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Business - Firefox OS peut-il venir déranger Android et iOS ? La Social API de Firefox, sortie mardi prochain, va-t-elle convenir aux utilisateurs du navigateur ? Beaucoup de questions à poser à Tristan Nitot, et beaucoup d'enjeux pour Mozilla.
Mozilla vient d'annoncer plusieurs fonctionnalités pour les développeurs sur Webmaker, prévoit Firefox OS pour le début de l'année 2013, et la 17ème version de son navigateur Firefox pour mardi prochain. Avec cette dernière, on devrait voir apparaître l'intégration de la messagerie instantanée de Facebook dans le navigateur via la Social API.
L'occasion pour nous de revenir avec Tristan Nitot, porte-parole de Mozilla pour l'Europe, sur la stratégie de Mozilla sur ces deux volets primordiaux que sont le social et la mobilité.
ZDNet.fr - Pourquoi avoir choisi de lancer la Social API de Firefox par l'intégration de Facebook Messenger ?
Tristan Nitot (Mozilla) - Il nous fallait une idée pour prototyper la chose. On est en train d'inventer quelque chose de nouveau, qui est l'intégration sociale au sein du navigateur. Il nous fallait ce qu'on appelle un "use case". En l'occurrence, c'est un use case très courant puisque nous avons beaucoup d'utilisateurs en commun avec Facebook, donc c'était une belle occasion de se dire que pour un utilisateur de Firefox qui est aussi utilisateur de Facebook, on peut apporter quelque chose de novateur. On peut aller plus loin.
C'est sur l'aspect Messenger que c'est devenu le plus intéressant, car cela signifiait avoir la possibilité de faire de la messagerie dans le navigateur tout en étant sur d'autres pages que Facebook. C'est un sous-ensemble de Facebook disponible tout le temps.
L'idée, c'est qu'il fallait un premier partenaire pour travailler ensemble sur cet use case. Facebook est un énorme site sur ces aspects sociaux, c'était le partenaire idéal car il était prêt à travailler avec nous pour mettre des API à disposition de son côté, travailler sur l'utilisabilité, être réactif et avoir la volonté de participer à l'expérience. Dans un premier temps, nous avons donc intégré Facebook. Ensuite, nous voulons étendre l'idée à d'autres réseaux sociaux.
Est-ce que cela signifie qu'on peut imaginer un développement descendant : Facebook d'abord, un gros réseau social comme Twitter ensuite, et ainsi de suite avec des réseaux plus petits... Quitte à laisser les plus petits, comme Diaspora par exemple, se débrouiller seuls ?
Notre idée, comme je le disais, c'était de prendre un cas concret, Facebook Messenger, et de le résoudre avec des API génériques, qui vont fonctionner pour résoudre ce problème, mais qui seront utilisables par d'autres réseaux sociaux. Après, la balle est dans le camp des autres réseaux sociaux pour qu'ils puissent adapter et offrir des points d'ancrage.
Cela ne dépend pas que de nous, on veut faire une API générique et après on espère que d'autres réseaux sociaux l'utiliseront. Il n'y a pas d'aide à d'autres partenaires qui sera proposée à ma connaissance. Pour l'instant, nous ne lançons le prototype qu'avec Facebook.
A l'inverse, il n'y a pas d'aspect financier dans ce partenariat. Nous n'avons pas mis la monétisation du développement de services basés sur l'API sociale à l'ordre du jour. Mozilla est une organisation à but non lucratif, ce qui est important pour notre pérennité financière, mais nos résultats présentés hier sont bons. Nous ne sommes donc pas à l'affut de toutes les sources de revenus.
Vous parlez d'expérience inédite, mais d'autres navigateurs comme RockMelt ou Flock ont essayé de se lancer sur le créneau et s'y sont cassé les dents. Est-ce que vous ne craignez pas un scénario identique avec cette API sociale ?
