A lire sur: http://www.zdnet.fr/actualites/ocde-le-modele-voulu-par-les-operateurs-europeens-pour-gerer-le-net-est-inefficace-39783840.htm#xtor=EPR-100
Business - L'OCDE a publié la semaine dernière un rapport démontant les propositions de l'association européenne des FAI pour modifier les règles internationales de gouvernance de l'Internet. Pour autant, l'organisation ne reprend pas l'idée de neutralité du net à son compte.
"Le nouveau rapport de l'OCDE apporte la preuve que le modèle existant de l'Internet fonctionne extrêmement bien, a stimulé la croissance et la concurrence, et a apporté des prix pour les données 100 000 fois inférieurs à ceux d'une minute de voix."
Pas d'équivoque dans le dernier rapport de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), finalisé le 17 octobre dernier et repéré par Les Echos. La copie du rapport, que nous nous sommes procurés, fait état d'une étude portant sur 4300 réseaux, représentant 140 000 échanges directs de trafic sur Internet, et livre des conclusions tranchées.
Toper reste jouer
Si le modèle actuel (universalité, égalité, neutralité) fonctionne si bien, selon l'OCDE, c'est grâce à son système de fonctionnement : "Depuis que l'Internet été commercialisé au début des années 90, il a développé un marché efficace pour la connectivité, basé sur des accords contractuels volontaires."
Ce que l'OCDE met en exergue, ce sont les accords d'appairage, ou peering. Ceux-ci sont actuellement neutres entre opérateurs – au sens large – du réseau : l'information circule d'une boucle réseau à une autre, et sans que ça donne lieu à une différenciation.
En partant du principe que les volumes de données échangées sont comparables entre les réseaux, l'accord se fait généralement sur la base de la gratuité. Résultat, selon l'étude de l'OCDE, "99,5% des accords d'interconnexion sont conclus sans contrat écrit."
L'intérêt de ce modèle est relativement clair : il permet la mise en place d'une infrastructure neutre, sans différenciation entre les trafics en fonction de leur provenance ou d'intérêts commerciaux.
Un modèle que voudraient remettre en cause beaucoup d'opérateurs européens, regroupés dans l'association ETNO (European Telecommunications Network Operator).
Le problème, pour les opérateurs, c'est que le modèle non-régulé actuel a amené des disparités entre opérateurs, ou entre fournisseurs de contenus et opérateurs.
L'explosion de la vidéo, notamment, a donné lieu à quelques polémiques, comme les soucis d'interconnexion entre Free et Youtube, ou l'affaire Cogent-Orange liée à MegaUpload.
Les demandes de l'Etno sont donc limpides : l'association veut que ses membres puissent mettre en place des accords commerciaux. Avec les opérateurs d'autres pays, par exemple, mais aussi avec les fournisseurs de contenus.
YouTube, pour reprendre cet exemple, qui consomme beaucoup de trafic, devrait alors payer les opérateurs pour que son contenu soit délivré avec une qualité optimale. Dans le cas contraire, son accès serait alors dégradé... (ça ne vous rappelle rien ?)
Les opérateurs ne cessent de répéter qu'ils ne profitent pas de la manne des services Web malgré leurs investissements colossaux dans les réseaux, réseaux indispensables pour les géants du Web...
L'institut de recherche Idate, qui publie chaque trimestre des études sur les chiffres du monde numérique, a d'ailleurs montré à plusieurs reprises qu'un fossé se creusait entre les revenus générés par les services de télécommunications dans le monde et les investissements dans les réseaux.
Et la loi de Moore ?
Les Echos reprennent l'exemple de Netflix, et les 25% de bande passante que la plateforme de vidéo utiliserait aux Etats-Unis. Avec un tel chiffre, on peut comprendre en partie les craintes des opérateurs.
Sauf que pour de nombreuses associations – de consommateurs, de défense des libertés sur l'Internet, de promotion de l'innovation – ce raisonnement ne tient pas la route. D'abord parce que l'innovation a tendance à faire baisser le coût des données et de leur distribution.
