La fondation à but non lucratif, qui a créé le navigateur Firefox pour que le Web reste ouvert, veut appliquer le même remède à l'Internet mobile. « Boot to Gecko » sera une alternative à Apple, Google et Microsoft.
Il
n'y a pas d'avenir hors du mobile. C'est en faisant ce constat l'été
dernier qu'un ingénieur allemand de la fondation Mozilla, basée en
Californie, a lancé un projet de nouveau système d'exploitation mobile
qui intéresse prodigieusement les opérateurs télécoms. Telefonica a même
annoncé en février à Barcelone qu'il proposerait dès cette année à ses
clients d'acheter des mobiles équipés de la future plate-forme. Elle a
pour nom de code « Boot to Gecko », en référence à Gecko, le « moteur »
qui fait tourner le navigateur web Firefox sur les ordinateurs (27 % du
marché en Europe).
« Le mobile est un environnement beaucoup plus intégré que l'ordinateur, explique Tristan Nitot, de Mozilla France. Le
matériel, le système d'exploitation, la boutique d'applications ne font
qu'un. Pour que Firefox soit pertinent demain, nous devons aussi avoir
notre système d'exploitation mobile. » Faute de quoi, les silos que bâtissent Apple, Google, Microsoft dans ce nouvel univers auront raison de l'ouverture si chère aux internautes. « On
voit arriver des choses dans le mobile qui nous rappellent l'approche
centralisée d'AOL ou de Microsoft Network : on construit une sorte de
centre commercial, puis on décide qui va pouvoir y ouvrir sa boutique,
quelle voiture aura le droit de circuler, et on vous fait payer le
parking », s'alarme Tristan Nitot.
Ainsi,
Google maîtrise à la fois le système d'exploitation des appareils
mobiles (Android), la navigation (Chrome) et les applications (Play
Store). Le géant des moteurs de recherche, qui distribue gratuitement sa
plate-forme mobile, exige qu'un nombre croissant de ses propres
applications (Maps, Earth, etc.) soient préinstallées sur les terminaux
Android. Google est en outre en train de racheter le constructeur
Motorola. Microsoft est aussi en train d'édifier sa propre « verticale »
à l'aide de Nokia. Google et Microsoft imitent le modèle intégré
d'Apple. Cela effraie les équipementiers, qui croyaient demeurer libres
en adoptant Android ou Windows Phone. Quant aux opérateurs télécoms
européens, ils assistent impuissants à l'ascension de géants du Web
américains dans les télécoms -des géants prêts à fondre sur leurs
marges.
Pour éviter que le Web ne
rétrécisse, la Fondation Mozilla, un organisme à but non lucratif, avait
créé des logiciels compatibles avec le plus grand nombre d'équipements
et basés sur les langages ouverts du Web : HTML, CSS, Java Script. Elle
veut réitérer l'expérience dans le mobile, souligne Tristan Nitot : « Notre
plate-forme, c'est le Web. Au lieu de recréer un écosystème que nous
dominerions, nous nous appuyons sur les normes communes » -que l'on
regroupe pour faire vite sous le vocable de HTML 5. Boot to Gecko c'est
un noyau Linux, sur lequel se greffe Gecko, puis une interface
utilisateur qui peut être, au choix, celle de Mozilla (Gaia) ou celle du
constructeur partenaire.
Market Place en chantier
Pour
compléter l'offre mobile, Mozilla a également mis en chantier une
boutique d'applications (Market Place), qui sera disponible sur tous les
systèmes d'exploitation, et un système de gestion de l'identité
numérique (Persona) qui pourrait être la porte d'entrée sur le Web des
internautes souhaitant acheter des applications sans vendre leurs
données privées à n'importe qui.
Pour
l'instant, Mozilla, qui est une fondation de moins de 700 employés avec
un budget annuel de 120 millions de dollars, s'est lancée avec peu de
partenaires. Outre Telefonica, l'allemand T-Mobile et le fabricant de
semi-conducteurs Qualcomm ont contribué au développement de Boot to
Gecko. Mais d'autres semblent très intéressés. « Les opérateurs qui s'étaient jetés sur Android pour échapper à Apple réalisent leur erreur, souligne Tristan Nitot. A Barcelone, ils sont tous venus nous voir, la demande a été inouïe ! »
Les membres de l'Euro 5 (ex-« G5 » : Telefonica, Deutsche Telekom,
Orange, Telecom Italia, Vodafone) en discutent entre eux de façon
informelle. Eux aussi sont partisans de l'ouverture, mais cela fait des
années qu'ils travaillent sur des normes interopérables sans qu'on en
voie jamais la couleur (RCS, WAC...). Pour les opérateurs, la réponse à
la menace des géants du Net pourrait venir d'un authentique acteur du
Web.
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