A lire sur: http://www.it-expertise.com/droit-legislation/open-data-opportunites-et-limites-dun-patrimoine-gratuit/
23 août 2012
Le
mouvement Open Data repose sur l’idée que la libre réutilisation des
données publiques doit promouvoir la transparence gouvernementale,
permettre de stimuler l’innovation et, par conséquent, soutenir la
croissance économique.
L’Open Data n’en est encore qu’à ses débuts et, en l’état, principalement cantonné au développement de nouvelles applications. Ce n’est que récemment, avec le développement toujours plus rapide des technologies de l’information, et notamment les bouleversements dans le traitement des données et l’explosion des smartphones, que les entreprises privées ont manifesté un intérêt pour les données publiques et que l’administration a pris conscience des profits qu’elle pouvait tirer de son patrimoine immatériel en entrant sur un marché évalué à 27 milliards d’euros[1] et qui pourrait atteindre 40 milliards d’euros[2].
Le champ de ses possibles est encore loin d’avoir été exploré et les administrations, comme les entreprises, commencent seulement à saisir l’enjeu que représente la diffusion de leurs données. Cela dit, les espoirs de voir le mouvement Open Data s’étendre et les réutilisations se diversifier sont nombreux.
Cet article fait le point sur les spécificités de la réutilisation des données publiques et examine les principales questions juridiques et commerciales auxquelles sont confrontées les entreprises désireuses de réutiliser des données publiques.
De quoi s’agit-il ?
De manière synthétique, une donnée ouverte (en anglais Open Data) est une information publique brute qui a vocation à être librement accessible et réutilisable. Le mouvement Open Data s’inscrit dans une démarche de transparence et de participation des citoyens commune à toutes les politiques d’ouverture de droits regroupées sous l’acronyme ODOSOS (de l’anglais « open data, open source et open standards »).
Un mouvement mondial est ainsi à l’œuvre consistant pour chaque pays, voire chaque ville, à définir et mettre en pratique une stratégie de valorisation de ses données publiques. Ainsi des initiatives fleurissent tout autour du globe. En France, des projets se développent à l’échelle nationale, avec le lancement d’Etalab, comme à l’échelle locale. Etalab est ainsi « un portail unique interministériel destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établissements publics administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public »[3]. Dans ce sillage, des entreprises privées mettent elles aussi à disposition certaines de leurs données.
Quelles sont les données publiques concernées par l’Open Data ?
C’est l’ordonnance n°2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques[4], transposant en droit interne la directive n°2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des informations du secteur public, qui a inséré de nouveaux articles
L’Open Data n’en est encore qu’à ses débuts et, en l’état, principalement cantonné au développement de nouvelles applications. Ce n’est que récemment, avec le développement toujours plus rapide des technologies de l’information, et notamment les bouleversements dans le traitement des données et l’explosion des smartphones, que les entreprises privées ont manifesté un intérêt pour les données publiques et que l’administration a pris conscience des profits qu’elle pouvait tirer de son patrimoine immatériel en entrant sur un marché évalué à 27 milliards d’euros[1] et qui pourrait atteindre 40 milliards d’euros[2].
Le champ de ses possibles est encore loin d’avoir été exploré et les administrations, comme les entreprises, commencent seulement à saisir l’enjeu que représente la diffusion de leurs données. Cela dit, les espoirs de voir le mouvement Open Data s’étendre et les réutilisations se diversifier sont nombreux.
Cet article fait le point sur les spécificités de la réutilisation des données publiques et examine les principales questions juridiques et commerciales auxquelles sont confrontées les entreprises désireuses de réutiliser des données publiques.
De quoi s’agit-il ?
De manière synthétique, une donnée ouverte (en anglais Open Data) est une information publique brute qui a vocation à être librement accessible et réutilisable. Le mouvement Open Data s’inscrit dans une démarche de transparence et de participation des citoyens commune à toutes les politiques d’ouverture de droits regroupées sous l’acronyme ODOSOS (de l’anglais « open data, open source et open standards »).
