jeudi 4 avril 2013

Une technologie 3D sans lunettes pour smartphones et tablettes

A lire sur:  http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/informatique/d/une-technologie-3d-sans-lunettes-pour-smartphones-et-tablettes_45502/#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20130403-[ACTU-une_technologie_3d_sans_lunettes_pour_smartphones_et_tablettes]

Par Marc Zaffagni, Futura-Sciences
 
Polytechnicien et docteur en physique de l’université Stanford, David Fattal travaille pour HP dans les laboratoires de recherche et développement situés en Californie. Il a mis au point une technologie d’affichage 3D sans lunettes pour les smartphones et les tablettes, considérée comme une innovation majeure. Le jeune chercheur de 33 ans, qui vient d’être distingué par le MIT, a répondu aux questions de Futura-Sciences.
Dans une célèbre scène de la saga Star Wars, le robot R2D2 projette un hologramme vidéo de la princesse Leia. Cette technologie, nous la retrouverons peut-être bientôt dans les smartphones, les tablettes tactiles, et pourquoi pas les montres intelligentes. Elle a été développée chez HP par David Fattal, un chercheur français de 33 ans seulement. Avec son équipe du groupe de nanophotonique des HP Labs de Palo Alto en Californie, il a inventé un procédé affichant sur un terminal mobile des images en 3D complète, sans imposer de lunettes spéciales, et surtout avec un angle de vision de 90 degrés et jusqu’à un mètre de distance. Ce qui signifie que plusieurs personnes peuvent voir l’image en 3D sous différents angles, sans devoir conserver une position fixe précise, comme c’est le cas de la console portable Nintendo 3DS.

Dans cette vidéo de démonstration, l’affichage en 3D développé par David Fattal et son équipe des HP Labs fonctionne sur un écran de 6 pouces en offrant 64 angles de vue différents en mode RGB (rouge, vert, bleu). On constate qu’il est possible de tourner autour de l’image en adoptant diverses positions sans que l’effet 3D ne s’estompe. © HP
« Par exemple, si vous projetiez une image en relief de la planète Terre avec le pôle Nord en plein milieu de l'écran, vous pourriez voir n'importe quel pays du globe en tournant la tête tout autour de l'image », expliquait David Fattal la semaine dernière lors de la présentation de cette innovation majeure. Celle-ci a par ailleurs fait l’objet d’une publication dans Nature. La technologie qu’il a développée repose sur l’optique diffractive. Elle consiste à guider la lumière Led projetée par rétroéclairage à travers des « pixels directionnels » microscopiques, gravés directement à la surface de l’écran. Le résultat est une image qui donne l’impression de flotter, et autour de laquelle on peut « tourner ».
David Fattal distingué par le MIT
Sorti major de sa promotion à l’École polytechnique, titulaire d’un doctorat de physique de l’université de Stanford, ce brillant chercheur vient de recevoir le prix MIT Technology Review du Massachusetts Institute of Technology, qui récompense pour la première fois cette année un jeune innovateur français de moins de 35 ans (en partenariat avec Le Figaro Étudiant). Aux États-Unis, ce prix a distingué par le passé de grandes figures comme le cofondateur de Facebook Mark Zuckerberg, le père du noyau Linux Linus Torvalds, le cofondateur de Google Serguei Brin, ou encore le cofondateur de Twitter Jack Dorsey. Selon un chercheur cité par la Technology Review du MIT, l’invention de David Fattal représente « un bond qui n’avait pas été fait depuis 100 ans dans la physique ». Pour Futura-Sciences, David Fattal revient sur son invention et les perspectives qu’elle ouvre.
Futura-Sciences : Votre innovation repose sur une technique de rétroéclairage Led avec un obturateur qui guide la lumière à travers des pixels eux-mêmes gravés sur la surface en verre ou en plastique. Pouvez-vous nous en expliquer le principe ?
David Fattal : Pour une couleur donnée, l’illumination Led se fait de côté, de manière similaire aux écrans LCD qui équipent la majorité des téléphones portables aujourd’hui. Nous ajoutons un système de collimation très compact, qui permet d’injecter la lumière de manière très directionnelle vers le système de « pixels directionnels », qui sont en fait des réseaux de diffraction gravés sur la surface. Les pixels interagissent avec la lumière incidente pour former une multitude de rayons lumineux émanant de l’écran. La direction exacte d’un rayon est contrôlée par l’orientation et la période du réseau. Un modulateur externe de type LCD se charge de gérer l’intensité de chaque rayon de lumière de manière indépendante, ce qui permet la création d’images 3D animées à partir d’une fréquence vidéo.
Cette technique permet de gérer chaque pixel indépendamment et de ne pas recourir aux filtres de couleur. Quel avantage cela procure-t-il ?
David Fattal : L’avantage principal de cette technique est qu’elle permet d’obtenir un effet 3D à grand champ angulaire [les premiers tests ont permis d’obtenir un angle de 90 degrés, mais l’équipe pense pouvoir atteindre 180 degrés, NDLR]. L’effet persiste même à grand angle, de telle sorte que vous pouvez « tourner » autour de l’image 3D ou regarder ce qu’il y a « derrière » de façon complètement intuitive, comme si vous aviez affaire à un objet réel. L’autre avantage est que nous pouvons obtenir les différentes couleurs sans recourir à des filtres. Cela permet d’une part de diminuer la consommation d’énergie de l’écran, sachant que les filtres colorés absorbent 66 % de la lumière, et d’autre part d’obtenir un écran transparent.

