A lire sur: http://www.zdnet.fr/actualites/neutralite-de-l-internet-ump-et-ps-dans-une-partie-de-pong-39782789.htm#xtor=EPR-100
Législation
- Faut-il être dans l'opposition pour proposer une loi sur la
neutralité ? Corollaire : faut-il bloquer une loi dont on avait défendu
le principe dès lors qu'on arrive aux affaires ?
La neutralité de l'Internet est-il un sujet législatif à intérêt variable ? Alors que l'an dernier, la majorité de droite à l'Assemblée rejetait une proposition de loi socialiste sur la question, ces derniers, désormais au pouvoir, traînent des pieds pour légiférer.
Les acteurs sont presque les mêmes, mais les raisons changent. La proposition de 2011, rapportée par le socialiste Christian Paul, semblait trop restrictive à la majorité, et arrivait avant un rapport sur la situation dans l'Union européenne.
Cette fois, estime la ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, il n'y a tout simplement "pas d'urgence à légiférer," selon des propos rapportés par Ecrans.fr.
Ping : en 2011, le PS propose, l'UMP rejette
En février 2011, le président égyptien Hosni Moubarak démissionnait, la révolte débutait en Lybie, et l'Europe essayait déjà de sauver sa monnaie de sommet en sommet.
En France pourtant, le parti socialiste affirmait qu'il ne fallait pas laisser ces événements suspendre toute la politique d'un pays. Elle défendit, par la voix du rapporteur Christian Paul, une proposition de loi relative à la neutralité de l'Internet devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
La majorité était de droite, et la proposition de loi ne dépassa pas le seuil de ladite commission. Laure de la Raudière, députée UMP et rapporteure de la commission, estimait alors qu'elle posait problème.
"Si elle protège l'Internet d'aujourd'hui, c'est-à-dire d'hier tant les évolutions sont rapides, elle entrave le développement de celui de demain, notamment des services gérés comme il en existe déjà avec la téléphonie ou la télévision sur IP," expliquait-elle en séance de commission.
Corinne Ehrel, députée PS également en pointe sur ces questions, jugeait la proposition de loi bonne dans les débats de l'Assemblée. Cette dernière fut rejetée dans son intégralité, et la commission des affaires économiques de passer à l'étiquetage nutritionnel.
Pong : "Des dispositifs d'encadrement existent déjà dans la loi"
La semaine dernière, Laure de la Raudière a déposé une proposition de loi à son tour. Volontairement plus simple et recentrée sur une volonté de définir la neutralité de l'Internet, elle n'est évidemment pas parfaite. Mais moyennant quelques amendements, elle n'est pas éloignée de la position socialiste…
… de l'époque. Car désormais, Bercy ne voit plus l'opportunité de légiférer. Dans un entretien accordé à Ecrans.fr, la ministre déléguée estime qu'il y a "un sujet de principe et des engagements ont été pris pendant la campagne, mais des dispositifs d'encadrement existent déjà dans la loi et, pour nous, il n'y a pas d'urgence à légiférer. S'il y a des atteintes à la neutralité, l'Arcep peut-être saisie."
Ecrans rappelle que l'Arcep peut effectivement être saisie… Mais pas par les citoyens. Une question qui revient justement dans l'actualité, avec la saisine de l'Arcep et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes par l'UFC Que Choisir.
La déclaration de la ministre déléguée est étonnante, d'autant que le député socialiste Christian Paul, que nous avons pu interroger par téléphone, dit ne pas "imaginer un seul instant que le gouvernement soit indifférent aux enjeux de la neutralité de l'Internet."
Ping : c'est le bon moment, mais…
Certes, rappelle Christian Paul : "Les urgences sont nombreuses : le redressement économique, y compris celui du secteur numérique, une vraie stratégie de déploiement du très haut débit… C'est peut-être le plus urgent aujourd'hui, et ce n'est pas totalement déconnecté de la question de la neutralité. Les opérateurs télécoms peuvent être tentés d'apporter des limites à la neutralité du net pour mieux valoriser leur réseau, parce qu'ils doivent investir sur le très haut débit."
Pour autant, le député estime que la neutralité de l'Internet "doit figurer dans la loi," et que "ça doit être dans la période politique qui vient de s'ouvrir." Autrement dit, pendant le quinquennat de François Hollande.
D'autant que les sollicitations ne manquent pas. Il y a le rapport de l'Arcep sur la neutralité de l'Internet, publié hier soir, et que Christian Paul conseille de "lire sans tarder."