Un mouvement mondial est ainsi à l’œuvre consistant pour chaque pays, voire chaque ville, à définir et mettre en pratique une stratégie de valorisation de ses données publiques. Ainsi des initiatives fleurissent tout autour du globe. En France, des projets se développent à l’échelle nationale, avec le lancement d’Etalab, comme à l’échelle locale. Etalab est ainsi « un portail unique interministériel destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établissements publics administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public »[3]. Dans ce sillage, des entreprises privées mettent elles aussi à disposition certaines de leurs données.
Quelles sont les données publiques concernées par l’Open Data ?
C’est l’ordonnance n°2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques[4], transposant en droit interne la directive n°2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des informations du secteur public, qui a inséré de nouveaux articles
10 à 19 dans la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses
mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public
et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Un
décret n°2005-1755 du 30 décembre 2005 [5] a complété ce dispositif en modifiant le fonctionnement de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (« CADA ») et en précisant les règles applicables à la publication, la communication et la réutilisation des informations publiques.
Ce cadre législatif ne vaut que pour les « informations publiques » qui sont définies comme « les informations figurant dans des documents produits ou reçus » par « l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Rien n’empêche cependant les entreprises du secteur privé de libérer leurs propres données, sous réserve du respect de leurs engagements contractuels et des règles légales qui leurs sont applicables.
Concrètement, il s’agit aussi bien d’informations géographiques, statistiques et épidémiologiques que d’horaires de transport, de catalogues, d’annuaires. Un simple coup d’œil sur la plateforme française d’ouverture des données publiques (www.data.gouv.fr) donne un aperçu du type de données disponibles : résultats d’élections, collecte du web électoral par la BNF, résultats de recensements divers et variés, analyse rétrospective des résultats d’enquêtes sur les pratiques culturelles des français, fréquentation des théâtres, dépenses et recettes de nombreuses administrations, etc.
Trois annuaires recensent les données disponibles : la plateforme française d’ouverture des données publiques (www.data.gouv.fr), le portail de Regards Citoyens (www.Nosdonnées.fr) et www.data-publica.com. Dans la majorité des cas, les données sont accessibles dans des formats reconnus et ouverts : CSV, ODS, XLS, RTF, XML ou RDF. Mais la disponibilité, la mise à jour et la qualité des données demeurent encore souvent problématiques.
Sont cependant exclues du champ des données publiques[6]:
- « les informations contenues dans des documents dont la communication ne constitue pas un droit au sens de l’article 6 de la loi, sauf si ces informations font l’objet d’une diffusion publique », ce qui recouvre par exemple les documents couverts par le secret ou relatifs à la recherche ;
- les informations publiques « produites ou reçues par les administrations dans le cadre d’une mission de service public à caractère industriel et commercial », seules les données produites dans le cadre d’un service public à caractère administratif étant librement communicables ce qui est particulièrement regrettable tant le potentiel d’innovation est fort sur ce type de données ;
- l’échange d’informations publiques entre l’État, les collectivités territoriales ainsi que les autres personnes de droit public ou les personnes chargées d’une mission de service public ;
Eléonore Varet, Avocat à la Cour, Bird&Bird AARPI
Farid Bouguettaya, Avocat à la Cour, Bird&Bird AARPI
http://www.twobirds.com/French/Pages/Welcome.aspx
Ce cadre législatif ne vaut que pour les « informations publiques » qui sont définies comme « les informations figurant dans des documents produits ou reçus » par « l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Rien n’empêche cependant les entreprises du secteur privé de libérer leurs propres données, sous réserve du respect de leurs engagements contractuels et des règles légales qui leurs sont applicables.
Concrètement, il s’agit aussi bien d’informations géographiques, statistiques et épidémiologiques que d’horaires de transport, de catalogues, d’annuaires. Un simple coup d’œil sur la plateforme française d’ouverture des données publiques (www.data.gouv.fr) donne un aperçu du type de données disponibles : résultats d’élections, collecte du web électoral par la BNF, résultats de recensements divers et variés, analyse rétrospective des résultats d’enquêtes sur les pratiques culturelles des français, fréquentation des théâtres, dépenses et recettes de nombreuses administrations, etc.
