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Si cette transition d’une logique à l’autre est essentielle, elle ne se fait pas si facilement. Car faire en sorte que l’innovation soit pleinement intégrée, comprise et appréciée comme créatrice de valeur pour l’entreprise implique de pouvoir mesurer le plus précisément possible ce qu’elle lui apporte. Or il est difficile d’extraire d’un compte de résultats ce qui est source et conséquence de l’innovation au sens strict. Si les chiffres des dépenses de R&D, du personnel employé ou du nombre de brevets déposés nous renseignent en partie, ils n’en disent pas suffisamment sur la contribution réelle de l’innovation, notamment pour les activités dont le contenu scientifique et technique novateur n’est pas directement explicite.
Les entreprises à haute valeur ajoutée, où l’innovation représente un enjeu critique et des investissements considérables, doivent aujourd’hui se poser ces questions : Que peut leur apporter la mesure précise de l’effort d’innovation et de ses fruits ? Et comment évaluer la contribution de cette innovation à la valeur du groupe, et donc la valeur intrinsèque de l’innovation ?
Autre intérêt en interne : les équipes en charge de l’innovation ont une meilleure visibilité sur l’utilisation et la rentabilité de leurs ressources et peuvent ainsi améliorer continuellement leurs méthodes. Les activités de recherche peuvent également être rémunérées au plus juste, ce qui contribue à la valorisation du travail et à la motivation des équipes concernées.
Connaître la valeur de l’innovation est également indispensable pour légitimer les investissements consentis en R&D et dans les processus de management des projets innovants, et pour démontrer leur rentabilité. Grâce à cette analyse, l’entreprise assure un meilleur suivi des projets, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif et financier. Elle prend des décisions plus avisées lors des arbitrages budgétaires en faveur de tel ou tel projet.
Il y a là aussi un enjeu de communication externe, cet éclairage ayant un intérêt pour les autres parties prenantes de l’entreprise, au premier rang desquelles les actionnaires. Mieux connaître la valeur de son "capital innovation" peut également permettre de justifier et renforcer son image d’entreprise innovante auprès des investisseurs et du grand public, et par là même sa position sur un marché.
Parmi les entreprises qui ont particulièrement intérêt à évaluer l’innovation figurent les groupes possédant un vaste portefeuille d’innovations et des centres de recherche dans différents endroits du monde. En effet, connaître la valeur de l’innovation est crucial pour la circulation, le partage et l’optimisation de celle-ci au sein des différentes entités. Par exemple, lorsqu’un centre de recherche engage des coûts (qu’ils relèvent d’investissements ou de charges) pour développer une innovation dans un pays, qui peut ensuite être utilisée par une entité dans un autre pays qui pourra en tirer des bénéfices, cela soulève des questions de juste rémunération de ces technologies innovantes et de prix de transfert. Questions auxquelles une fine analyse de la valeur de l’innovation peut indéniablement apporter un début de réponse.
La mesure de la valeur de l’innovation a enfin une utilité pour la fonction finance d’une entreprise soumise aux normes comptables US GAAP ou IFRS, dans le cadre des tests de dépréciation d’actifs. Elle permet en effet de faciliter les calculs de la valeur recouvrable, à partir de laquelle les actifs vont être testés.
Cette architecture doit être d’une double utilité pour l’entreprise : contribuer à la réflexion sur la place de l’innovation dans l’organisation, et cadrer l’exercice de valorisation de l’innovation et le suivi de cette valeur.
Elle peut ainsi répondre aux attentes de trois fonctions distinctes au sein de l’entreprise :
- La fonction Innovation qui a un besoin de priorisation, d’évaluation et de suivi des projets innovants ;
- La fonction Finance qui a également besoin d’évaluer la valeur de l’innovation et de mesurer sa rentabilité ;
- La fonction Fiscalité qui a besoin d’évaluer les éventuels taux de redevance, afin de déterminer la correcte rémunération de la R&D au sein du groupe et ainsi justifier les prix de transfert.
- L’architecture que nous avons mise en place pour mesurer la valeur de l’innovation repose sur deux phases : une phase d’enquête et une phase d’analyse.
