dimanche 30 septembre 2012

Collaborer avec le MIT : guide des bonnes et... moins bonnes pratiques (partie 2/2)

A lire sur:  http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71079.htm
 
Dans la première partie de l'article nous évoquions les erreurs à éviter lorsqu'on souhaite engager une collaboration avec le MIT ou tout simplement l'approcher. La seconde partie traite des principales voies d'accès au MIT.

Utiliser les passerelles existantes

La décentralisation des décisions au MIT comporte cependant l'avantage de fournir de multiples voies d'accès à l'établissement, que cela soit pour les entreprises ou les chercheurs. Examinons les principales, sachant qu'elles sont parfois en concurrence les unes avec les autres et qu'elles fonctionnent de façon autonome sans coordination.

- Le programme de liaison industrielle (MIT/ILP). Nous avons déjà évoqué ce programme dans un article (voir BE n°213). Il s'agit d'une sorte de guichet pour les entreprises de taille importante. A raison d'un ticket d'entrée de 60.000 dollars et d'un document contractuel signé pour deux ans, ILP se charge de vous ouvrir les portes du prestigieux Institut. Il s'agit avant tout d'orienter les contractants dans les méandres d'une organisation passablement complexe en raison de la quasi-absence de services communs aux 5 facultés, 33 départements et 57 unités de recherche qui regroupent un total de 10 500 employés (dont 1 025 enseignants) et un peu plus de 10.000 étudiants. Concrètement, les entreprises clientes se voient offerts le carnet d'adresses du prestigieux établissement ainsi qu'un interlocuteur unique. Ce dernier est amené à organiser des rencontres et des mises en relation. Selon nos estimations, l'ILP génère environ 4,5 millions de dollars de CA par an avec 20 personnes. A ce jour ILP compte plus de 150 clients dans le monde dont une quinzaine d'entreprises françaises. 90% des contrats donnent lieu à d'autres prestations tarifées au MIT : achat de licences, recherches sur contrat, etc.. Un bon moyen pour aborder l'ILP et se faire une idée de son fonctionnement est la conférence scientifique annuelle du MIT ("MIT Annual R&D Conference" en novembre) dont les droits d'entrée sont d'environ 2.000 dollars. Les participants sont des représentants R&D des grands comptes industriels mondiaux. Notre avis : MIT/ILP est conçu pour les grandes entreprises en phase d'approche du MIT; c'est une sorte de point d'entrée qui permet d'étudier la possibilité d'aller plus loin dans la collaboration.

- Le fonds d'amorçage en énergie ("MIT Energy Initiative"). Lancé en 2006 suite à une recommandation de la Présidente Susan Hockfield, le programme ressemble à celui d'un cartel de la recherche en matière d'énergie et d'environnement. Il est piloté par le Prof. Ernest Moniz, ancien sous secrétaire d'état à l'énergie (1997-2001). MITEI regroupe trois types de membres qui ont un accès différencié aux produits livrables du fonds : les 3 fondateurs (BP, ENI, Institut Masdar) qui versent chaque année 5 millions de dollars, les 10 financeurs (ABB, Bosch, Chevron, Total, etc.) qui contribuent à hauteur d'un million par an ainsi que les 50 affiliés et autres associés (100.000 dollars par an). Le MITEI est très prospère: on laisse actuellement entendre que le fonds a dépassé les 400 millions de dollars et que le nombre de projets en portefeuille se monte à 260. C'est sur les revenus du fonds que sont financés des projets de recherche, que des enseignements sur l'énergie sont dispensés et que des opérations de "rayonnement" sont réalisées dans le monde entier. L'unité mixte de recherche MSE2 (MIT-CNRS) fait partie du MITEI (voir plus bas). Préconisation : le programme est thématique et le ticket d'entrée passablement élevé. MITEI concerne donc les grands comptes de l'énergie ou de l'environnement soucieux de suivre les évolutions des concurrents en plus d'être au contact avec de grands experts du MIT ou d'ailleurs, consultés par l'exécutif américain (présidence, DoE, etc.). Faire partie du MITEI suppose bien entendu de connaître ses objectifs technologiques et de vouloir s'engager dans une relation de long terme avec le MIT.

- Le MIT-France : il s'agit d'un fonds conjointement constitué grâce auquel, depuis 10 ans, sont financés des projets bilatéraux de recherche. La somme disponible annuellement pour les financer varie en fonction du produit des placements mais avoisine 100.000 dollars. Le MIT-France possède également une activité qui consiste à faciliter le séjour de stagiaires en France (labos, entreprises, etc.). Ce dernier fonctionne remarquablement bien et satisfait toutes les parties prenantes (stagiaires, institutions hôtes, etc.). Concernant le volet recherche, un appel à propositions a lieu en mai et la sélection en novembre. Selon les années, le programme réceptionne entre 14 et 75 projets. Taux de sélection : entre 15 et 30%. Notre avis : MIT-France convient parfaitement aux collaborations scientifiques avec ou sans volet académique. Seule la mobilité est financée. Il est donc tout à fait approprié pour des laboratoires publics français qui peuvent ensuite envisager des collaborations plus structurées (ex. PICS, GDRI, etc.). Les entreprises ne sont pas exclues du programme mais nous leur recommandons de ne pas apparaître comme chef de projet (le jury a tendance à les orienter vers...l'ILP ou un contrat de recherche). Malgré le succès des stages en France auprès des étudiants du MIT (100 étudiants par an, en forte croissance), les acteurs français ne profitent sans doute pas encore assez de la formule qui fournit une excellente occasion de se rapprocher de l'Institut et des élites scientifiques qu'il forme. Autre atout du programme, MIT-France est une composante du MISTI qui rassemble tous les programmes du MIT avec le reste du monde (15 pays). Le MISTI dispose d'un budget qui finance des projets conjoints de recherche, dont des collaborations avec la France. C'est le cas dans le domaine de l'énergie (don de la société Total).