Il y a également les campagnes de communication sur le sujet, par la Quadrature du Net, entre autres. Cette association de fait, qui milite pour les libertés en ligne, a fait écho au rapport de l'Arcep dès hier dans un communiqué.
La Quadrature du Net estime que le rapport de l'Arcep "préfère ne prendre aucun risque et tend à minimiser la gravité de la situation."
Ce n'est pas l'avis de Christian Paul, qui trouve au contraire "plusieurs choses intéressantes" dans le rapport. La réaffirmation de l'importance de la neutralité d'une part, mais aussi l'indication que "les risques existent. Cela peut faire tomber une partie des reproches de Laure de la Raudière, quand elle disait qu'on allait figer l'Internet" avec la proposition de loi de 2011.
Le moment semble donc opportun, quoi qu'en dise Fleur Pellerin, mais pas forcément sous la forme prescrite par la députée UMP Laure de la Raudière. Pour Christian Paul, "c'est une initiative un peu isolée. Et sa position paraît à la fois insuffisante et porteuse de quelques risques."
Ainsi, "elle a une approche de l'Internet définie en terme d'envoi et de réception de contenus et d'utilisation de service. On oublie qu'un des aspects très important de l'Internet, c'est de faire d'une multitude d'acteurs des producteurs de contenus. Or sa proposition ne vise que les fournisseurs d'accès."
Le député, "sans faire de procès d'intention à Laure de la Raudière," voit aussi les notions de services gérés et de qualité suffisante comme risqués : "Elles sont porteuses du risque d'une privatisation substantielle de l'Internet. Or ça doit être un bien commun."
Pong : et si la vérité était ailleurs ?
Une stratégie semble tout de même se dessiner chez les députés PS, résumée par Christian Paul : "figer le principe dans la loi, et faire bouger les modalités en fonction de l'évolution."
Mais une loi sur la neutralité de l'Internet ne serait-elle pas au final un coup d'épée dans l'eau ? On pourrait penser que son avenir se joue en dehors du cadre français.
La Quadrature du Net relevait par exemple mercredi les risques liés à une proposition de l'Etno (association des Opérateurs de réseaux de télécommunications européens), pour modifier les règles de régulation au niveau mondial.
Cette contribution de l'Etno, qui sera présentée à l'occasion de la Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (WCIT) de Dubaï en décembre, veut "empêcher des décisions qui pourraient prévenir l'émergence de nouveaux modèles économiques." L'Etno met également en avant la notion de "qualité de service suffisante," au risque d'entrer dans la privatisation de l'Internet brandie par Christian Paul.
Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux confier les clés de la neutralité de l'Internet au Parlement européen par exemple, qui a récemment montré son efficacité en rejetant le traité Acta ?
Christian Paul estime que "nous devons rester très attentifs à ce que l'UE ne soit pas en retard sur cette question. La France doit rattraper son retard, nous serons d'autant plus forts pour parler à Bruxelles que nous aurons pris une initiative sérieuse."
Si le flou demeure autour des intentions du gouvernement, la question de la neutralité de l'Internet, avec ses différences d'appréciations, montre une fois de plus son caractère transpartisan.
Le risque, c'est qu'il soit cantonné à quelques députés spécialistes, et repoussé de majorité en majorité, dans une lente partie de Pong. Christian Paul avait prophétisé en 2011 : "Il sera bientôt trop tard," ajoutant que "la paresse est proscrite autant que le retard."
Aujourd'hui, il "persiste et signe," mais laisse planer le doute sur le calendrier : "La rentrée parlementaire, c'est le 2 octobre."
La neutralité de l'Internet est-il un sujet législatif à intérêt variable ? Alors que l'an dernier, la majorité de droite à l'Assemblée rejetait une proposition de loi socialiste sur la question, ces derniers, désormais au pouvoir, traînent des pieds pour légiférer.
Les acteurs sont presque les mêmes, mais les raisons changent. La proposition de 2011, rapportée par le socialiste Christian Paul, semblait trop restrictive à la majorité, et arrivait avant un rapport sur la situation dans l'Union européenne.
Cette fois, estime la ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, il n'y a tout simplement "pas d'urgence à légiférer," selon des propos rapportés par Ecrans.fr.
Ping : en 2011, le PS propose, l'UMP rejette
En février 2011, le président égyptien Hosni Moubarak démissionnait, la révolte débutait en Lybie, et l'Europe essayait déjà de sauver sa monnaie de sommet en sommet.