Le questionnaire opérationnel est doublé d’un questionnaire financier. Il est alimenté par différentes informations financières fournies par les chefs de projet, telles que la valeur présente nette, le taux de retour interne, l’estimation du risque de cannibalisation, etc. Ces éléments permettent de rendre compte de l’intérêt économique et des risques financiers liés à l’innovation. Il existe actuellement dans les entreprises des éléments plus ou moins aboutis de suivi financier des projets d’innovation. La présente méthodologie peut venir se "greffer" sur l’existant.
Cette notation a plusieurs utilités. Elle va permettre d’évaluer le taux de redevance, point d’entrée pour l’estimation de la valeur de l’innovation, servant à déterminer la correcte rémunération de la R&D au sein du groupe. Elle servira également de base à l’estimation de la juste valeur[1] et de la valeur d’utilité[2] – les "deux pieds" de la valeur recouvrable[3]. La notation permet donc de répondre aux besoins mentionnés plus haut, ceux des fonctions Innovation, Finance et Fiscalité.
Cette démarche combinée d’enquête et d’analyse, en mobilisant les collaborateurs de l’entreprise au-delà des seuls responsables de l’innovation, a l’avantage de favoriser les interactions, notamment entre les fonctions scientifiques et techniques, commerciales et financières. Au-delà d’apporter les éléments essentiels à l’exercice de valorisation de l’innovation, cette méthodologie incite ainsi les équipes à comprendre, analyser et optimiser la place de celle-ci au cœur du processus de croissance de l’entreprise.
André Gorius, Directeur Licensing , Solvay
Emmanuel de Villeneuve Esclapon, Senior Manager, Valuation and Business Modelling, Ernst & Young
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Source de croissance, d’amélioration de la productivité et d’avantage
compétitif, parfois même condition de survie dans certains secteurs très
concurrentiels, l’innovation est une fonction clé de l’entreprise. Dans
des économies matures désormais massivement dématérialisées, elle est
un élément essentiel de ce capital incorporel et intellectuel dont on
cherche de plus en plus à définir les contours pour estimer la valeur
des entreprises.
Pendant longtemps, l’innovation a été considérée avant tout comme un centre de coûts.
La fonction, aux attributions parfois floues et semblant déconnectées
des activités opérationnelles, pouvait souffrir d’un manque de
compréhension et de considération. Aujourd’hui, les équipes responsables
de l’innovation savent qu’elles se doivent de dépasser un rôle trop
marqué "recherche fondamentale" pour s’inscrire dans une logique de
centre de profit. Qu’elle soit de produit ou de procédé, l’innovation se
veut davantage liée aux enjeux stratégiques et opérationnels, afin de
répondre aux besoins de l’entreprise et de refléter les attentes du
marché.Si cette transition d’une logique à l’autre est essentielle, elle ne se fait pas si facilement. Car faire en sorte que l’innovation soit pleinement intégrée, comprise et appréciée comme créatrice de valeur pour l’entreprise implique de pouvoir mesurer le plus précisément possible ce qu’elle lui apporte. Or il est difficile d’extraire d’un compte de résultats ce qui est source et conséquence de l’innovation au sens strict. Si les chiffres des dépenses de R&D, du personnel employé ou du nombre de brevets déposés nous renseignent en partie, ils n’en disent pas suffisamment sur la contribution réelle de l’innovation, notamment pour les activités dont le contenu scientifique et technique novateur n’est pas directement explicite.
Les entreprises à haute valeur ajoutée, où l’innovation représente un enjeu critique et des investissements considérables, doivent aujourd’hui se poser ces questions : Que peut leur apporter la mesure précise de l’effort d’innovation et de ses fruits ? Et comment évaluer la contribution de cette innovation à la valeur du groupe, et donc la valeur intrinsèque de l’innovation ?
Pourquoi estimer la valeur de l’innovation ?
Mesurer la valeur de l’innovation répond d’abord à une exigence de communication interne
: cette démarche doit permettre à toutes les fonctions de l’entreprise -
opérationnelles, financières, exécutives - de comprendre en quoi
l’innovation est importante et ce qu’elle cherche à accomplir. Plus une
entreprise peut communiquer en toute transparence sur la valeur ajoutée
réelle que représente l’innovation, plus elle peut susciter l’adhésion
des équipes autour de cette fonction.Autre intérêt en interne : les équipes en charge de l’innovation ont une meilleure visibilité sur l’utilisation et la rentabilité de leurs ressources et peuvent ainsi améliorer continuellement leurs méthodes. Les activités de recherche peuvent également être rémunérées au plus juste, ce qui contribue à la valorisation du travail et à la motivation des équipes concernées.
