous a conduite à réaménager vos locaux autrement ?

D’abord, Accenture est en open space depuis environ 15 ans. Mais effectivement, le télétravail, les espaces de travail, les modes de communication, les méthodes de travail ont été traités conjointement dans le cadre d’un projet global intitulé « Moving Forward». Cela nous a conduits à repenser nos différents espaces pour en distinguer une dizaine qui répondent chacun à un besoin spécifique (brief d'équipe, discussion à deux, réunion plus large...). On a également créé des lieux spécifiques dédiés aux rencontres, comme par exemple notre lounge qui correspond à l’endroit où on va prendre notre café. Nous sommes également équipés de salles de téléprésence. L’objectif était de rendre nos locaux plus conviviaux, plus agréables avec des espaces collaboratifs, des lieux dédiés aux réunions informelles et des lieux de détente.

Avez-vous un point de conclusion ?

Je pense que ce qu’il faut retenir pour les entreprises qui n’ont pas encore aujourd’hui mis en place le télétravail, c’est que nous constatons que ce dernier est clairement un levier de motivation et d’engagement des salariés. C’est également un facteur d’attractivité pour les jeunes générations. A titre personnel, je suis en télétravail depuis un peu moins d’un an. Je ne faisais pas de télétravail avant. J’ai décidé de prendre une journée, je l’ai choisi en fin de semaine parce que je reçois beaucoup de mails, et cela me permet de terminer ma semaine en gérant tous mes mails et en traitant sereinement tous mes dossiers laissés en suspens. Je me rends compte que c’est devenu quasiment vital pour moi alors que je n’y étais pas très favorable à l’origine. En tant que RH, je considérais que je devais voir mes équipes et les salariés tous les jours et j’avais peur de me morfondre toute seule à la maison. En fait, cette journée me permet de rester connectée avec l’entreprise (téléphone, mail…) mais également de travailler dans le calme et sereinement en optimisant la gestion du temps de travail.

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