Ensuite parce que cela pourrait mener à un Internet à plusieurs vitesses : des clients "Premium" des opérateurs bénéficieraient d'un accès prioritaire à la bande passante, les autres se contenteraient d'un "service best effort". Avec toutes les dérives possibles : difficultés de développement pour de nouveaux entrants, abandon de la neutralité de l'opérateur, etc.
L'intérêt du rapport de l'OCDE, c'est qu'il pose pour une fois le problème en termes d'efficacité économique. Preuve en serait, selon l'organisation, le développement d'économies émergentes "à un rythme plus soutenu que les pays de l'OCDE, ce qui a permis de réduire la "fracture numérique" entre eux."
Un positionnement libéral, plaidant pour l'auto-régulation
Les conclusions de l'OCDE ne sont pas étonnantes en soi, tant elles se positionnent dans sa ligne libérale et dans la sacro-sainte auto-régulation. "Quand ils y sont autorisés, les acteurs du marché vont s'auto-organiser efficacement pour que les points d'échange de trafic Internet, produisant une bande passante au bénéfice de l'économie locale et réduisant significativement leurs coûts."
Mais elles rappellent quelques points capitaux : "L'architecture de l'Internet a montré qu'elle était remarquablement adaptable. (…) C'est la flexibilité de la structure, plus que les changements fondamentaux en son sein, qui a permis de soutenir cette croissance pour l'instant. Le marché d'échange de trafic Internet a assuré une connectivité universelle dans le monde entier, soutenue par les investissements pour s'adapter aux besoins de la croissance, et a apporté un environnement qui encourage la diversité et l'innovation chez tous les acteurs de l'Internet."
Implacable, l'OCDE estime que l'utilisation de "la régulation pour intervenir sur les interconnexions Internet pourrait biaiser les résultats sur les marchés, alors que ceux-ci fournissent actuellement une plus grande diversité des réseaux et fournisseurs."
L'OCDE ne va pas jusqu'à proposer d'obliger l'interconnexion, mais précise que certains analystes y voient une solution acceptable. Pour autant, précise le rapport, cela poserait différents problèmes, liés au coût de construction d'un réseau maillé, ou aux interférences possibles avec le marché.
Sur ce dernier point, l'OCDE semble s'en tenir à sa ligne idéologique sans apporter d'éléments concrets. Il évoque seulement "de bonnes raisons de croire que" cela nuirait à l'efficacité du marché.
Montée en puissance des fournisseurs de contenus
Pour autant, l'étude ne nie pas les problèmes posés par la croissance des fournisseurs de contenus, et son impact sur la bande passante mondiale. Les disparités entre opérateurs aux Etats-Unis, qui se sont notamment révélées avec l'avènement de Netflix, auraient pu obliger un opérateur à investir beaucoup pour satisfaire les clients d'un concurrent. Ici encore, le système fonctionne bien si le volume de trafic entre les deux opérateurs est comparable.
Au final, le rapport présenté par l'organisation tient à maintenir le statu quo. Pas question d'aller plus loin sur la neutralité de l'Internet, mais il ne faudrait pas non plus accéder aux demandes des opérateurs de l'Etno.Après tout, précise l'OCDE, si les points d'appairage européens coûtent cher, c'est par manque d'efficacité : ces points "tendent à être plus chers que ceux d'autres régions."
En cause : plus de points d'interconnexion, une compétition accrue entre opérateurs, et des dépenses en marketing, en relations publiques et en participation à l'élaboration des stratégies publiques plus importantes.
On ne bouge pas, donc. Les économistes de l'OCDE estiment les propositions de l'Etno "très difficiles à appliquer." Et les prétentions de l'Etno risqueraient, selon eux, de tomber dans un modèle similaire à celui de la téléphonie avant l'avènement de l'Internet. Un modèle jugé "inefficace" par l'OCDE.
Pour savoir si son point de vue est retenu, il faudra attendre décembre et la conférence mondiale des pays de l'Union européenne des télécoms), qui doit entériner ou non une modification des règlements. Mais si l'on en croit la rumeur, les propositions de l'Etno auraient peu de chances de recevoir un accueil favorable.