- MIT/TLO : voir BE n°302. Notre avis : TLO est destiné aux entreprises qui souhaitent négocier des licences auprès du MIT. Le retour d'expériences que nous avons de son fonctionnement est que TLO fait la liaison avec les chercheurs du MIT à l'origine de l'invention ou du brevet. Comme ailleurs au MIT, TLO ne traite qu'avec des clients qui veulent exploiter une licence sur une base marchande et contractuelle. A l'exception des entrepreneurs appartenant au MIT, TLO ne traite pas avec des JEI ou des PME-PMI de petite taille ou des pôles de compétitivité.

- Les dons et autres contributions: le MIT vit beaucoup de dons de ses anciens étudiants, d'entreprises ou de fondations. La plupart des dons sont récoltés dans le cadre d'opérations de rayonnement et de promotion qui ont lieu partout dans le monde avec l'aide d'anciens étudiants regroupés dans des sections nationales. Naturellement, plus les dons sont importants, plus ils sont médiatisés, à l'instar de celui de M. Koch (Institut Koch) ou du couple Broad (Broad Institute). A une échelle plus modeste, les entreprises peuvent financer des chaires. La société Total a par exemple financé à hauteur de 5 millions de dollars une chaire consacrée aux études africaines.

- L'approche scientifique : contrepartie de son fonctionnement ouvert sur le monde et totalement décentralisé, le MIT est en fait très accessible lorsqu'on l'aborde par la base. La plupart des collaborations scientifiques existantes est issue de rapprochements entre pairs ou laboratoires. Certaines d'entre elles reposent même sur des accords impliquant les départements concernés ou même les facultés et qui n'ont pas transité par les instances dirigeantes du MIT. Pour les entreprises, il en est de même, rien ne les oblige à passer par la voie des programmes MITEI ou ILP, elles peuvent directement prendre langue avec un chercheur ou un laboratoire pour ensuite passer un contrat de recherche dont la négociation aura lieu au niveau du département.

- L'ingénierie de projet : d'autres voies de collaboration avec le MIT existent mais elles sont encore assez peu exploitées par les acteurs français. Et ma liste est sans doute très incomplète. Deux exemples. L'installation d'un volontaire international français (VIE) dans une unité de recherche peut être un bon moyen de se rapprocher des travaux d'un laboratoire ou d'une expertise au MIT. EDF a récemment réalisé un tel montage dans le cadre d'un projet en environnement. Autre piste : la mise à disposition de personnel de recherche industriel dans le cadre d'un projet conjoint avec un laboratoire ou une faculté du MIT (Sloan School, etc.). L'entreprise Cap Gemini a récemment mis en oeuvre un tel montage qui lui a donné pleinement satisfaction.

Sous cette rubrique, il faut dire un mot de la création de l'Unité Mixte de recherche "MSE2" (matériaux multi-échelle pour l'énergie et l'environnement) qui est le résultat d'une longue ingénierie de projet et qui n'a pas d'équivalent au MIT. La France est le seul pays à disposer d'une telle unité. C'est une véritable co-entreprise entre le MIT-CNRS qui bénéficie de très importants moyens de part et d'autre, via les agences de moyens françaises et américaines mais aussi grâce à l'appui du MITEI et de très nombreux industriels.

Conclusion

"MSE2" témoigne en fait d'un changement de stratégie internationale pour le MIT. L'établissement, qui n'a cessé depuis des décennies de fonctionner selon un double modèle d'excellence scientifique et d'attractivité (étudiants, chercheurs, bienfaiteurs,, etc.), semble vouloir explorer des schémas de partenariats plus équilibrés et pérennes, même s'ils resteront guidés par le souci du MIT d'amplifier son rayonnement pour s'attirer des ressources. Une inflexion que l'on doit à la Présidente Hockfield, sceptique sur les initiatives d'extensions internationales éloignées, mais enthousiaste sur des nouveaux modèles de collaboration comme celui de MSE2. Un état d'esprit que partage sans doute son successeur le Prof. Reif, originaire d'Amérique latine. Sachons inscrire nos projets dans cette optique, ils auront plus de chances d'aboutir.

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A lire également:

Collaborer avec le MIT : guide des bonnes et... moins bonnes pratiques (partie 1/2)
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71016.htm

 Rédacteurs : Antoine Mynard, attache-inno@ambascience-usa.org ;
- Retrouvez toutes nos activités sur http://france-science.org.

Origine : BE Etats-Unis numéro 304 (28/09/2012) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71079.htm

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