A lire sur: http://www.lemagit.fr/actualites/2240207034/Ecoles-entreprises-linnovation-a-lordre-du-jour
Publié: 10 oct. 2013
« Parce que le monde bouge », pourrait être le slogan de
l'évolution actuelle des relations entre l'enseignement supérieur et les entreprises. Le secteur
IT, soumis au renouvellement et à l'obsolescence rapide des technologies et des savoirs &
savoir-faire, est particulièrement concerné. D'autant plus que la conjoncture y pousse. De fait, la
dégradation de l'emploi des jeunes diplômés signalée
par l'Apec n'épargne pas ceux issus des cursus IT, même si 82 % d'entre eux (promo 2012) ont
trouvé un point de chute dès la sortie des études (contre 86% de la promo 2011) et 74% sont en
poste un an plus tard. A comparer – toutefois – au taux d'emploi de 68% toutes disciplines
confondues.
La nécessité d'adapter les cursus à l'évolution des technologies
est sûrement pour quelque chose au taux d'insertion relativement préservé des informaticiens
débutants. Les efforts faits de part et d'autre – enseignants et entreprises – pour multiplier les
occasions de contact en amont de la recherche du premier emploi (accueil de stages, projets confiés
aux étudiants, alternance) ne datent pas d'aujourd'hui. Des efforts plus que jamais destinés à
contrer la méconnaissance des jeunes (et de leur famille) de la réalité des débouchés. Quitte à
miser, pour cela, sur l'innovation multiforme (modalités d'apprentissage, partenariats, etc). Sans
pour autant aller jusqu'à « bousculer tous les codes » comme le fait notamment l'école 42
de Xavier Niel, avec d'autres motivations.
Travail collaboratif et projet certifié Iso 9001
Quelques exemples ? A l'Isen (Institut supérieur de
l'électronique et du numérique) de Brest, la pédagogie par projets s'est traduite pour une
quinzaine d'étudiants de seconde année du cycle informatique et réseaux par la co-écriture d'un
livre sur le langage Python. Non pas pour se perfectionner eux-mêmes à la programmation Python,
mais, du point de vue du professeur François Kany qui a encadré ce projet, « pour contourner
leur désintérêt pour les cours », et les plonger du même coup dans une modalité de travail
collaboratif, avec un livrable concret au final. Plus largement, pour les trois établissements de
l'Isen (Lille, Brest, Toulon), la diversification de l'organisation des études et des contacts avec
les débouchés est la règle. Depuis l'admission dans le cursus ingénieur (30% non issus de classes
prépa, un taux doublé en 3 ans), jusqu'à l'insertion d'élèves de 2ème année du cycle ingénieur (un
an avant le diplôme) dans des projets de R&D confiés sous contrat par des entreprises. En
passant par l'intensification de la formule apprentissage, avec une vingtaine d'élèves-apprentis à
Brest, 23 élèves-apprentis à Toulon en 3ème année de cursus, le double pour la promo démarrant
cette année, organisée en partenariat avec les Instituts des techniques de l'ingénieur de
l'industrie (IT2I Bretagne et IT2I Paca). Sans aucun problème pour leur trouver des entreprises
d'accueil (« nous avons deux fois plus de demandes », avance David Brun, directeur du
développement du groupe Isen), la principale limitation étant celle du financement relevant
notamment de l'État.
Même constat à l'Insa Rouen, où dès la 4ème année d'études, les
élèves du cursus Architectures des systèmes d'information (ASI) et ceux du cursus Maîtrise des
risques industriels et environnementaux (MRIE) sont impliqués ensemble, par groupe de 6 à 8, dans
des projets à caractère transverse confiés par des industriels. La tournure pluri-disciplinaire des
projets amenant une équipe (ASI ou MRIE) à intervenir en sous-traitance de l'autre, avec un donneur
d'ordre industriel, des livrables à respecter et une initiation de fait à la dimension
contractuelle, de plus en plus prégnante dans l'univers de l'ingénieur (en informatique notamment,
avec le Cloud Computing). Le tout dans un contexte de certification Iso 9001 : « Une
compétence de plus en plus appréciée des entreprises », souligne Michel Mainguenaud, directeur
de l'unité pédagogie par projets de l'Insa Rouen, «et le référentiel de certification a été
construite par les élèves eux-mêmes ». Là encore, pour fournir des sujets à quelque 80
étudiants (une cinquantaine en ASI, une trentaine MRIE), l'intérêt et l'implication des industriels
ne font nullement défaut.
R&D mondialisée
A l'Insa de Lyon, le cap est mis de longue date sur la
sensibilisation des étudiants – et des partenaires industriels – à la dimension internationale du
métier d'ingénieur. Concrétisation cette année, pour le département télécom, services & usages,
avec le parrainage de la seizième promotion assuré par l'équipementier Huawei. Non pas que les
parrains des promos précédentes (EADS, Orange, Spie Communications, Bouygues Telecom, etc) n'aient
pas une activité internationale. Mais cette fois, l'ancrage des projets R&D ouverts à la
participation des élèves-ingénieurs avec ce parrainage se trouve aussi bien dans la région
lyonnaise où est implanté l'équipementier chinois, qu'à Shenzen, son quartier général. Ou encore à
Shanghai où les écoles lyonnaises (Insa et EM Lyon) ont elles aussi pris leurs quartiers depuis
2007. L'objectif affiché par l'Insa étant « de préparer une génération d'ingénieurs prêts à
appréhender le marché chinois dans ses composantes technologiques, environnementales et
culturelles ». Moyennant cinq semaines de cours et les projets de fin d'études réalisés en
Chine (notamment sur des sujets relevant de l'Internet des objets) pour une quinzaine d'étudiants.