Trois annuaires recensent les données disponibles : la plateforme française d’ouverture des données publiques (www.data.gouv.fr), le portail de Regards Citoyens (www.Nosdonnées.fr) et www.data-publica.com. Dans la majorité des cas, les données sont accessibles dans des formats reconnus et ouverts : CSV, ODS, XLS, RTF, XML ou RDF. Mais la disponibilité, la mise à jour et la qualité des données demeurent encore souvent problématiques.
Sont cependant exclues du champ des données publiques[6]:
- « les informations contenues dans des documents dont la communication ne constitue pas un droit au sens de l’article 6 de la loi, sauf si ces informations font l’objet d’une diffusion publique », ce qui recouvre par exemple les documents couverts par le secret ou relatifs à la recherche ;
- les informations publiques « produites ou reçues par les administrations dans le cadre d’une mission de service public à caractère industriel et commercial », seules les données produites dans le cadre d’un service public à caractère administratif étant librement communicables ce qui est particulièrement regrettable tant le potentiel d’innovation est fort sur ce type de données ;
- l’échange d’informations publiques entre l’État, les collectivités territoriales ainsi que les autres personnes de droit public ou les personnes chargées d’une mission de service public ;
- les documents « sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle », étant précisé que l’administration est alors tenue de les identifier conformément à l’article 25 de la loi de 1978[7].
Sur ce point, l’article 10 semble renvoyer notamment à la loi du 1er
août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la
société de l’information (loi DAVDSI)[8]ayant
reconnu à titre de principe le droit d’auteur des agents publics et
profondément modifié la gestion par les administrations des droits de
leurs agents, notamment en cas d’exploitation commerciale des œuvres
créées par ces derniers. A cet égard, la CADA a confirmé dans un avis du
5 novembre 2009[9]
que si l’article L.131-3-1 du Code de la Propriété Intellectuelle
prévoit une exception au droit d’auteur des agents publics lorsque
l’œuvre est strictement nécessaire à l’accomplissement de missions de
service public[10], la réutilisation par des tiers n’entre pas dans le champ de cette exception puisqu’elle ne peut être considérée comme « nécessaire à l’accomplissement de missions de service public ».
A y regarder de près, un très grand nombre de données sort ainsi du
champ de la loi. Et de nombreuses restrictions sont également apportées à
la réutilisation des données publiques.
Les établissements et institutions d’enseignement et de recherche et les établissements, organismes ou services culturels sont libres de déterminer leurs propres règles d’utilisation des données publiques. Il ne s’agit donc pas moins de la possibilité pour certains acteurs publics de s’exclure de la politique d’ouverture des données publiques. En tout état de cause, ce régime d’exception conduit de facto à exclure la réutilisation d’une quantité substantielle de données.
La réutilisation ne peut être faite qu’à « d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » et « est subordonnée au respect des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés »[11].
En outre, l’article 12 de la loi de 1978 dispose que « la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leur source et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées », sauf accord de l’administration. Il s’agit de la consécration du principe d’intégrité des informations publiques qui, en pratique, peut s’avérer un frein à la libre réutilisation des données publiques.
Du fait de la définition restrictive retenue par le législateur, il n’est pas certain que la seule réutilisation des informations publiques permette le succès de l’Open data. La libération par des entreprises privées de leurs propres données, démarche d’ores et déjà engagée par de nombreuses entités, viendra soutenir l’essor de ce nouveau modèle ouvert.
Où en est-on dans l’ouverture des données ?
Faire un état des lieux de l’ouverture des données en France à ce jour conduit à un constat paradoxal. D’un côté, la contagion se poursuit et les initiatives sont nombreuses :
- 11 des 15 premières villes de France se sont lancées dans l’Open Data ;
- la RATP, la SNCF, la Lyonnaise des Eaux et d’autres entreprises pratiquent l’ouverture de leurs données ;
- le lancement de Dataconnexions, communauté de projets qui réunit des éditeurs, des grandes entreprises, des sociétés de conseil, des investisseurs et une école est un exemple d’espace de collaboration et d’échanges ;
- plusieurs initiatives citoyennes (particulièrement Regards Citoyens et OpenStreetMap) sont prometteuses.