L’écran 15 pouces de ce portable Asus Roc G53 suit les yeux des utilisateurs pour changer l’orientation des images 3D qu’il est capable d’afficher. Un procédé qui pourrait prendre du plomb dans l’aile avec l’innovation de David Fattal. © Asus
Les images 3D produites s’apparentent à des hologrammes. Quels types de contenus peut-on afficher ?
David Fattal : Les images 3D produites sont effectivement très similaires à des hologrammes. La différence est que l’effet persiste dans un champ angulaire plus étendu et que les images sont animées beaucoup plus aisément. La contrepartie est que la distance d’observation doit être de moins d’un mètre. N’importe quelle image 3D peut être affichée si elle est supportée pas les dimensions physiques de l’écran. En effet, la lumière observée par l’œil humain doit provenir d’un des pixels, ce qui veut dire que l’on ne peut pas « projeter » l’image trop loin de l’écran.
Qu’est-ce qui distingue votre technologie 3D de celle employée par Nintendo avec sa console portable 3DS ?
David Fattal : Notre technologie 3D est capable de projeter une centaine d’images, ou plus, ce qui permet de voir en 3D depuis n’importe quel point d’observation. Quand un utilisateur change son point d’observation, la perspective de l’image 3D change de manière automatique et pratiquement continue.
Cet affichage 3D fonctionne-t-il quelles que soient les conditions d’éclairage ? Quels sont les prérequis techniques minimaux concernant la taille, la résolution d’écran et la puissance de calcul pour un terminal mobile ?
David Fattal : Oui, la technologie fonctionne quelles que soient les conditions d’éclairage, si le système de rétroéclairage utilise des LED de puissance appropriée. Les pixels doivent faire moins de 250 μm pour une qualité d’image acceptable. La taille de l’écran peut varier selon l’application, de la montre intelligente au format tablette. La puissance de calcul requise est la même qu’un écran 2D, et dépend seulement du nombre total de pixels. Pour vous donner une idée, un écran 3D au format montre avec 64 angles de vue et une résolution d’image de 250 μm requiert environ un million de pixels et peut être contrôlée par les processeurs utilisés par les plateformes mobiles actuelles.

Vue agrandie (l’échelle de mesure est de 20 μm) des fameux « pixels directionnels », des dispositifs de diffraction gravés directement à la surface de l’écran en verre ou en plastique. Ce sont eux qui guident avec précision la lumière projetée par rétroéclairage, afin de produire une image en 3D visible sous divers angles. © HP, Nature
Quel est l’impact de votre technologie sur la consommation d’énergie d’un terminal mobile ? Quel serait son coût d’intégration ?
David Fattal : Bien que nous ne l’ayons pas démontré de manière expérimentale, notre technologie devrait permettre de réduire la consommation d’énergie en comparaison avec les écrans 2D LCD d’aujourd’hui, qui utilisent des filtres de couleur.
Nous estimons que la partie passive de l’écran (le système de réseaux de diffraction) pourrait être fabriquée pour moins d’un dollar grâce à un système de nanofabrication que nous utilisons aux HP Labs, nommé roll-to-roll imprint lithography.
Cette innovation a-t-elle fait l’objet d’un dépôt de brevet par HP ? Quand peut-on s’attendre à la voir arriver dans des smartphones et tablettes grand public ?
David Fattal : Plusieurs brevets ont été déposés. Je ne peux pas dévoiler les plans de commercialisation de cette technologie, mais je vais personnellement me battre pour la voir émerger pour le grand public aussi rapidement que possible. Stay tuned [restez à l’écoute, NDLR]...

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