Non (rires). Nous avons une approche très différente. Nous, nous avons un navigateur généraliste qui veut apporter une fonctionnalité sociale. Nous n'essayons pas de mettre du social à tous les étages.
La difficulté de ces navigateurs sociaux, c'est une abondance de fonctionnalités sociales qui rendent l'utilisation un peu confuse. Leur méthode pour contrer la complexité, c'était de passer par une abondance de pop-ups, d'astuces, de wizards... C'était vraiment gênant dans l'utilisation.
Je ne sais plus où j'ai lu cela, mais je me souviens de quelqu'un qui disait à propos de l'un de ces navigateurs que ça lui faisait penser à un enfant de quatre ans qui dit tout le temps 'Hé papa ! Papa ! Regarde, je sais faire ça aussi !' Il n'y avait pas d'expérience fluide à cause de cette surabondance de fonctionnalités sociales.
Là, nous sommes dans une approche beaucoup plus simple : une messagerie sur le côté dans le cadre d'une navigation classique.
L'intégration de Facebook ramène immanquablement aux questions de vie privée. Est-ce que vous ne craignez pas de détourner une certaine base de vos utilisateurs, ces "hardcore users" très prudents avec leur vie privée ?
Effectivement, c'est un sujet très important pour Mozilla. La façon dont c'est conçu, en termes de vie privée, c'est exactement comme si vous aviez un onglet ouvert sur Facebook. Ni plus, ni moins. Cela n'ajoute rien en termes de traçabilité, ça ne retire rien. Vous êtes juste connecté à Facebook en permanence.
Ces "hardcore users" ne sont de toute façon pas sur Facebook et je pense que c'est assez cohérent avec leur approche. La Social API ne va pas changer la donne pour eux. Si vous utilisez Facebook, vous acceptez d'être un utilisateur Facebook, avec tout ce que ça implique en termes de vie privée.
Ensuite, c'est toujours plus de choix qu'on offre. On n'est pas obligé de l'utiliser, puisque ce n'est proposé que lorsqu'on va sur le réseau social.
L'autre gros sujet chez Mozilla en ce moment, c'est la mobilité. Est-ce que la Social API va être intégrée à Firefox Mobile ?
Nous n'avons pas prévu d'intégrer la Social API sur Firefox pour Android. C'est trop compliqué en termes d'interface utilisateur.
Et sur Firefox OS, est-ce qu'on peut s'attendre à une démarche vers plus de social ?
Sur la Social API en elle-même, je n'en sais rien. Mais la démarche de Firefox OS, c'est de créer de nouvelles API pour donner de nouvelles fonctionnalités, de façon à ce que le web puisse fonctionner vraiment bien sur une plateforme mobile. Quand on y pense, il y a des tas de choses que le web ne sait pas faire en tant que plateforme applicative.
Il y a deux ans, nous avons ajouté la géolocalisation à HTML5, avec la possibilité d'accéder au capteur GPS du téléphone. C'était une première. Depuis, nous n'avons cessé d'ajouter des fonctionnalités pour pouvoir accéder, avec HTML5, à tous les périphériques qui sont dans le téléphone. L'accéléromètre, l'appareil photo, la caméra... Ce n'était pas disponible dans des pages web sur l'ordinateur de bureau.
Nous avons vraiment stimulé la plateforme web pour qu'elle devienne une plateforme mobile crédible. Pour aller plus loin avec Firefox OS.
Restons sur Firefox OS. Si on ne considère que les systèmes iOS et Android, il y a déjà une base installée très forte. Y compris chez les fabricants, avec la gratuité d'Android. Comment Mozilla peut-il se positionner face à cette concurrence ?
Effectivement, Mozilla est un habitué de défis qu'on peut parfois considérer comme délirants. Quand en 2003 on a monté une organisation à but non lucratif pour créer un navigateur censé venir défier les 97 ou 98% de parts de marché de Microsoft sans modèle économique, certains ont pu nous prendre pour des dingues. Néanmoins, nous l'avons fait. Et nous avons ouvert le marché des navigateurs.