Mais les administrations participent avec plus ou moins de bonne volonté au mouvement d’ouverture de l’accès aux données publiques. D’une part, si l’accès aux informations spontanément mise en ligne est libre, l’accès sur demande à des données publiques qui n’ont pas été spontanément mises en ligne est nettement moins évident. Le droit à la libre réutilisation des données publiques se heurte alors aux lenteurs administratives et donne parfois lieu aux situations kafkaïennes décrites dans les avis de la CADA.
D’autre part, la mutualisation des plateformes ou l’hébergement sur une même plateforme qui permettrait de réduire les coûts liés à l’ouverture des données publiques se heurtent à une défiance d’ordre essentiellement politique. Les réticences à l’idée de partager des informations entre municipalités de gauche et de droite sont difficilement contournable.
Enfin, le secteur privé pour qui l’Open Data n’est pas une obligation mais davantage une opportunité, fait preuve de timidité et les initiatives d’ouverture de données restent pour l’instant peu nombreuses.
A ce stade, le bilan est donc mitigé mais l’amplification du mouvement Open Data conduira nécessairement à libérer de plus en plus de données.
Un exemple d’application
De nouvelles applications ou site internet innovants ont été développés pour répondre à des besoins réels, souvent dans le cadre de concours. D’autres trouvent une place pour leur potentiel ludique.
Par exemple, le site www.fourmisante.com, récemment lauréat du concours Dataconnexions dans la catégorie service au grand public, répond à un véritable besoin des consommateurs dans le domaine de la santé. Il permet une localisation des praticiens et services sur des critères de proximité et/ou de coûts. En plus d’informations publiques au sens de la loi, sont utilisées des données provenant de mutuelles ou encore d’associations de praticiens et patients.
Décryptage des principales licences : ODBL et ETALAB
Le régime juridique de l’Open data s’inspire largement de celui du logiciel libre, œuvre emblématique du mouvement « libre ». Pour mémoire, par opposition au logiciel « propriétaire », le logiciel libre repose sur la mise à disposition du code source du programme par son développeur afin de garantir aux utilisateurs quatre libertés fondamentales : la liberté d’exécuter le programme pour tous usages, la liberté d’étudier son fonctionnement, de l’adapter à ses besoins et de l’améliorer, et la liberté de redistribuer le programme et ses améliorations au public. La mise en œuvre de ces libertés s’opère par le biais d’un contrat de licence, expression du consentement initial de l’auteur à la diffusion de son œuvre sous certaines conditions.
Calquée sur ce schéma, bien qu’elle ne soit pas conditionnée par les mêmes contraintes techniques, la réutilisation des données publiques suppose également un accès aux données et s’opère habituellement par le biais d’un contrat de licence qui en fixe les conditions.
De très nombreuses licences Open Data existent. Dans le cadre de cet article, seules seront décryptées les licences ODBL (réutilisation de bases de données) et ETALAB (réutilisation de données publiques), principales licences utilisées en France.
Le tableau ci-dessous propose une comparaison synthétique de leurs principales caractéristiques.
Quels bénéfices pour les réutilisateurs ?
Au-delà de l’aspect innovant, quels sont les bénéfices réels pour les réutilisateurs ? Quelle est la rentabilité pour les développeurs et les entreprises des applications ou sites développés en réutilisant des données publiques ?
A l’exception de quelques applications payantes qui génèrent des revenus, la majorité des applications ne sont pas rentables. Les gains directs sont donc limités. En revanche, la rentabilité est à rechercher du côté des gains indirects :
- recettes publicitaires engendrées par le trafic sur les sites internet ;
- incitation à consommer davantage ou à changer les habitudes de consommation en améliorant le niveau d’information ;
- incitation des établissements publics à améliorer leurs performances consécutives à la publicité des informations les concernant ;
- amélioration des stratégies marketing sur la base de la diffusion des informations publiques notamment les données démographiques ou relatives à des éléments sociaux-économiques ;
- économies attendues pour les entreprises qui achetaient des données publiques dont certaines seront désormais mises à disposition[12].
