A lire sur: http://www.usine-digitale.fr/article/le-marche-du-livre-electronique-se-structure.N210261#xtor=EPR-4
Par Nora Poggi - Publié le
L'essor du livre numérique est indéniable. Editeurs comme chaînes de
distribution tentent de grappiller une part d'un marché largement dominé
par Amazon. L'arrivée de nouveaux entrants pourrait toutefois changer
la donne. En Europe, le marché est en cours de structuration et en passe
de rattraper son retard sur les Etats-Unis.
La réputée Foire du livre de Francfort,
qui a rassemblé du 9 au 13 octobre plus de 200 000 professionnels du
marché du livre, a permis de dresser le bilan du marché européen et des
grandes tendances qui se dessinent depuis l'arrivée des livres
électroniques et la concurrence des sites comme Amazon. Selon une étude
Gartner de 2012, les e-books devraient globalement générer jusqu'à 16
milliards de dollars en 2016. En France, le géant de la distribution Carrefour vient d'annoncer qu'il se lançait dans la bataille en produisant sa propre liseuse,
assortie d'une nouvelle librairie électronique. Un moyen de rattraper
son retard dans une industrie culturelle qui se digitalise à toute
vitesse.
Les Etats-Unis ont adopté le livre électronique, l'Europe est à la traîne
Le marché du livre numérique aux Etats-Unis devrait dépasser les 5 milliards de dollars en 2016, selon l'analyste Michael Wolf. D'après un récent rapport du chercheur Rüdiger Wischenbart, les livres électroniques comptent désormais pour 20% du marché du livre aux Etats-Unis, et sont devenus petit à petit chose courante. Amazon en est l'un des principaux bénéficiaires, à la suite d'un jugement rendu contre Apple en juillet 2013, qui avait été accusé de pratiques anticoncurrentielles. Plus de la moitié des livres vendus sur le continent américain devraient être achetés en ligne l'an prochain, selon Russ Grandinetti, le vice président du contenu Kindle chez Amazon. L'Angleterre talonne les Etats-Unis, et le reste de l'Europe suivra bientôt, selon lui. Toutefois, la transition numérique sur le Vieux continent reste très variable.
Si l'Angleterre et les pays scandinaves s'en sortent bien, le rapport Rüdiger révèle que la France et l'Italie sont à la traîne tandis que l'Espagne et l'Allemagne semblent déjà avoir amorcé un tournant.
En France, malgré un marché du livre très puissant comparé aux autres produits culturels, la part des livres numériques ne représente que 2,1 % du chiffre d'affaires des éditeurs. Pourtant, on compte 25,3 millions de terminaux de lecture, dont 500 000 liseuses et 4,5 millions de tablettes dans l'Hexagone. Mais le livre électronique est toujours considéré comme un bien trop cher. Le taux de TVA réduit à 5,5 % sur les livres électroniques depuis janvier 2013, aligné sur celui des livres physiques, était censé permettre un décollage de la consommation. D'après plusieurs analyses, il n'en serait rien, les éditeurs n'ayant dans leur ensemble pas répercuté la baisse de TVA sur les prix. Affaire à suivre donc.
Le phénomène révèle toutefois que la différence majeure entre le marché américain et européen se situe dans la différence de système fiscal et de taxes.
Les nouveaux modèles qui pourraient changer la donne
Au final, le nerf de la guerre serait une stratégie de prix gagnante pour les éditeurs qui font face au géant Amazon. Ils ont encore dans l'ensemble l'avantage d'un monopole sur les droits des ouvrages. Mais bientôt les auteurs pourraient choisir de négocier directement avec Amazon, et les éditeurs ne sont pas à l'abri d'un brusque changement des règles du jeu. En France, la règle qui impose un non cumul de la réduction de la TVA avec la gratuité des frais de port, était une tentative à peine masquée de freiner Amazon.
Aux Etats-Unis, Amazon, le géant de la distribution culturelle Barnes and Nobles, et Apple, se livrent une guerre sans merci. Les analystes estiment qu'Apple détient aux alentours de 10% du marché des e-books, contre 50 à 60 % pour Amazon et 25% pour Barnes and Nobles et sa tablette Nook. Apple a toutefois affirmé détenir 20% du marché en juin. Deux autres compétiteurs peaufinent leur stratégie : Google avec sa tablette Nexus, assortie de son kiosque Google Play, et la plateforme qui monte, surtout à l'étranger : Kobo. Le producteur de liseuses canadien racheté par le conglomérat japonais Rakuten en 2012 n'a pas fini de faire parler de lui en Europe. "Le meilleur atout de Kobo? Ce n'est pas Amazon", avait écrit le British Observer. Les éditeurs sont à la recherche de toute plateforme pouvant casser le monopole d'Amazon, et de nombreuses start-up l'ont bien compris.