Recommencer sur la téléphonie mobile avec un système d'exploitation peut paraître délirant parce qu'Apple est très bien établi, Google fonctionne fort, et même Microsoft a du mal à s'accrocher. Donc cela paraît sain de se dire que Mozilla s'attaque à un gros morceau.
Mais on a pour nous quelque chose de formidable, c'est qu'on va faire levier sur le web. Sur cette plateforme qu'est le web, qui a énormément d'utilisateurs, qui a fait ses preuves et qui n'appartient à personne. Cela, c'est quelque chose d'essentiel pour les développeurs et les utilisateurs.
Pour l'instant, on en est encore au début du smartphone, et il y a quelque chose que les utilisateurs n'ont pas bien compris, mais qu'ils sont en train d'apprendre. Quand ils veulent quitter l'iPhone pour un smartphone Android, ils doivent racheter toutes leurs applications. C'est un vrai coût de changement. Et c'est la leçon qu'ils sont en train d'apprendre.
Mozilla a mené depuis plusieurs semaines une grosse opération de séduction en faveur des développeurs pour Firefox OS. On peut en déduire que la réussite doit aussi passer par eux ?
C'est la même chose pour les développeurs. Ils sont obligés de passer par les fourches caudines des app stores respectifs et ça, c'est extrêmement déplaisant parce qu'il arrive qu'on retrouve une application plus distribuée parce que plus acceptée par l'app store. En plus, les applications actuelles signifient une version iOS, une version Android, et une version Windows Phone 8.
Cela donne des coûts de développement et de maintenance délirants. Or rien n'empêche de faire une plateforme universelle comme le web à base de HTML5. On l'a déjà vu à plusieurs reprises dans l'histoire de l'informatique : à la fin des années 70, début des années 80, on avait des réseaux propriétaires comme Compuserve, AOL, avec des clients propriétaires.
Quand on voulait envoyer un email à un ami qui n'était pas sur le même réseau, c'était impossible. Le web est arrivé, et au départ, c'était beaucoup moins bien que les réseaux propriétaires. Cela ne faisait pas un dixième de ce qu'ils faisaient, mais il s'est imposé car l'ouverture a permis à toute une population de s'emparer du web et de créer quelque chose qui est devenu beaucoup mieux que les plateformes propriétaires.
Etablir une plateforme fermée et propriétaire, ça peut être intéressant pour établir un marché. Une plateforme fermée n'est pas un relais d'innovation. C'est ça notre pari avec Firefox OS : une plateforme ouverte est un relais d'innovation.
Est-ce qu'on peut espérer des smartphones Firefox OS en France au début de l'année 2013 ?
Au début 2013, certainement pas. On est dans un système différent de ce qu'on a connu sur le web. Les gens ont tous un navigateur pour aller sur le web, et qui leur permet éventuellement de télécharger un meilleur navigateur. On peut avoir une relation directe avec eux.
C'était notre modèle avec Firefox, mais là, on doit passer par un objet physique, dans des boutiques, avec des abonnements, qui nécessite des agréments des autorités nationales. C'est une logistique sans commune mesure avec la distribution d'un logiciel sur le web. Les cycles sont plus longs et plus complexes.
Notre stratégie, c'est de nous concentrer sur le marché brésilien avec notre partenaire Telefonica dans un premier temps. C'est notre premier marché, dès le premier semestre 2013. C'est déjà un objectif audacieux.
Il y a quand même un engouement sur le web, avec des ROMs pour smartphones Android, des tutoriels pour bidouiller un Galaxy S2 par exemple. On ne peut pas imaginer en parallèle un logiciel à télécharger et à installer grâce à un tutoriel ?
Pourquoi pas aider au téléchargement et à l'installation. C'est une chose à laquelle on pense mais on n'a pas annoncé de plan à ce sujet. Mais le code est libre et disponible au téléchargement. Cela dit, notre énergie n'est pas là-dessus, mais sur le partenariat avec Telefonica.