L’avenir de l’open data : l’avis du conseil national du numérique
La révision de la directive européenne 2003/98/CE[13] concernant la réutilisation des informations du secteur public contribuera certainement à la clarification du cadre juridique de l’Open Data pour une meilleure valorisation des données publiques.
Dans cette perspective, le Conseil National du Numérique, dont l’avenir est aujourd’hui incertain[14], a émis onze propositions dans son avis du 5 juin 2012 pour un développement substantiel de l’Open Data en France, lesquelles reposent sur le constat suivant :
- la mise à disposition des données publiques est un impératif démocratique, un puissant vecteur de modernisation de l’administration et un composant important de l’économie numérique ;
- les initiatives de l’Etat, notamment la mission Etalab, et des collectivités territoriales sont très encourageantes et marquent un tournant dans la politique des données publiques ;
- il est nécessaire de faciliter l’extension et la pérennisation de cette dynamique naissante par l’adoption d’une stratégie politique, l’adaptation du cadre législatif et l’évolution des pratiques de l’administration.
Ces propositions relèvent de trois catégories :
Le conseil propose d’abord d’inverser la logique de mise à disposition des données publiques et de passer d’une logique de demande à une logique d’offre de données publiques. Une réforme en ce sens de la loi CADA faciliterait la réutilisation des données publiques.
La deuxième proposition vise à élargir le champ des données publiques, en ne conservant que les restrictions qui s’imposent du fait de l’application d’autres textes législatifs (propriété intellectuelle, protection des données personnelles, secret défense etc.) et en incluant les données produites par les services publics à caractère industriel et commercial ainsi que les données culturelles.
Le conseil souhaite par ailleurs que le principe de gratuité des données publiques soit plus clairement affirmé en limitant les cas dans lesquels des redevances peuvent être exigées et en recourant à une licence unique ou une famille de licences au niveau européen.
Par ailleurs, il est proposé de former les agents publics aux enjeux et gains de l’ouverture des données publiques et à l’importance des formats ainsi qu’aux aspects juridiques et techniques de l’Open Data.
Le conseil propose encore d’établir un référentiel général qui permette la structuration des données, c’est-à-dire faire en sorte qu’elles soient lisibles automatiquement par des machines, dans des formats ouverts.
- évolution de la CADA en Haute Autorité des Données Publiques chargée de veiller au respect des règles en la matière, dotée de pouvoirs de sanction, et force de proposition de modifications des textes législatifs et réglementaires ;
- création d’une Agence des données publiques, dans le cadre d’un rapprochement d’Etalab, de la DISIC et des services électroniques de la DGME, chargée de faciliter la réutilisation des données publiques.
Références :
Les établissements et institutions d’enseignement et de recherche et les établissements, organismes ou services culturels sont libres de déterminer leurs propres règles d’utilisation des données publiques. Il ne s’agit donc pas moins de la possibilité pour certains acteurs publics de s’exclure de la politique d’ouverture des données publiques. En tout état de cause, ce régime d’exception conduit de facto à exclure la réutilisation d’une quantité substantielle de données.
La réutilisation ne peut être faite qu’à « d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » et « est subordonnée au respect des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés »[11].
En outre, l’article 12 de la loi de 1978 dispose que « la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leur source et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées », sauf accord de l’administration. Il s’agit de la consécration du principe d’intégrité des informations publiques qui, en pratique, peut s’avérer un frein à la libre réutilisation des données publiques.
Du fait de la définition restrictive retenue par le législateur, il n’est pas certain que la seule réutilisation des informations publiques permette le succès de l’Open data. La libération par des entreprises privées de leurs propres données, démarche d’ores et déjà engagée par de nombreuses entités, viendra soutenir l’essor de ce nouveau modèle ouvert.
Où en est-on dans l’ouverture des données ?
