A lire sur: http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/medecine/d/une-micropuce-qui-tombe-malade-comme-les-hommes-pour-mieux-les-guerir_42516/#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20121113-[ACTU-une_micropuce_qui_tombe_malade_comme_les_hommes_pour_mieux_les_guerir]
Par Janlou Chaput, Futura-Sciences
Elle ne tousse pas, pourtant elle peut
être victime d’un œdème pulmonaire. Une micropuce développée par des
chercheurs américains a été conçue dans l’objectif d’imiter au mieux le poumon humain afin de tester l’efficacité de médicaments. Et de remplacer les souris de laboratoire et les boîtes de Petri…
Des traitements
prometteurs, il en existe en nombre. Les animaux de laboratoire
guérissent de diverses maladies, les cellules humaines cultivées
réagissent bien à de nombreux médicaments… Pourtant, lorsque des essais cliniques
sont menés, la plupart du temps ils n’aboutissent pas, faute
d’efficacité sur des patients humains. Cette situation décourage les
nombreuses firmes pharmaceutiques qui ont investit beaucoup de temps et
d’argent dans des projets qui ne voient jamais le jour.
Les scientifiques cherchent donc de nouveaux modèles, plus précis et éthiques. Le National Institute of Health (NIH) américain a décidé de soutenir des technologies nouvelles qui consistent à fabriquer des organes de synthèse à partir de micropuces.
Dans son budget, il prévoit d’allouer 70 millions de dollars (55
millions d’euros) sur 5 ans à différents laboratoires travaillant sur ce
projet, dont 37 millions pour le seul Wyss Institute de la célèbre Harvard University.
Un financement qui semble porter ses fruits, puisque
deux ans après avoir initié une telle besogne, les chercheurs de cet
institut viennent d’obtenir leurs premiers résultats probants, comme ils
le démontrent dans la revue Science Translational Medicine. Caractéristique des progrès en matière de « microfluidique
», leur micropuce a pu être victime d’un œdème pulmonaire de la même
façon qu’un être humain. Expérience qui a en plus apporté du nouveau sur
l’apparition de ce trouble…
Un poumon artificiel de plastique et de cellules
Dans cette puce en polymères
plastiques, pas de circuit imprimé, mais deux étroits canaux séparés
par une membrane fine, flexible et poreuse, de façon à obtenir deux
compartiments. Dans l’un d’eux circule de l’air, comme cela se produit dans un poumon.
Il est délimité par des cellules pulmonaires positionnées sur la face
interne de la membrane. De l’autre côté circule un fluide semblable au sang, avec des cellules de vaisseaux sanguins accolés à la membrane, de façon à imiter au mieux la surface d’échange d’un poumon.
De part et d’autre, comme le montre le schéma
ci-dessous, des espaces vides dans lequel les scientifiques créent des
appels d’air de manière à imiter les mouvements dus à la respiration.
Ce schéma représente la structure de la micropuce. Le compartiment du haut, mimant le sac pulmonaire connaît un flux d'air (air flow). Il est délimité par des cellules pulmonaires (lung cells). En dessous, le compartiment sanguin (blood flow) et ses cellules de capillaires (capillary cells). À droite et à gauche, des poches dans lesquelles les scientifiques peuvent faire le vide (vacuum)
de manière à étirer en largeur la structure. À ce stade, on peut voir
que le compartiment pulmonaire est bien rempli d'eau, l'air n'ayant plus
beaucoup de place pour se faufiler : c'est un œdème pulmonaire. © Wyss Institute, Harvard University
L’objectif avoué était de recréer l’équivalent d’un œdème pulmonaire, une situation pathologique dans laquelle une partie du sang se déverse dans les poumons, limitant donc la respiration et pouvant se révéler mortelle.
Une micropuce qui nous en apprend plus sur l’œdème pulmonaire
Pour produire un tel effet, les auteurs ont eu recours à un composé naturel du corps également utilisé dans certaines chimiothérapies anticancéreuses : l’interleukine-2 (IL-2). Parmi les effets secondaires
qu’elle entraîne, se trouvent des œdèmes au niveau pulmonaire
justement. En guise de test, les doses normalement distribuées aux
patients ont été injectées dans le système circulatoire de la puce, à
des intervalles de temps respectant parfaitement le traitement habituel.
Comme observé chez l’Homme, l’IL-2 a induit une entrée du liquide dans le compartiment mimant le sac pulmonaire. Certaines protéines sanguines se sont même agglomérées pour former un caillot, de la même façon que cela se produit dans la situation pathologique. Les scientifiques ont donc recréé un œdème pulmonaire.
Fait intéressant : ils ont montré que l’appel d’air
mimant la respiration multipliait par trois le déversement du fluide
vers le poumon. Personne n’avait jamais suspecté le rôle des mouvements
mécaniques respiratoires dans l’amplification de l’œdème. Or après
vérification in vivo, les mêmes processus se produisent également chez l’animal.
Des cobayes du futur ?
Dans les prochaines années, les scientifiques espèrent imposer ces dispositifs dans les protocoles de validation des médicaments, en remplacement des cultures cellulaires et des animaux de laboratoire. Ils pourraient même être utilisés dans d’autres tests, que ce soit dans l’évaluation de produits cosmétiques, de polluants, d’aliments, ou bien encore pour mieux comprendre certaines maladies.
Avant de se projeter aussi loin dans le futur, l’équipe du Wyss Institute
a pris contact avec les agences sanitaires pour déterminer ensemble
quels critères devront remplir ces micropuces avant de prétendre
s’imposer sur le marché. Ce processus de validation demandera
nécessairement du temps.
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