Business - Firefox OS peut-il venir déranger Android et iOS ? La Social API de Firefox, sortie mardi prochain, va-t-elle convenir aux utilisateurs du navigateur ? Beaucoup de questions à poser à Tristan Nitot, et beaucoup d'enjeux pour Mozilla.
Mozilla vient d'annoncer plusieurs fonctionnalités pour les développeurs sur Webmaker, prévoit Firefox OS pour le début de l'année 2013, et la 17ème version de son navigateur Firefox pour mardi prochain. Avec cette dernière, on devrait voir apparaître l'intégration de la messagerie instantanée de Facebook dans le navigateur via la Social API.
L'occasion pour nous de revenir avec Tristan Nitot, porte-parole de Mozilla pour l'Europe, sur la stratégie de Mozilla sur ces deux volets primordiaux que sont le social et la mobilité.
ZDNet.fr - Pourquoi avoir choisi de lancer la Social API de Firefox par l'intégration de Facebook Messenger ?
Tristan Nitot (Mozilla) - Il nous fallait une idée pour prototyper la chose. On est en train d'inventer quelque chose de nouveau, qui est l'intégration sociale au sein du navigateur. Il nous fallait ce qu'on appelle un "use case". En l'occurrence, c'est un use case très courant puisque nous avons beaucoup d'utilisateurs en commun avec Facebook, donc c'était une belle occasion de se dire que pour un utilisateur de Firefox qui est aussi utilisateur de Facebook, on peut apporter quelque chose de novateur. On peut aller plus loin.
C'est sur l'aspect Messenger que c'est devenu le plus intéressant, car cela signifiait avoir la possibilité de faire de la messagerie dans le navigateur tout en étant sur d'autres pages que Facebook. C'est un sous-ensemble de Facebook disponible tout le temps.
L'idée, c'est qu'il fallait un premier partenaire pour travailler ensemble sur cet use case. Facebook est un énorme site sur ces aspects sociaux, c'était le partenaire idéal car il était prêt à travailler avec nous pour mettre des API à disposition de son côté, travailler sur l'utilisabilité, être réactif et avoir la volonté de participer à l'expérience. Dans un premier temps, nous avons donc intégré Facebook. Ensuite, nous voulons étendre l'idée à d'autres réseaux sociaux.
Est-ce que cela signifie qu'on peut imaginer un développement descendant : Facebook d'abord, un gros réseau social comme Twitter ensuite, et ainsi de suite avec des réseaux plus petits... Quitte à laisser les plus petits, comme Diaspora par exemple, se débrouiller seuls ?
Notre idée, comme je le disais, c'était de prendre un cas concret, Facebook Messenger, et de le résoudre avec des API génériques, qui vont fonctionner pour résoudre ce problème, mais qui seront utilisables par d'autres réseaux sociaux. Après, la balle est dans le camp des autres réseaux sociaux pour qu'ils puissent adapter et offrir des points d'ancrage.
Cela ne dépend pas que de nous, on veut faire une API générique et après on espère que d'autres réseaux sociaux l'utiliseront. Il n'y a pas d'aide à d'autres partenaires qui sera proposée à ma connaissance. Pour l'instant, nous ne lançons le prototype qu'avec Facebook.
A l'inverse, il n'y a pas d'aspect financier dans ce partenariat. Nous n'avons pas mis la monétisation du développement de services basés sur l'API sociale à l'ordre du jour. Mozilla est une organisation à but non lucratif, ce qui est important pour notre pérennité financière, mais nos résultats présentés hier sont bons. Nous ne sommes donc pas à l'affut de toutes les sources de revenus.
Vous parlez d'expérience inédite, mais d'autres navigateurs comme RockMelt ou Flock ont essayé de se lancer sur le créneau et s'y sont cassé les dents. Est-ce que vous ne craignez pas un scénario identique avec cette API sociale ?