En effet, le modèle d'abonnement type Netflix est en plein essor. Des start-up comme Scribd, Oyster, ou e-Reatah, se présentent comme le "Netflix ou Spotify" de la lecture. En France, la start-up Youboox, sur le même modèle, a levé 1,1 million d'euros en septembre. Toutes ces plateformes offrent un abonnement pour un service de livres électroniques à volonté. Le co-fondateur de Scribd explique l'enjeu : "Netlix vaut à peu près 18 milliards de dollars. Spotify environ 3 milliards. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas une opportunité semblable dans le secteur [des livres]."
Toutefois, il n'est pas dit que ce modèle puisse fonctionner. Selon des chiffres portant sur les 6 premiers mois de test du service Scribd, seulement 2% d'utilisateurs lisaient plus de 10 livres par mois. Au final, tous ces services sont en compétition avec les autres formes de divertissement, dans une bataille sans merci pour capter l'attention des consommateurs. Comme le résume Markus Dohle, le patron de Random House Penguin, géant de l'édition : "nous voulons que dans le futur, les consommateurs choisissent les livres, et pas Netflix".
Les Clients sous contrôle
La guerre entre tablettes et liseuses est déclarée. Si le marché des appareils électroniques dédiés à la lecture a explosé au départ, il ralentit maintenant à vue d'oeil. Ce qui n'a pas empêché Carrefour en France de lancer son propre modèle, le Nolimbook, pour équiper 230 de ses magasins. Une manière de concurrencer le monopole d'Amazon. Mais les nouveaux producteurs de liseuses ne luttent pas que contre le Kindle. Tous ont du souci à se faire avec le succès de l'iPad et des autres tablettes qui offrent des services web en supplément, et dont les prix tendent à baisser.
D'après un rapport du cabinet IDC en 2012, les liseuses sont en effet en passe de disparaître. Les commandes de liseuses aux Etats-Unis ont chuté de 28% en 2012. Le centre de recherche Pew Research Center estime que les gens n'ont pas cessé de lire, ils veulent juste des appareils multimédias plus sophistiqués que les liseuses, qui permettent également de surfer sur internet, de prendre des photos ou de jouer à des jeux. Selon Tom Mainelli, le directeur de recherche d'IDC sur les tablettes, "les liseuses vont devenir un produit de niche".
Ce n'est pas encore le cas en Europe, assure Michaël Dahan, co-fondateur de Bookeen, avec lequel Carrefour s'est associé pour le Nolimbook. Le marché des liseuses y connaîtrait une forte croissance, "avec des volumes en hausse de 50 % à 60 % par an", assure-t-il. Reste à voir pour combien de temps.
L'enjeu est de taille, car produire l'appareil, c'est avoir un pouvoir certain sur le consommateur. Selon Jürgen Boos, directeur de la foire du livre de Francfort, Amazon, Apple et autres "sont des machines à fidéliser la clientèle, qui dominent non seulement le commerce en ligne, mais également les supports de lecture. Ils ont ainsi les clients sous leur contrôle". Les géants du web affirment au contraire apporter innovation et choix aux consommateurs...
Nora Poggi
Les Etats-Unis ont adopté le livre électronique, l'Europe est à la traîne
Le marché du livre numérique aux Etats-Unis devrait dépasser les 5 milliards de dollars en 2016, selon l'analyste Michael Wolf. D'après un récent rapport du chercheur Rüdiger Wischenbart, les livres électroniques comptent désormais pour 20% du marché du livre aux Etats-Unis, et sont devenus petit à petit chose courante. Amazon en est l'un des principaux bénéficiaires, à la suite d'un jugement rendu contre Apple en juillet 2013, qui avait été accusé de pratiques anticoncurrentielles. Plus de la moitié des livres vendus sur le continent américain devraient être achetés en ligne l'an prochain, selon Russ Grandinetti, le vice président du contenu Kindle chez Amazon. L'Angleterre talonne les Etats-Unis, et le reste de l'Europe suivra bientôt, selon lui. Toutefois, la transition numérique sur le Vieux continent reste très variable.
Si l'Angleterre et les pays scandinaves s'en sortent bien, le rapport Rüdiger révèle que la France et l'Italie sont à la traîne tandis que l'Espagne et l'Allemagne semblent déjà avoir amorcé un tournant.
En France, malgré un marché du livre très puissant comparé aux autres produits culturels, la part des livres numériques ne représente que 2,1 % du chiffre d'affaires des éditeurs. Pourtant, on compte 25,3 millions de terminaux de lecture, dont 500 000 liseuses et 4,5 millions de tablettes dans l'Hexagone. Mais le livre électronique est toujours considéré comme un bien trop cher. Le taux de TVA réduit à 5,5 % sur les livres électroniques depuis janvier 2013, aligné sur celui des livres physiques, était censé permettre un décollage de la consommation. D'après plusieurs analyses, il n'en serait rien, les éditeurs n'ayant dans leur ensemble pas répercuté la baisse de TVA sur les prix. Affaire à suivre donc.