L'autre actu de la rentrée 2013 à l'Insa est l'ouverture du cursus télécom aux apprentis issus de
cursus bac+2 : « une quinzaine, alors qu'on avait une quarantaine d'offres d'accueil de
la part d'entreprises », indique Hugues Benoît-Cattin, directeur du département télécom.
« Pas sûr que l'on puisse aller plus loin dans l'ouverture à
l'apprentissage », relève pour sa part Christian Lerminiaux, directeur de l'Université de
technologie (UT) de Troyes et président de la CDEFI (conférence des directeurs des écoles
françaises d'ingénieurs). Là encore, pour des raisons de coût. Comme la plupart des écoles
d'ingénieurs (à Nantes, la
rentrée a sonné pour les apprentis de l'école des Mines), les 3 UT (Compiègne, Troyes,
Belfort-Montbéliard) ont pris leur part dans l'essor des cursus en alternance (15% du flux annuel
des ingénieurs diplômés pour l'ensemble des écoles françaises). Une part qui a contribué au
quasi-doublement de ce flux toutes modalités confondues (de 18 000 ingénieurs en 2000 à 31 000
aujourd'hui).
Trois ingénieurs pour un technicien
L'autre question
majeure à laquelle se confrontent les établissements, selon le directeur de l'UT, est une relative
désaffection à l'entrée, liée à la méconnaissance des jeunes – et de leurs parents – des
débouchés-métiers. «L'aéronautique, par exemple, rime, pour eux, avec la construction d'avions,
alors que la spécialité sûreté de fonctionnement, où le besoin de renfort est considérable, ne les
fait pas rêver », observe-t-il. Et d'ajouter : « Les Français sont encore loin de
comprendre que là où auparavant l'on comptait un ingénieur pour trois ou quatre techniciens
travaillant sur les projets, la proportion est maintenant inversée avec trois ingénieurs se
partageant un technicien, y compris en informatique ». D'où la justification de campagne de
communication. « Autour de la professionnalisation des études qui, heureusement, n'est plus un
gros mot nulle part », insiste Christian Lerminiaux. Mais aussi, plus précisément, autour des
compétences à développer durant les études, parce que nécessaires pour faciliter « l’insertion des
jeunes diplômés dans un environnement socio-économique d’apprentissage permanent ». Propos de
l'association
Pascalineau sujet de l'approche par les compétences à laquelle se sont
attelées les écoles et syndicats professionnels membres pour le secteur
IT.
Lier
innovation et recrutement
Il arrive aussi que le constat de la difficulté à recruter suscite du
côté des entreprises des prises de position innovantes pour faire bouger les lignes. Comme ce fut
le cas, fin 2012, chez Eurogiciel, société de services et d'ingénierie (un millier de salariés)
avec le lancement d'une pouponnière de projets. « Tout est parti du constat qu'en dépit d'une
politique volontariste d'accueil de stages, nous avions du mal à garder les stagiaires qui,
souvent, préféraient tenter leur chance auprès de plus grands groupes », raconte Jean-Frédéric
Real, directeur marketing et innovation d'Eurogiciel. Avec le slogan « ne cherchez plus votre
stage, créez le », l'idée véhiculée notamment sur les réseaux sociaux était de sortir du cadre
habituel du responsable d'unité opérationnelle qui émet un sujet de stage pour, au contraire,
mettre en exergue la créativité et l'innovation au cœur de la relation avec l'étudiant. Non sans se
heurter au conformisme. Après 90 000 contacts directs et indirects suscités par cette campagne
lancée en décembre dernier, contacts le plus souvent assortis d'un envoi de CV, au premier semestre
2013, n'ont pu être retenus que trois projets réellement innovants (10% des stagiaires accueillis)
et en lien avec les métiers d'Eurogiciel (ingénierie système et logiciel,
management de projet, management de la qualité). Ce qui, loin de couper l'élan de cette initiative
atypique repérée par certaines écoles, encourage à la poursuivre, « en la cadrant mieux en
partenariat avec les écoles concernées », résume Jean-Frédéric
Real.
Les débuts du contrat de
génération
Autre actualité de
cette rentrée susceptible de secouer le cocotier des relations écoles-entreprises, l'entrée en
vigueur du contrat de génération, réputé – à
raison ou à tort comme le remarque le Munci – peu adapté au cas du secteur IT. Quoiqu'il en
soit, l'obligation (de négociation dans un premier temps, avant le 30 septembre) pour les
entreprises de plus de 300 salariés commence à prendre effet. Pour Capgemini, la communication
autour de l'accord signé avec les syndicats met en exergue l'articulation du contrat de génération
avec l'engagement pris à accueillir 1 000 stagiaires et alternants par an avec, pour objectif, de
transformer l'essai pour au moins 70% d'entre eux avec une embauche en CDI. « Un engagement
d'ores et déjà tenu et réalisé », remarque Géraldine Plenier, directrice RSE de Capgemini
France, figurant d'ores et déjà dans
le rapport RSE (impact social et environnemental) du groupe (avec 531 contrats de
professionnalisation et 1 088 stagiaires au compteur en 2012). Pour les autres volets du contrat de
génération – pour la transmission des savoirs et surtout pour le maintien de l'emploi des seniors
–, l'histoire ne fait que commencer. Bien au delà, il est vrai, de l'entretien des relations avec
l'enseignement supérieur (plus de 90 écoles et universités partenaires pour Capgemini) et de
l'organisation du tutorat des jeunes en alternance qui ne correspond pas forcément au schéma « un
jeune, un sénior » du contrat. A suivre.
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