Business - L'OCDE a publié la semaine dernière un rapport démontant les propositions de l'association européenne des FAI pour modifier les règles internationales de gouvernance de l'Internet. Pour autant, l'organisation ne reprend pas l'idée de neutralité du net à son compte.
"Le nouveau rapport de l'OCDE apporte la preuve que le modèle existant de l'Internet fonctionne extrêmement bien, a stimulé la croissance et la concurrence, et a apporté des prix pour les données 100 000 fois inférieurs à ceux d'une minute de voix."
Pas d'équivoque dans le dernier rapport de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), finalisé le 17 octobre dernier et repéré par Les Echos. La copie du rapport, que nous nous sommes procurés, fait état d'une étude portant sur 4300 réseaux, représentant 140 000 échanges directs de trafic sur Internet, et livre des conclusions tranchées.
Toper reste jouer
Si le modèle actuel (universalité, égalité, neutralité) fonctionne si bien, selon l'OCDE, c'est grâce à son système de fonctionnement : "Depuis que l'Internet été commercialisé au début des années 90, il a développé un marché efficace pour la connectivité, basé sur des accords contractuels volontaires."
Ce que l'OCDE met en exergue, ce sont les accords d'appairage, ou peering. Ceux-ci sont actuellement neutres entre opérateurs – au sens large – du réseau : l'information circule d'une boucle réseau à une autre, et sans que ça donne lieu à une différenciation.
En partant du principe que les volumes de données échangées sont comparables entre les réseaux, l'accord se fait généralement sur la base de la gratuité. Résultat, selon l'étude de l'OCDE, "99,5% des accords d'interconnexion sont conclus sans contrat écrit."
L'intérêt de ce modèle est relativement clair : il permet la mise en place d'une infrastructure neutre, sans différenciation entre les trafics en fonction de leur provenance ou d'intérêts commerciaux.
Un modèle que voudraient remettre en cause beaucoup d'opérateurs européens, regroupés dans l'association ETNO (European Telecommunications Network Operator).
Le problème, pour les opérateurs, c'est que le modèle non-régulé actuel a amené des disparités entre opérateurs, ou entre fournisseurs de contenus et opérateurs.
L'explosion de la vidéo, notamment, a donné lieu à quelques polémiques, comme les soucis d'interconnexion entre Free et Youtube, ou l'affaire Cogent-Orange liée à MegaUpload.
Les demandes de l'Etno sont donc limpides : l'association veut que ses membres puissent mettre en place des accords commerciaux. Avec les opérateurs d'autres pays, par exemple, mais aussi avec les fournisseurs de contenus.
YouTube, pour reprendre cet exemple, qui consomme beaucoup de trafic, devrait alors payer les opérateurs pour que son contenu soit délivré avec une qualité optimale. Dans le cas contraire, son accès serait alors dégradé... (ça ne vous rappelle rien ?)
Les opérateurs ne cessent de répéter qu'ils ne profitent pas de la manne des services Web malgré leurs investissements colossaux dans les réseaux, réseaux indispensables pour les géants du Web...
L'institut de recherche Idate, qui publie chaque trimestre des études sur les chiffres du monde numérique, a d'ailleurs montré à plusieurs reprises qu'un fossé se creusait entre les revenus générés par les services de télécommunications dans le monde et les investissements dans les réseaux.
Et la loi de Moore ?
Les Echos reprennent l'exemple de Netflix, et les 25% de bande passante que la plateforme de vidéo utiliserait aux Etats-Unis. Avec un tel chiffre, on peut comprendre en partie les craintes des opérateurs.
Sauf que pour de nombreuses associations – de consommateurs, de défense des libertés sur l'Internet, de promotion de l'innovation – ce raisonnement ne tient pas la route. D'abord parce que l'innovation a tendance à faire baisser le coût des données et de leur distribution.