Non (rires). Nous avons une approche très différente. Nous, nous avons un navigateur généraliste qui veut apporter une fonctionnalité sociale. Nous n'essayons pas de mettre du social à tous les étages.
La difficulté de ces navigateurs sociaux, c'est une abondance de fonctionnalités sociales qui rendent l'utilisation un peu confuse. Leur méthode pour contrer la complexité, c'était de passer par une abondance de pop-ups, d'astuces, de wizards... C'était vraiment gênant dans l'utilisation.
Je ne sais plus où j'ai lu cela, mais je me souviens de quelqu'un qui disait à propos de l'un de ces navigateurs que ça lui faisait penser à un enfant de quatre ans qui dit tout le temps 'Hé papa ! Papa ! Regarde, je sais faire ça aussi !' Il n'y avait pas d'expérience fluide à cause de cette surabondance de fonctionnalités sociales.
Là, nous sommes dans une approche beaucoup plus simple : une messagerie sur le côté dans le cadre d'une navigation classique.
L'intégration de Facebook ramène immanquablement aux questions de vie privée. Est-ce que vous ne craignez pas de détourner une certaine base de vos utilisateurs, ces "hardcore users" très prudents avec leur vie privée ?
Effectivement, c'est un sujet très important pour Mozilla. La façon dont c'est conçu, en termes de vie privée, c'est exactement comme si vous aviez un onglet ouvert sur Facebook. Ni plus, ni moins. Cela n'ajoute rien en termes de traçabilité, ça ne retire rien. Vous êtes juste connecté à Facebook en permanence.
Ces "hardcore users" ne sont de toute façon pas sur Facebook et je pense que c'est assez cohérent avec leur approche. La Social API ne va pas changer la donne pour eux. Si vous utilisez Facebook, vous acceptez d'être un utilisateur Facebook, avec tout ce que ça implique en termes de vie privée.
Ensuite, c'est toujours plus de choix qu'on offre. On n'est pas obligé de l'utiliser, puisque ce n'est proposé que lorsqu'on va sur le réseau social.
L'autre gros sujet chez Mozilla en ce moment, c'est la mobilité. Est-ce que la Social API va être intégrée à Firefox Mobile ?
Nous n'avons pas prévu d'intégrer la Social API sur Firefox pour Android. C'est trop compliqué en termes d'interface utilisateur.
Et sur Firefox OS, est-ce qu'on peut s'attendre à une démarche vers plus de social ?
Sur la Social API en elle-même, je n'en sais rien. Mais la démarche de Firefox OS, c'est de créer de nouvelles API pour donner de nouvelles fonctionnalités, de façon à ce que le web puisse fonctionner vraiment bien sur une plateforme mobile. Quand on y pense, il y a des tas de choses que le web ne sait pas faire en tant que plateforme applicative.
Il y a deux ans, nous avons ajouté la géolocalisation à HTML5, avec la possibilité d'accéder au capteur GPS du téléphone. C'était une première. Depuis, nous n'avons cessé d'ajouter des fonctionnalités pour pouvoir accéder, avec HTML5, à tous les périphériques qui sont dans le téléphone. L'accéléromètre, l'appareil photo, la caméra... Ce n'était pas disponible dans des pages web sur l'ordinateur de bureau.
Nous avons vraiment stimulé la plateforme web pour qu'elle devienne une plateforme mobile crédible. Pour aller plus loin avec Firefox OS.
Restons sur Firefox OS. Si on ne considère que les systèmes iOS et Android, il y a déjà une base installée très forte. Y compris chez les fabricants, avec la gratuité d'Android. Comment Mozilla peut-il se positionner face à cette concurrence ?
Effectivement, Mozilla est un habitué de défis qu'on peut parfois considérer comme délirants. Quand en 2003 on a monté une organisation à but non lucratif pour créer un navigateur censé venir défier les 97 ou 98% de parts de marché de Microsoft sans modèle économique, certains ont pu nous prendre pour des dingues. Néanmoins, nous l'avons fait. Et nous avons ouvert le marché des navigateurs.