Connaître la valeur de l’innovation est également indispensable pour légitimer les investissements consentis en R&D et dans les processus de management des projets innovants, et pour démontrer leur rentabilité. Grâce à cette analyse, l’entreprise assure un meilleur suivi des projets, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif et financier. Elle prend des décisions plus avisées lors des arbitrages budgétaires en faveur de tel ou tel projet.
Il y a là aussi un enjeu de communication externe, cet éclairage ayant un intérêt pour les autres parties prenantes de l’entreprise, au premier rang desquelles les actionnaires. Mieux connaître la valeur de son "capital innovation" peut également permettre de justifier et renforcer son image d’entreprise innovante auprès des investisseurs et du grand public, et par là même sa position sur un marché.
Parmi les entreprises qui ont particulièrement intérêt à évaluer l’innovation figurent les groupes possédant un vaste portefeuille d’innovations et des centres de recherche dans différents endroits du monde. En effet, connaître la valeur de l’innovation est crucial pour la circulation, le partage et l’optimisation de celle-ci au sein des différentes entités. Par exemple, lorsqu’un centre de recherche engage des coûts (qu’ils relèvent d’investissements ou de charges) pour développer une innovation dans un pays, qui peut ensuite être utilisée par une entité dans un autre pays qui pourra en tirer des bénéfices, cela soulève des questions de juste rémunération de ces technologies innovantes et de prix de transfert. Questions auxquelles une fine analyse de la valeur de l’innovation peut indéniablement apporter un début de réponse.
La mesure de la valeur de l’innovation a enfin une utilité pour la fonction finance d’une entreprise soumise aux normes comptables US GAAP ou IFRS, dans le cadre des tests de dépréciation d’actifs. Elle permet en effet de faciliter les calculs de la valeur recouvrable, à partir de laquelle les actifs vont être testés.
Comment mesurer la valeur de l’innovation ?
Nous estimons que plutôt qu’un outil auquel l’entreprise doit se conformer, la méthode d’évaluation de l’innovation doit se faire selon une méthodologie, une "architecture" flexible
et adaptable selon l’entreprise concernée, quelle que soit son
organisation ou sa taille. L’idée n’est pas de forcer un processus
existant dans un modèle, mais au contraire de modeler une architecture
pour que celle-ci s’intègre aussi souplement que possible dans les
processus et les routines de l’entreprise.Cette architecture doit être d’une double utilité pour l’entreprise : contribuer à la réflexion sur la place de l’innovation dans l’organisation, et cadrer l’exercice de valorisation de l’innovation et le suivi de cette valeur.
Elle peut ainsi répondre aux attentes de trois fonctions distinctes au sein de l’entreprise :
- La fonction Innovation qui a un besoin de priorisation, d’évaluation et de suivi des projets innovants ;
- La fonction Finance qui a également besoin d’évaluer la valeur de l’innovation et de mesurer sa rentabilité ;
- La fonction Fiscalité qui a besoin d’évaluer les éventuels taux de redevance, afin de déterminer la correcte rémunération de la R&D au sein du groupe et ainsi justifier les prix de transfert.
- L’architecture que nous avons mise en place pour mesurer la valeur de l’innovation repose sur deux phases : une phase d’enquête et une phase d’analyse.
Phase d’enquête
L’enquête se fonde d’abord sur un questionnaire opérationnel,
destiné à obtenir des réponses claires sur l’aspect opérationnel de
l’innovation : Cette innovation a-t-elle la capacité d’étendre une gamme
par le biais de nouveaux produits ? D’optimiser un procédé en diminuant
la consommation de matières premières ? Ce questionnaire doit pouvoir
"parler" à tout le monde. Il permet de rendre compte de l’intérêt de
l’innovation (procédé ou produit) sur différents thèmes. Dans la plupart
des entreprises, cette démarche n’existe pas telle quelle aujourd’hui.Le questionnaire opérationnel est doublé d’un questionnaire financier. Il est alimenté par différentes informations financières fournies par les chefs de projet, telles que la valeur présente nette, le taux de retour interne, l’estimation du risque de cannibalisation, etc. Ces éléments permettent de rendre compte de l’intérêt économique et des risques financiers liés à l’innovation. Il existe actuellement dans les entreprises des éléments plus ou moins aboutis de suivi financier des projets d’innovation. La présente méthodologie peut venir se "greffer" sur l’existant.