En France pourtant, le parti socialiste affirmait qu'il ne fallait pas laisser ces événements suspendre toute la politique d'un pays. Elle défendit, par la voix du rapporteur Christian Paul, une proposition de loi relative à la neutralité de l'Internet devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
La majorité était de droite, et la proposition de loi ne dépassa pas le seuil de ladite commission. Laure de la Raudière, députée UMP et rapporteure de la commission, estimait alors qu'elle posait problème.
"Si elle protège l'Internet d'aujourd'hui, c'est-à-dire d'hier tant les évolutions sont rapides, elle entrave le développement de celui de demain, notamment des services gérés comme il en existe déjà avec la téléphonie ou la télévision sur IP," expliquait-elle en séance de commission.
Corinne Ehrel, députée PS également en pointe sur ces questions, jugeait la proposition de loi bonne dans les débats de l'Assemblée. Cette dernière fut rejetée dans son intégralité, et la commission des affaires économiques de passer à l'étiquetage nutritionnel.
Pong : "Des dispositifs d'encadrement existent déjà dans la loi"
La semaine dernière, Laure de la Raudière a déposé une proposition de loi à son tour. Volontairement plus simple et recentrée sur une volonté de définir la neutralité de l'Internet, elle n'est évidemment pas parfaite. Mais moyennant quelques amendements, elle n'est pas éloignée de la position socialiste…
… de l'époque. Car désormais, Bercy ne voit plus l'opportunité de légiférer. Dans un entretien accordé à Ecrans.fr, la ministre déléguée estime qu'il y a "un sujet de principe et des engagements ont été pris pendant la campagne, mais des dispositifs d'encadrement existent déjà dans la loi et, pour nous, il n'y a pas d'urgence à légiférer. S'il y a des atteintes à la neutralité, l'Arcep peut-être saisie."
Ecrans rappelle que l'Arcep peut effectivement être saisie… Mais pas par les citoyens. Une question qui revient justement dans l'actualité, avec la saisine de l'Arcep et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes par l'UFC Que Choisir.
La déclaration de la ministre déléguée est étonnante, d'autant que le député socialiste Christian Paul, que nous avons pu interroger par téléphone, dit ne pas "imaginer un seul instant que le gouvernement soit indifférent aux enjeux de la neutralité de l'Internet."
Ping : c'est le bon moment, mais…
Certes, rappelle Christian Paul : "Les urgences sont nombreuses : le redressement économique, y compris celui du secteur numérique, une vraie stratégie de déploiement du très haut débit… C'est peut-être le plus urgent aujourd'hui, et ce n'est pas totalement déconnecté de la question de la neutralité. Les opérateurs télécoms peuvent être tentés d'apporter des limites à la neutralité du net pour mieux valoriser leur réseau, parce qu'ils doivent investir sur le très haut débit."
Pour autant, le député estime que la neutralité de l'Internet "doit figurer dans la loi," et que "ça doit être dans la période politique qui vient de s'ouvrir." Autrement dit, pendant le quinquennat de François Hollande.
D'autant que les sollicitations ne manquent pas. Il y a le rapport de l'Arcep sur la neutralité de l'Internet, publié hier soir, et que Christian Paul conseille de "lire sans tarder."
Il y a également les campagnes de communication sur le sujet, par la Quadrature du Net, entre autres. Cette association de fait, qui milite pour les libertés en ligne, a fait écho au rapport de l'Arcep dès hier dans un communiqué.
La Quadrature du Net estime que le rapport de l'Arcep "préfère ne prendre aucun risque et tend à minimiser la gravité de la situation."
Ce n'est pas l'avis de Christian Paul, qui trouve au contraire "plusieurs choses intéressantes" dans le rapport. La réaffirmation de l'importance de la neutralité d'une part, mais aussi l'indication que "les risques existent. Cela peut faire tomber une partie des reproches de Laure de la Raudière, quand elle disait qu'on allait figer l'Internet" avec la proposition de loi de 2011.
Le moment semble donc opportun, quoi qu'en dise Fleur Pellerin, mais pas forcément sous la forme prescrite par la députée UMP Laure de la Raudière. Pour Christian Paul, "c'est une initiative un peu isolée. Et sa position paraît à la fois insuffisante et porteuse de quelques risques."
Ainsi, "elle a une approche de l'Internet définie en terme d'envoi et de réception de contenus et d'utilisation de service. On oublie qu'un des aspects très important de l'Internet, c'est de faire d'une multitude d'acteurs des producteurs de contenus. Or sa proposition ne vise que les fournisseurs d'accès."