Faire un état des lieux de l’ouverture des données en France à ce jour conduit à un constat paradoxal. D’un côté, la contagion se poursuit et les initiatives sont nombreuses :
- 11 des 15 premières villes de France se sont lancées dans l’Open Data ;
- la RATP, la SNCF, la Lyonnaise des Eaux et d’autres entreprises pratiquent l’ouverture de leurs données ;
- le lancement de Dataconnexions, communauté de projets qui réunit des éditeurs, des grandes entreprises, des sociétés de conseil, des investisseurs et une école est un exemple d’espace de collaboration et d’échanges ;
- plusieurs initiatives citoyennes (particulièrement Regards Citoyens et OpenStreetMap) sont prometteuses.
Mais les administrations participent avec plus ou moins de bonne volonté au mouvement d’ouverture de l’accès aux données publiques. D’une part, si l’accès aux informations spontanément mise en ligne est libre, l’accès sur demande à des données publiques qui n’ont pas été spontanément mises en ligne est nettement moins évident. Le droit à la libre réutilisation des données publiques se heurte alors aux lenteurs administratives et donne parfois lieu aux situations kafkaïennes décrites dans les avis de la CADA.
D’autre part, la mutualisation des plateformes ou l’hébergement sur une même plateforme qui permettrait de réduire les coûts liés à l’ouverture des données publiques se heurtent à une défiance d’ordre essentiellement politique. Les réticences à l’idée de partager des informations entre municipalités de gauche et de droite sont difficilement contournable.
Enfin, le secteur privé pour qui l’Open Data n’est pas une obligation mais davantage une opportunité, fait preuve de timidité et les initiatives d’ouverture de données restent pour l’instant peu nombreuses.
A ce stade, le bilan est donc mitigé mais l’amplification du mouvement Open Data conduira nécessairement à libérer de plus en plus de données.
Un exemple d’application
De nouvelles applications ou site internet innovants ont été développés pour répondre à des besoins réels, souvent dans le cadre de concours. D’autres trouvent une place pour leur potentiel ludique.
Par exemple, le site www.fourmisante.com, récemment lauréat du concours Dataconnexions dans la catégorie service au grand public, répond à un véritable besoin des consommateurs dans le domaine de la santé. Il permet une localisation des praticiens et services sur des critères de proximité et/ou de coûts. En plus d’informations publiques au sens de la loi, sont utilisées des données provenant de mutuelles ou encore d’associations de praticiens et patients.
Décryptage des principales licences : ODBL et ETALAB
Le régime juridique de l’Open data s’inspire largement de celui du logiciel libre, œuvre emblématique du mouvement « libre ». Pour mémoire, par opposition au logiciel « propriétaire », le logiciel libre repose sur la mise à disposition du code source du programme par son développeur afin de garantir aux utilisateurs quatre libertés fondamentales : la liberté d’exécuter le programme pour tous usages, la liberté d’étudier son fonctionnement, de l’adapter à ses besoins et de l’améliorer, et la liberté de redistribuer le programme et ses améliorations au public. La mise en œuvre de ces libertés s’opère par le biais d’un contrat de licence, expression du consentement initial de l’auteur à la diffusion de son œuvre sous certaines conditions.
Calquée sur ce schéma, bien qu’elle ne soit pas conditionnée par les mêmes contraintes techniques, la réutilisation des données publiques suppose également un accès aux données et s’opère habituellement par le biais d’un contrat de licence qui en fixe les conditions.
De très nombreuses licences Open Data existent. Dans le cadre de cet article, seules seront décryptées les licences ODBL (réutilisation de bases de données) et ETALAB (réutilisation de données publiques), principales licences utilisées en France.
Le tableau ci-dessous propose une comparaison synthétique de leurs principales caractéristiques.
