jeudi 31 octobre 2013

Un nouveau supraconducteur découvert d'abord par ordinateur

A lire sur:  http://www.futura-sciences.com/magazines/matiere/infos/actu/d/physique-nouveau-supraconducteur-decouvert-abord-ordinateur-49615/#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20131022-[ACTU-Un-nouveau-supraconducteur-decouvert-d-abord-par-ordinateur]

On s'en doutait depuis quelques années, c’est maintenant prouvé : il est possible de concevoir de nouveaux supraconducteurs ab initio sur ordinateur. Une équipe de chercheurs vient de le montrer en synthétisant l'un de ceux conçus par les physiciens. Cependant, il ne s'agit encore que d'un supraconducteur conventionnel.

Un aimant en lévitation magnétique au-dessus d'un supraconducteur à haute température critique. C'est l'expulsion du champ magnétique du matériau supraconducteur (effet Meissner) qui est responsable de cet effet de lévitation. On est peut-être sur le point de concevoir de tels matériaux exotiques avec des ordinateurs. © Mai-Linh Doan, Wikimedia Commons, GNU 1.2
La supraconductivité a été découverte il y a plus de 100 ans, le 8 avril 1911. Elle a fasciné bien des physiciens, comme Vitaly Ginzburg et Pierre-Gilles de Gennes, et a donné lieu à l’attribution de plusieurs prix Nobel. Mais de nos jours, c’est très probablement le rêve d’obtenir des supraconducteurs à température ambiante (on soupçonne que c'est possible avec du graphite) qui motive bon nombre de recherche sur les matériaux supraconducteurs.
Cela déboucherait sur une révolution technologique majeure, et pas seulement parce que l’on pourrait transporter de l’électricité sans perte. Un train hypersonique pourrait alors relier Kiev et Pékin en une heure. Un tokamak comme Iter, qui nécessite des aimants supraconducteurs, pourrait sans doute aussi bénéficier de la découverte de matériaux supraconducteurs à température ambiante.

Du bore et du fer pour un supraconducteur

Malheureusement, depuis la découverte en 1986 des supraconducteurs à haute température critique qui avait suscité de nombreux espoirs, ce rêve ne s’est pas réalisé. Une des raisons en est que nous ne comprenons toujours pas vraiment ce qui se passe dans ces matériaux. De manière générale, toute connaissance plus fine de ce qui rend un composé supraconducteur peut aider les physiciens dans leur quête.
Le tokamak du CEA, Tore Supra utilise des aimants supraconducteurs refroidis à l'hélium liquide. Des matériaux supraconducteurs à température ambiante, s’ils étaient découverts un jour, pourraient sans doute faciliter la construction de réacteurs à fusion similaires.
Le tokamak du CEA, Tore Supra utilise des aimants supraconducteurs refroidis à l'hélium liquide. Des matériaux supraconducteurs à température ambiante, s’ils étaient découverts un jour, pourraient sans doute faciliter la construction de réacteurs à fusion similaires. © CEA
Voilà environ quatre ans, le physicien Aleksey Kolmogorov a écrit un programme baptisé Maise (ce qui signifie la beauté, la grâce, l'élégance en gaélique écossais), pour Module for Ab Initio Structure Evolution. Il permet de découvrir des structures cristallines stables dans des matériaux à base de bore. En 2010, il s’est rendu compte avec ses collègues qu’une certaine phase cristalline de tétraborure de fer (FeB4) devait non seulement être stable, mais surtout supraconductrice. Cerise sur le gâteau, il était même possible d’estimer la température critique en dessous de laquelle le phénomène de supraconductivité devait apparaître : environ 20 K. Les chercheurs n’étaient cependant pas les premiers à découvrir potentiellement un nouveau supraconducteur avec un ordinateur.

Supraconducteur superdur

Beaucoup de spécialistes du domaine étant sceptiques, Kolmogorov a entrepris de synthétiser le nouveau matériau. Pour cela, il a notamment fait équipe avec Natalia Dubrovinskaia et ses collègues de l’université de Bayreuth, en Allemagne. La chercheuse est célèbre pour avoir obtenu il y a quelques années un matériau à base de nitrure de bore presque aussi dur que le diamant. Les physiciens se sont alors lancés dans une série d’expériences faisant intervenir de hautes pressions de l’ordre de 8 GPa et des températures élevées. Au bout d’un an de travail, ils ont réussi à produire un petit échantillon de tétraborure de fer.
Le matériau obtenu était bien supraconducteur, mais à une température d’environ 3 K, et non 20 K comme attendu. Dans l'article qu'ils ont publié sur arxiv, les chercheurs expliquent cette différence par la présence de défauts dans le cristal de FeB4. Enfin, le tétraborure de fer s’est révélé avoir une dureté exceptionnelle, ce qui n’avait pas été prévu.
« La découverte de ce supraconducteur superdur démontre que de nouveaux composés peuvent être créés en revisitant des matériaux apparemment bien étudiés, se réjouit Kolmogorov. Maintenant que ce matériau a été synthétisé, il est peut-être possible de le modifier pour augmenter la température à laquelle il devient un supraconducteur. »

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