Le phénomène révèle toutefois que la différence majeure entre le marché américain et européen se situe dans la différence de système fiscal et de taxes.
Les nouveaux modèles qui pourraient changer la donne
Au final, le nerf de la guerre serait une stratégie de prix gagnante pour les éditeurs qui font face au géant Amazon. Ils ont encore dans l'ensemble l'avantage d'un monopole sur les droits des ouvrages. Mais bientôt les auteurs pourraient choisir de négocier directement avec Amazon, et les éditeurs ne sont pas à l'abri d'un brusque changement des règles du jeu. En France, la règle qui impose un non cumul de la réduction de la TVA avec la gratuité des frais de port, était une tentative à peine masquée de freiner Amazon.
Aux Etats-Unis, Amazon, le géant de la distribution culturelle Barnes and Nobles, et Apple, se livrent une guerre sans merci. Les analystes estiment qu'Apple détient aux alentours de 10% du marché des e-books, contre 50 à 60 % pour Amazon et 25% pour Barnes and Nobles et sa tablette Nook. Apple a toutefois affirmé détenir 20% du marché en juin. Deux autres compétiteurs peaufinent leur stratégie : Google avec sa tablette Nexus, assortie de son kiosque Google Play, et la plateforme qui monte, surtout à l'étranger : Kobo. Le producteur de liseuses canadien racheté par le conglomérat japonais Rakuten en 2012 n'a pas fini de faire parler de lui en Europe. "Le meilleur atout de Kobo? Ce n'est pas Amazon", avait écrit le British Observer. Les éditeurs sont à la recherche de toute plateforme pouvant casser le monopole d'Amazon, et de nombreuses start-up l'ont bien compris.
En effet, le modèle d'abonnement type Netflix est en plein essor. Des start-up comme Scribd, Oyster, ou e-Reatah, se présentent comme le "Netflix ou Spotify" de la lecture. En France, la start-up Youboox, sur le même modèle, a levé 1,1 million d'euros en septembre. Toutes ces plateformes offrent un abonnement pour un service de livres électroniques à volonté. Le co-fondateur de Scribd explique l'enjeu : "Netlix vaut à peu près 18 milliards de dollars. Spotify environ 3 milliards. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas une opportunité semblable dans le secteur [des livres]."
Toutefois, il n'est pas dit que ce modèle puisse fonctionner. Selon des chiffres portant sur les 6 premiers mois de test du service Scribd, seulement 2% d'utilisateurs lisaient plus de 10 livres par mois. Au final, tous ces services sont en compétition avec les autres formes de divertissement, dans une bataille sans merci pour capter l'attention des consommateurs. Comme le résume Markus Dohle, le patron de Random House Penguin, géant de l'édition : "nous voulons que dans le futur, les consommateurs choisissent les livres, et pas Netflix".
Les Clients sous contrôle
La guerre entre tablettes et liseuses est déclarée. Si le marché des appareils électroniques dédiés à la lecture a explosé au départ, il ralentit maintenant à vue d'oeil. Ce qui n'a pas empêché Carrefour en France de lancer son propre modèle, le Nolimbook, pour équiper 230 de ses magasins. Une manière de concurrencer le monopole d'Amazon. Mais les nouveaux producteurs de liseuses ne luttent pas que contre le Kindle. Tous ont du souci à se faire avec le succès de l'iPad et des autres tablettes qui offrent des services web en supplément, et dont les prix tendent à baisser.
D'après un rapport du cabinet IDC en 2012, les liseuses sont en effet en passe de disparaître. Les commandes de liseuses aux Etats-Unis ont chuté de 28% en 2012. Le centre de recherche Pew Research Center estime que les gens n'ont pas cessé de lire, ils veulent juste des appareils multimédias plus sophistiqués que les liseuses, qui permettent également de surfer sur internet, de prendre des photos ou de jouer à des jeux. Selon Tom Mainelli, le directeur de recherche d'IDC sur les tablettes, "les liseuses vont devenir un produit de niche".
Ce n'est pas encore le cas en Europe, assure Michaël Dahan, co-fondateur de Bookeen, avec lequel Carrefour s'est associé pour le Nolimbook. Le marché des liseuses y connaîtrait une forte croissance, "avec des volumes en hausse de 50 % à 60 % par an", assure-t-il. Reste à voir pour combien de temps.
L'enjeu est de taille, car produire l'appareil, c'est avoir un pouvoir certain sur le consommateur. Selon Jürgen Boos, directeur de la foire du livre de Francfort, Amazon, Apple et autres "sont des machines à fidéliser la clientèle, qui dominent non seulement le commerce en ligne, mais également les supports de lecture. Ils ont ainsi les clients sous leur contrôle". Les géants du web affirment au contraire apporter innovation et choix aux consommateurs...
Nora Poggi
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