Ensuite parce que cela pourrait mener à un Internet à plusieurs vitesses : des clients "Premium" des opérateurs bénéficieraient d'un accès prioritaire à la bande passante, les autres se contenteraient d'un "service best effort". Avec toutes les dérives possibles : difficultés de développement pour de nouveaux entrants, abandon de la neutralité de l'opérateur, etc.
L'intérêt du rapport de l'OCDE, c'est qu'il pose pour une fois le problème en termes d'efficacité économique. Preuve en serait, selon l'organisation, le développement d'économies émergentes "à un rythme plus soutenu que les pays de l'OCDE, ce qui a permis de réduire la "fracture numérique" entre eux."
Un positionnement libéral, plaidant pour l'auto-régulation
Les conclusions de l'OCDE ne sont pas étonnantes en soi, tant elles se positionnent dans sa ligne libérale et dans la sacro-sainte auto-régulation. "Quand ils y sont autorisés, les acteurs du marché vont s'auto-organiser efficacement pour que les points d'échange de trafic Internet, produisant une bande passante au bénéfice de l'économie locale et réduisant significativement leurs coûts."
Mais elles rappellent quelques points capitaux : "L'architecture de l'Internet a montré qu'elle était remarquablement adaptable. (…) C'est la flexibilité de la structure, plus que les changements fondamentaux en son sein, qui a permis de soutenir cette croissance pour l'instant. Le marché d'échange de trafic Internet a assuré une connectivité universelle dans le monde entier, soutenue par les investissements pour s'adapter aux besoins de la croissance, et a apporté un environnement qui encourage la diversité et l'innovation chez tous les acteurs de l'Internet."
Implacable, l'OCDE estime que l'utilisation de "la régulation pour intervenir sur les interconnexions Internet pourrait biaiser les résultats sur les marchés, alors que ceux-ci fournissent actuellement une plus grande diversité des réseaux et fournisseurs."
L'OCDE ne va pas jusqu'à proposer d'obliger l'interconnexion, mais précise que certains analystes y voient une solution acceptable. Pour autant, précise le rapport, cela poserait différents problèmes, liés au coût de construction d'un réseau maillé, ou aux interférences possibles avec le marché.
Sur ce dernier point, l'OCDE semble s'en tenir à sa ligne idéologique sans apporter d'éléments concrets. Il évoque seulement "de bonnes raisons de croire que" cela nuirait à l'efficacité du marché.
Montée en puissance des fournisseurs de contenus
Pour autant, l'étude ne nie pas les problèmes posés par la croissance des fournisseurs de contenus, et son impact sur la bande passante mondiale. Les disparités entre opérateurs aux Etats-Unis, qui se sont notamment révélées avec l'avènement de Netflix, auraient pu obliger un opérateur à investir beaucoup pour satisfaire les clients d'un concurrent. Ici encore, le système fonctionne bien si le volume de trafic entre les deux opérateurs est comparable.
Au final, le rapport présenté par l'organisation tient à maintenir le statu quo. Pas question d'aller plus loin sur la neutralité de l'Internet, mais il ne faudrait pas non plus accéder aux demandes des opérateurs de l'Etno.Après tout, précise l'OCDE, si les points d'appairage européens coûtent cher, c'est par manque d'efficacité : ces points "tendent à être plus chers que ceux d'autres régions."
En cause : plus de points d'interconnexion, une compétition accrue entre opérateurs, et des dépenses en marketing, en relations publiques et en participation à l'élaboration des stratégies publiques plus importantes.
On ne bouge pas, donc. Les économistes de l'OCDE estiment les propositions de l'Etno "très difficiles à appliquer." Et les prétentions de l'Etno risqueraient, selon eux, de tomber dans un modèle similaire à celui de la téléphonie avant l'avènement de l'Internet. Un modèle jugé "inefficace" par l'OCDE.
Pour savoir si son point de vue est retenu, il faudra attendre décembre et la conférence mondiale des pays de l'Union européenne des télécoms), qui doit entériner ou non une modification des règlements. Mais si l'on en croit la rumeur, les propositions de l'Etno auraient peu de chances de recevoir un accueil favorable.
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