Type de licence
|
Licence ODBL
|
Licence ETALAB
|
Objet
|
Réutilisation de bases de données
|
Réutilisation de données publiques
|
Gratuité | Oui | Oui |
Droits concédés | - Extraction et réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu ;- Création de bases de données dérivées ;- Création de bases de données collaboratives ;- Création de reproductions temporaires ou permanentes, par tous moyens et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie ;- Distribution, communication, affichage, location, mise à disposition ou diffusion au public, par tous moyens et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie | - Reproduction, copie et transmission d’informations publiques ;- Diffusion et redistribution ;- Adaptation, modification, extraction et transformation à partir de l’information |
Utilisation commerciale | Oui | Oui |
Possibilité de créer des données dérivées | Oui | Oui |
Share a Like | Oui | Non |
Stipulations relatives aux droits moraux | Dans les juridictions autorisant la renonciation aux droits moraux, le cédant renonce à ses droits morauxDans les juridictions où une telle renonciation n’est pas possible, le concédant s’engage à n’exercer aucun de ses droits moraux et renonce à toute action à ce titre | Non applicable |
Exemples d’utilisateurs | Mairie de ParisVille de Nantes | Institut Géographique National (IGN) |
Licences compatibles | Un mécanisme de compatibilité expresse est prévu au sein de la licence, laissant au concédant le soin de préciser quelles sont les licences compatibles ou de désigner un mandataire qui le fera pour son compte | Open Government Licence du Royaume-Uni (OGL)Creative commons attribution 2.0 (CC-BY 2.0)Open data commons attribution (ODC-BY) |
Droit applicable | Droit de l’État dans lequel la licence est appliquée | Droit français |
Au-delà de l’aspect innovant, quels sont les bénéfices réels pour les réutilisateurs ? Quelle est la rentabilité pour les développeurs et les entreprises des applications ou sites développés en réutilisant des données publiques ?
A l’exception de quelques applications payantes qui génèrent des revenus, la majorité des applications ne sont pas rentables. Les gains directs sont donc limités. En revanche, la rentabilité est à rechercher du côté des gains indirects :
- recettes publicitaires engendrées par le trafic sur les sites internet ;
- incitation à consommer davantage ou à changer les habitudes de consommation en améliorant le niveau d’information ;
- incitation des établissements publics à améliorer leurs performances consécutives à la publicité des informations les concernant ;
- amélioration des stratégies marketing sur la base de la diffusion des informations publiques notamment les données démographiques ou relatives à des éléments sociaux-économiques ;
- économies attendues pour les entreprises qui achetaient des données publiques dont certaines seront désormais mises à disposition[12].
L’avenir de l’open data : l’avis du conseil national du numérique
La révision de la directive européenne 2003/98/CE[13] concernant la réutilisation des informations du secteur public contribuera certainement à la clarification du cadre juridique de l’Open Data pour une meilleure valorisation des données publiques.
Dans cette perspective, le Conseil National du Numérique, dont l’avenir est aujourd’hui incertain[14], a émis onze propositions dans son avis du 5 juin 2012 pour un développement substantiel de l’Open Data en France, lesquelles reposent sur le constat suivant :
- la mise à disposition des données publiques est un impératif démocratique, un puissant vecteur de modernisation de l’administration et un composant important de l’économie numérique ;
- les initiatives de l’Etat, notamment la mission Etalab, et des collectivités territoriales sont très encourageantes et marquent un tournant dans la politique des données publiques ;
- il est nécessaire de faciliter l’extension et la pérennisation de cette dynamique naissante par l’adoption d’une stratégie politique, l’adaptation du cadre législatif et l’évolution des pratiques de l’administration.
Ces propositions relèvent de trois catégories :
- réformer le droit relatif aux données publiques (propositions 1 à 5)
Le conseil propose d’abord d’inverser la logique de mise à disposition des données publiques et de passer d’une logique de demande à une logique d’offre de données publiques. Une réforme en ce sens de la loi CADA faciliterait la réutilisation des données publiques.
La deuxième proposition vise à élargir le champ des données publiques, en ne conservant que les restrictions qui s’imposent du fait de l’application d’autres textes législatifs (propriété intellectuelle, protection des données personnelles, secret défense etc.) et en incluant les données produites par les services publics à caractère industriel et commercial ainsi que les données culturelles.
