http://www.zdnet.fr/actualites/fibre-optique-une-remise-a-plat-en-septembre-39774620.htm#xtor=EPR-100
Réseaux
- Constatant un retard en matière de très haut débit, la ministre
chargée de l'Economie numérique annonce une nouvelle feuille de route
pour la rentrée. De quoi remettre en cause la stabilité réglementaire
actuelle ?
Fleur Pellerin est sur tous les fronts. Après le mobile ou Hadopi, la
ministre en charge de l'Economie numérique s'attèle aujourd'hui à
l'épineux problème du très débit en France.
Et il semble bien
qu'une remise en cause du cadre actuel pourrait intervenir. "En lien
avec Arnaud Montebourg (ministre du Redressement productif) et en
associant Cécile Duflot (ministre du Logement), je présenterai à la
rentrée une feuille de route précise sur ce sujet qui sera issue d'un
processus de concertation qui commence dès ce vendredi", a indiqué
mercredi la ministre lors d'une audition devant la commission des
affaires économiques du Sénat.
"Manque de concertation entre
élus et opérateurs, manque de visibilité sur les objectifs à atteindre,
manque de financements, nous considérons que le programme national très
haut débit a créé beaucoup de frustration", souligne-t-elle.
Ratio logements éligibles/abonnements toujours aussi faible
Les données du problème sont en effet connues. Le
FTTB (fibre jusqu'à l'immeuble) proposé principalement
par Numericable est la technologie leader avec 495 000 abonnés au premier trimestre, selon les chiffres de l'Arcep.
Mais c'est le FTTH (fibre jusqu'à l'abonné) qui est censé devenir la norme du très haut en France (c'est en tout
cas toujours l'objectif du gouvernement).
Sur les trois premiers mois de l'année, seulement 22 000 foyers ont
souscrit à une offre de fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) par rapport au trimestre précédent. Une croissance
assez similaire à celle observée depuis le début de l'année. Au total,
le FTTH compte seulement 220 000 abonnés.
Pourtant, au 31
mars dernier, 1,58 million de logements
étaient éligibles aux offres FTTH soit une hausse de 39% en un an. Le
problème vient donc moins de la couverture mais plus des abonnements. Le
ratio logements éligibles sur abonnement reste en effet toujours aussi
faible.
Le faible nombre d'abonnement s'explique avant par le
fait que la fibre optique a d'abord été déployée dans les grandes
villes, là où l'ADSL est de bonne qualité. Les consommateurs ont du mal à
identifier la valeur ajoutée de la technologie et les opérateurs n'ont
pas encore trouvé la 'killer app' qui ferait passer le cap.
Dans
les zones non denses, les déploiements sont très parcellaires et lents.
Surtout, dans les zones les plus rurales, le financement est loin d'être
bouclé. La perspective d'une couverture globale d'ici 2025 est
incertaine. En tout cas en FTTH.
"Le président de la République
alors candidat s'était engagé à couvrir
l'intégralité du territoire en très haut débit en 10 ans". Mais pour
"réaliser cet objectif et pour agir efficacement", la ministre estime
qu'il faut dans un premier temps "clarifier l'objectif de couverture".
Une remise à plat source d'instabilité réglementaire
Il
faut une fois pour toute se rendre à l'évidence : le FTTH ne pourra pas
être déployé partout, même à travers les accords de co-financements mis
en place par les opérateurs sous l'impulsion du régulateur. La montée
en débit, le VDSL 2 ou encore la 4G pourraient très bien venir en
complément dans les zones jugées les moins rentables.
"Compte tenu des disparités territoriales il faut réfléchir en
parallèle du déploiement du THD à l'objectif d'un vrai haut débit pour
tous dès la fin du quinquennat", ajoute la ministre qui souhaite une "clarification des rôles respectifs de
l'Etat, des opérateurs et des collectivités locales", dans les zones
rurales.
D'un autre côté, une remise à plat brutale du cadre
actuel pourrait être contre-productive. Ce cadre a mis beaucoup de temps
à être fixé, ce qui a provoqué d'importants retards. Aujourd'hui, les
opérateurs réclament plus que tout une stabilité réglementaire, facteur
essentiel pour justifier leurs lourds investissements.
Des
changements trop profonds pourraient alors déstabiliser des opérateurs
allergiques à l'instabilité réglementaire et dont les finances ne sont
pas au mieux.
La question est de savoir si la régulation actuelle
et pertinente ou pénalisante. Pour l'Arcep, le régulateur des télécoms,
elle a eu le mérite de poser les fondations du THD (très haut débit) en
France avec notamment le partage des fourreaux de France Télécom,
l'organisation des déploiements verticaux, les points de mutualisation,
les accords de co-investissements.
Pour d'autres, si elle a enfin
permis de mettre en place un cadre stable réclamé par les opérateurs,
cette régulation est à la source du fameux "retard français". Une
position
vivement contestée par le régulateur.
"La France est le seul de ces pays où, à des degrés certes variables,
plusieurs acteurs déploient ou ont annoncé des déploiements de fibre
optique sur des territoires autres que les zones très denses. A cet
égard, il faut se féliciter de la coexistence d’initiatives privées et
publiques, dans le cadre d’une stratégie territoriale", explique son président Jean-Ludovic Silicani.
Pas de retard selon l'Arcep, faux répond l'Avicca
Preuve que cette approche est la plus pertinente, Jean-Ludovic
Silicani rappelle qu'en France, 6 millions de foyers sont éligibles au
très haut débit, contre 2 millions en Italie, et moins d’un million en
Allemagne et en Espagne. Mais encore une fois, éligibilité ne veut pas
dire abonnements.
Par ailleurs, l'Arcep additionne FTTH et FTTB
or la fibre optique jusqu'à l'abonné concerne pour le moment moins de 1,6
million de foyers éligibles.
Pour l'Avicca, l'Association des
Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et
l’Audiovisuel, le retard est bel et bien en train de se creuser. Même du
côté des logements éligibles.
"Le nombre de nouvelles prises
éligibles a diminué pour le troisième trimestre consécutif depuis
juillet 2011, passant de 140 000 à 105 000 prises. Nous n’avons pas
d’indicateur partagé pour suivre les évolutions de la boucle locale. La
tendance négative risque fort de se prolonger, au vu des indicateurs de
commande des industriels. Nous sommes actuellement très loin de pouvoir
atteindre les objectifs du Programme national THD", lance Yves Rome,
président de l'association.
Bref, la remise à plat voulue par le
gouvernement est certainement légitime au vu des derniers indicateurs.
Elle devra néanmoins être équilibrée pour ne pas casser la dynamique qui
a été engagée depuis plusieurs années.