Phase d’analyse
Sur la base des deux questionnaires vont être attribuées des notes intermédiaires, pondérées selon les thématiques qu’elles couvrent, puis une note globale qui va venir qualifier l’innovation et mesurer sa vitalité.Cette notation a plusieurs utilités. Elle va permettre d’évaluer le taux de redevance, point d’entrée pour l’estimation de la valeur de l’innovation, servant à déterminer la correcte rémunération de la R&D au sein du groupe. Elle servira également de base à l’estimation de la juste valeur[1] et de la valeur d’utilité[2] – les "deux pieds" de la valeur recouvrable[3]. La notation permet donc de répondre aux besoins mentionnés plus haut, ceux des fonctions Innovation, Finance et Fiscalité.
Cette démarche combinée d’enquête et d’analyse, en mobilisant les collaborateurs de l’entreprise au-delà des seuls responsables de l’innovation, a l’avantage de favoriser les interactions, notamment entre les fonctions scientifiques et techniques, commerciales et financières. Au-delà d’apporter les éléments essentiels à l’exercice de valorisation de l’innovation, cette méthodologie incite ainsi les équipes à comprendre, analyser et optimiser la place de celle-ci au cœur du processus de croissance de l’entreprise.
André Gorius, Directeur Licensing , Solvay
Emmanuel de Villeneuve Esclapon, Senior Manager, Valuation and Business Modelling, Ernst & Young
Les définitions de valeurs
[1]La juste valeur est définie comme le montant pour lequel un actif pourrait être échangé entre des parties bien informées et consentantes dans le cadre d’une transaction effectuée dans des conditions de concurrence normales. La détermination de la juste valeur des actifs fait appel à une estimation de leur valeur de cession sur un marché actif hors frais de cession ou à une estimation de leur valeur d’utilité.
[2] La valeur d’utilité d’un actif correspond à la valeur actuelle des flux futurs générés par l’utilisation de l’actif et donne une estimation de sa valeur de marché. La détermination de la valeur d’utilité d’un actif fait appel à la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles à travers la prise en compte des flux générés par l’actif, du taux d’actualisation traduisant le niveau de risque de l’actif et de sa durée d’utilisation.
[3] La valeur recouvrable est la valeur la plus élevée entre la valeur d’utilité et la juste valeur nette des frais de cession. Cette notion intervient dans les tests de dépréciation d’actifs. Si le test de dépréciation de l’actif met en exergue une valeur recouvrable inférieure à la valeur nette comptable, il convient de déprécier la valeur de l’actif de la différence entre ces deux valeurs.
[1]La juste valeur est définie comme le montant pour lequel un actif pourrait être échangé entre des parties bien informées et consentantes dans le cadre d’une transaction effectuée dans des conditions de concurrence normales. La détermination de la juste valeur des actifs fait appel à une estimation de leur valeur de cession sur un marché actif hors frais de cession ou à une estimation de leur valeur d’utilité.
[2] La valeur d’utilité d’un actif correspond à la valeur actuelle des flux futurs générés par l’utilisation de l’actif et donne une estimation de sa valeur de marché. La détermination de la valeur d’utilité d’un actif fait appel à la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles à travers la prise en compte des flux générés par l’actif, du taux d’actualisation traduisant le niveau de risque de l’actif et de sa durée d’utilisation.
[3] La valeur recouvrable est la valeur la plus élevée entre la valeur d’utilité et la juste valeur nette des frais de cession. Cette notion intervient dans les tests de dépréciation d’actifs. Si le test de dépréciation de l’actif met en exergue une valeur recouvrable inférieure à la valeur nette comptable, il convient de déprécier la valeur de l’actif de la différence entre ces deux valeurs.
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