Recommencer sur la téléphonie mobile avec un système d'exploitation peut paraître délirant parce qu'Apple est très bien établi, Google fonctionne fort, et même Microsoft a du mal à s'accrocher. Donc cela paraît sain de se dire que Mozilla s'attaque à un gros morceau.
Mais on a pour nous quelque chose de formidable, c'est qu'on va faire levier sur le web. Sur cette plateforme qu'est le web, qui a énormément d'utilisateurs, qui a fait ses preuves et qui n'appartient à personne. Cela, c'est quelque chose d'essentiel pour les développeurs et les utilisateurs.
Pour l'instant, on en est encore au début du smartphone, et il y a quelque chose que les utilisateurs n'ont pas bien compris, mais qu'ils sont en train d'apprendre. Quand ils veulent quitter l'iPhone pour un smartphone Android, ils doivent racheter toutes leurs applications. C'est un vrai coût de changement. Et c'est la leçon qu'ils sont en train d'apprendre.
Mozilla a mené depuis plusieurs semaines une grosse opération de séduction en faveur des développeurs pour Firefox OS. On peut en déduire que la réussite doit aussi passer par eux ?
C'est la même chose pour les développeurs. Ils sont obligés de passer par les fourches caudines des app stores respectifs et ça, c'est extrêmement déplaisant parce qu'il arrive qu'on retrouve une application plus distribuée parce que plus acceptée par l'app store. En plus, les applications actuelles signifient une version iOS, une version Android, et une version Windows Phone 8.
Cela donne des coûts de développement et de maintenance délirants. Or rien n'empêche de faire une plateforme universelle comme le web à base de HTML5. On l'a déjà vu à plusieurs reprises dans l'histoire de l'informatique : à la fin des années 70, début des années 80, on avait des réseaux propriétaires comme Compuserve, AOL, avec des clients propriétaires.
Quand on voulait envoyer un email à un ami qui n'était pas sur le même réseau, c'était impossible. Le web est arrivé, et au départ, c'était beaucoup moins bien que les réseaux propriétaires. Cela ne faisait pas un dixième de ce qu'ils faisaient, mais il s'est imposé car l'ouverture a permis à toute une population de s'emparer du web et de créer quelque chose qui est devenu beaucoup mieux que les plateformes propriétaires.
Etablir une plateforme fermée et propriétaire, ça peut être intéressant pour établir un marché. Une plateforme fermée n'est pas un relais d'innovation. C'est ça notre pari avec Firefox OS : une plateforme ouverte est un relais d'innovation.
Est-ce qu'on peut espérer des smartphones Firefox OS en France au début de l'année 2013 ?
Au début 2013, certainement pas. On est dans un système différent de ce qu'on a connu sur le web. Les gens ont tous un navigateur pour aller sur le web, et qui leur permet éventuellement de télécharger un meilleur navigateur. On peut avoir une relation directe avec eux.
C'était notre modèle avec Firefox, mais là, on doit passer par un objet physique, dans des boutiques, avec des abonnements, qui nécessite des agréments des autorités nationales. C'est une logistique sans commune mesure avec la distribution d'un logiciel sur le web. Les cycles sont plus longs et plus complexes.
Notre stratégie, c'est de nous concentrer sur le marché brésilien avec notre partenaire Telefonica dans un premier temps. C'est notre premier marché, dès le premier semestre 2013. C'est déjà un objectif audacieux.
Il y a quand même un engouement sur le web, avec des ROMs pour smartphones Android, des tutoriels pour bidouiller un Galaxy S2 par exemple. On ne peut pas imaginer en parallèle un logiciel à télécharger et à installer grâce à un tutoriel ?
Pourquoi pas aider au téléchargement et à l'installation. C'est une chose à laquelle on pense mais on n'a pas annoncé de plan à ce sujet. Mais le code est libre et disponible au téléchargement. Cela dit, notre énergie n'est pas là-dessus, mais sur le partenariat avec Telefonica.
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