Le député, "sans faire de procès d'intention à Laure de la Raudière," voit aussi les notions de services gérés et de qualité suffisante comme risqués : "Elles sont porteuses du risque d'une privatisation substantielle de l'Internet. Or ça doit être un bien commun."
Pong : et si la vérité était ailleurs ?
Une stratégie semble tout de même se dessiner chez les députés PS, résumée par Christian Paul : "figer le principe dans la loi, et faire bouger les modalités en fonction de l'évolution."
Mais une loi sur la neutralité de l'Internet ne serait-elle pas au final un coup d'épée dans l'eau ? On pourrait penser que son avenir se joue en dehors du cadre français.
La Quadrature du Net relevait par exemple mercredi les risques liés à une proposition de l'Etno (association des Opérateurs de réseaux de télécommunications européens), pour modifier les règles de régulation au niveau mondial.
Cette contribution de l'Etno, qui sera présentée à l'occasion de la Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (WCIT) de Dubaï en décembre, veut "empêcher des décisions qui pourraient prévenir l'émergence de nouveaux modèles économiques." L'Etno met également en avant la notion de "qualité de service suffisante," au risque d'entrer dans la privatisation de l'Internet brandie par Christian Paul.
Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux confier les clés de la neutralité de l'Internet au Parlement européen par exemple, qui a récemment montré son efficacité en rejetant le traité Acta ?
Christian Paul estime que "nous devons rester très attentifs à ce que l'UE ne soit pas en retard sur cette question. La France doit rattraper son retard, nous serons d'autant plus forts pour parler à Bruxelles que nous aurons pris une initiative sérieuse."
Si le flou demeure autour des intentions du gouvernement, la question de la neutralité de l'Internet, avec ses différences d'appréciations, montre une fois de plus son caractère transpartisan.
Le risque, c'est qu'il soit cantonné à quelques députés spécialistes, et repoussé de majorité en majorité, dans une lente partie de Pong. Christian Paul avait prophétisé en 2011 : "Il sera bientôt trop tard," ajoutant que "la paresse est proscrite autant que le retard."
Aujourd'hui, il "persiste et signe," mais laisse planer le doute sur le calendrier : "La rentrée parlementaire, c'est le 2 octobre."
Fusion Arcep-CSA, mauvais débat
Dans notre entretien, nous avons pu revenir avec le député socialiste Christian Paul sur la fusion éventuelle de l'Arcep, régulateur des télécommunications, et le CSA, régulateur de l'audiovisuel. Son avis est tranché.
"Cette fusion ne me paraît pas une urgence ou une priorité, et beaucoup de parlementaires qui travaillent sur cette question partagent mon point de vue.
Il y a plusieurs raisons à cela : cela réclamerait au moins deux ou trois ans de mécanos juridiques et administratifs, donc ça serait une perte de temps, et ce sont des métiers et des fonctions également nécessaires, mais différents.
Personne n'ignore qu'à l'heure de la convergence des réseaux, des contenus et des terminaux, les deux activités sont difficiles dans un monde numérique mouvant et avec des acteurs puissants.
Mais je reste dubitatif, et je crains une confusion qui ferait perdre la force et l'inventivité de la régulation française. On ira plus vite et plus loin sans passer par la fusion des régulateurs. Je regrette qu'on mobilise du temps et de l'énergie là-dessus."
Dans notre entretien, nous avons pu revenir avec le député socialiste Christian Paul sur la fusion éventuelle de l'Arcep, régulateur des télécommunications, et le CSA, régulateur de l'audiovisuel. Son avis est tranché.
"Cette fusion ne me paraît pas une urgence ou une priorité, et beaucoup de parlementaires qui travaillent sur cette question partagent mon point de vue.
Il y a plusieurs raisons à cela : cela réclamerait au moins deux ou trois ans de mécanos juridiques et administratifs, donc ça serait une perte de temps, et ce sont des métiers et des fonctions également nécessaires, mais différents.
Personne n'ignore qu'à l'heure de la convergence des réseaux, des contenus et des terminaux, les deux activités sont difficiles dans un monde numérique mouvant et avec des acteurs puissants.
Mais je reste dubitatif, et je crains une confusion qui ferait perdre la force et l'inventivité de la régulation française. On ira plus vite et plus loin sans passer par la fusion des régulateurs. Je regrette qu'on mobilise du temps et de l'énergie là-dessus."
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