Le conseil souhaite par ailleurs que le principe de gratuité des données publiques soit plus clairement affirmé en limitant les cas dans lesquels des redevances peuvent être exigées et en recourant à une licence unique ou une famille de licences au niveau européen.
- orienter et accompagner la démarche des administrations (propositions 6 à 9)
Par ailleurs, il est proposé de former les agents publics aux enjeux et gains de l’ouverture des données publiques et à l’importance des formats ainsi qu’aux aspects juridiques et techniques de l’Open Data.
Le conseil propose encore d’établir un référentiel général qui permette la structuration des données, c’est-à-dire faire en sorte qu’elles soient lisibles automatiquement par des machines, dans des formats ouverts.
- mettre en place une gouvernance des données publiques (propositions 10 et 11)
- évolution de la CADA en Haute Autorité des Données Publiques chargée de veiller au respect des règles en la matière, dotée de pouvoirs de sanction, et force de proposition de modifications des textes législatifs et réglementaires ;
- création d’une Agence des données publiques, dans le cadre d’un rapprochement d’Etalab, de la DISIC et des services électroniques de la DGME, chargée de faciliter la réutilisation des données publiques.
Références :
[1]
Le marché de la réutilisation des données publiques en Europe a été
évalué par la Commission Européenne à 27 milliards d’euros sur la base
d’une étude réalisée en 2006 (le rapport Measuring European Public Sector Information Resources, dit « MEPSIR », accessible sur le site internet de la Commission Européenne).
[5]JORF n°304 du 31 décembre 2005 page 20827 texte n° 119.
[2] Review of recent studies on PSI re-use and related market developments, Graham Vickery, 2011.
[3]
Le décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portant création d’une mission
« Etalab » chargée de la création d’un portail unique interministériel
des données publiques a été publié au JORF n°0044 du 22 février 2011
page 3248 texte n° 2.
[4] JORF n°131 du 7 juin 2005 page 10022 texte n° 13.[5]JORF n°304 du 31 décembre 2005 page 20827 texte n° 119.
[6] Cf. article 10 de la loi de 1978.
[7] « Lorsqu’un
tiers est titulaire de droits de propriété intellectuelle portant sur
un document sur lequel figure une information publique, l’administration
(…) indique à la personne qui demande à la réutiliser l’identité de la
personne physique ou morale titulaire de ces droits, ou, si elle n’est
pas connue, l’identité de la personne5auprès de laquelle l’information
en cause a été obtenue ».
[8] L. N°2006-9621, Journal Officiel 3 Août 2006.
[9] CADA, Avis n°20092706.
[12]
Le guide pratique de la FLING indique ainsi qu’en « 2007, l’association
des vendeurs de données GFII estimait le chiffre d’affaires de
l’information professionnelle sous forme électronique à 1,6 milliard
d’euros, dont l’information publique représentait 60 % (950 millions
d’euros) ».
[10] « Dans
la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de
service public, le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent
de l’État dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions
reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’État. Pour
l’exploitation commerciale de l’œuvre mentionnée au premier alinéa,
l’État ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence.
Cette disposition n’est pas applicable dans le cas d’activités de
recherche scientifique d’un établissement public à caractère
scientifique et technologique ou d’un établissement public à caractère
scientifique, culturel et professionnel, lorsque ces activités font
l’objet d’un contrat avec une personne morale de droit privé. »
[11] Article 13.
[13]
Proposition de Directive du parlement européen et du conseil modifiant
la directive européenne 2003/98/CE concernant la réutilisation des
informations du secteur public.
[14]
Suite à la nomination de Jean-Baptiste Souffron en qualité de
secrétaire général par Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée de
l’économie numérique, l’ensemble des membres du Conseil National du
Numérique ont remis leur mandat à disposition du gouvernement, à
l’exception de son ancien président Gilles Babinet.
Eléonore Varet, Avocat à la Cour, Bird&Bird AARPI
Farid Bouguettaya, Avocat à la Cour, Bird&Bird AARPI
http://www.twobirds.com/French/Pages/Welcome.aspx
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