Le 22 août 2011 (16:17) - par Valery Marchive
Rubriques : Opérateurs et intégrateurs réseaux
L’article d’Andréa Fradin, ce vendredi 19 août, a rapidement fait le tour des rédactions, avec l’effet d’une petite bombe. Sur Owni.fr, notre confrère explique ainsi que des opérateurs français réfléchissent à l’introduction de seuils sur certaines offres d’accès à Internet domestique - jusqu’à imaginer le blocage des usages de téléphonie sur IP ou de téléchargement en pair-à-pair et d’accès aux newsgroups. L’idée étant, comme en téléphonie mobile, qu’il puisse par exemple y avoir réduction du débit effectif de la ligne passé un certain de niveau de consommation. Ces informations ont été récoltées dans un document de travail adressé fin juillet à l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, par la FFT, la Fédération française des télécoms, qui regroupe Bouygues Telecom, Orange, et SFR. A notre confrère, Jean-Marie Culpin, porte-parole d’Orange, a confirmé : «oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils.» Et tant pis pour les nombreux professionnels, TPE voire PME, et petites collectivités locales qui se contentent d’offres d’accès grand public pour combler leurs besoins.
Éteindre l’incendie
L’UFC Que Choisir n’a pas manqué de monter au créneau, fustigeant, toujours chez nos confrères d’Owni.fr, le fait que «limiter Internet sur le fixe n’a aucune justification économique». Et ce n’est pas le seul. Dans un communiqué, le syndicat CFE-CGC/Unsa dénonce ainsi «hypocrisie et mensonges» : «les opérateurs prétendent que les réseaux sont saturés pour justifier leur projet de mettre fin, pour une partie de leurs offres, à l’Internet illimité.» Et, pour syndicat, si saturation il y avait effectivement, ce serait plutôt «en raison de dividendes qui empêchent l’investissement ». Chiffres à l’appui : «12,1 % en 2010, c’est un des niveaux d’investissement les plus bas dans l’histoire du groupe France Télécom - surtout dès lors que sont comptabilisés comme investissements le parc de ‘box’. Or celui-ci n’a jamais été aussi important.»
Devant l’incendie qui s’annonçait, Numéricable a très vite - très vite - fait savoir qu’un tel projet n’est pas dans ses cartons, soulignant au passage avoir quitté la FFT «depuis plusieurs mois». Free a également pris ces distances avec ces réflexions. De même que Bouygues Telecom, plus tard, cet après-midi, soulignant rapidement que «les offres Internet fixes Bbox de Bouygues Telecom demeureront illimitées pour tous les clients ». Orange a finalement emboité le pas à ses confrères, signalant que "la fin de l'Internet fixe illimité n'était pas à l'ordre du jour chez Orange France". Dans un entretien accordé à l’AFP, Yves Le Mouël, directeur général de la FFT s’est à son tour voulu rassurant : «il n’est pas question de la fin de l’Internet Illimité sur le fixe.» Tout au plus, «certains opérateurs ont parlé de différenciation des offres », a-t-il précisé à Reuters. Un son de cloche finalement déjà présent, dimanche dans un communiqué d’Eric Besson, Ministre de l’Economie Numérique.
La neutralité du Net à nouveau mise en cause
Mais Philippe Jannet, président du Geste, groupement des éditeurs de services en ligne, rejette l’analyse selon laquelle Eric Besson se serait opposé au plafonnement des accès à Internet. Pour lui, lorsque le ministre écrit que «le gouvernement travaille à encadrer l’utilisation du terme ‘illimité’ par les opérateurs afin de protéger les consommateurs contre certains abus», il faut au contraire comprendre qu’il donne un blanc-seing aux opérateurs pour travailler à la segmentation de leurs offres, quitte à y introduire des limites de consommation clairement affichées. Et même s’il ne s’agissait que de toucher un petit pourcentage de consommateurs particulièrement intensifs, il y a pour lui, là, le risque de «créer un Internet à deux vitesses ». Il est bien conscient de l’impact de la montée de la consommation de vidéo en streaming sur les réseaux, mais il s’inquiète du risque «d’accroître la fracture sociale entre ceux qui auront les moyens de s’offrir un Internet complet et les autres ». Alors qu’aujourd’hui même il n’y a pas d’égalité effective de chacun devant la qualité de l’accès...
En outre, pour lui, comme pour Gérard Ladoux, secrétaire général de l’Acsel (Association française pour le commerce et les services en ligne), la question renvoie à la célèbre neutralité du Net, indirectement, par le biais des offres commerciales. Gérard Ladoux se souvient de l’essai de taxe Google, «une mauvaise solution même s’il est vrai que certains acteurs d’Internet ne paient pas leur quote-part de la bande passante consommée par leurs services», d’autant plus que la dite taxe Google aurait surtout conduit, jeux de fiscalité oblige, à taxer des acteurs locaux plus que des géant internationaux.
Risque de distorsion de concurrence
Pour Edouard Barreiro, de l’UFC Que Choisir, c’est d’ailleurs bien simple : «les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés, d’abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs.» Philippe Jannet sans craindre une telle tentation : «il ne faudrait pas que tout cela serve de prétexte à l’introduction d’offre d’accès dégradé à des contenus qui ne soient les leurs» - ceux des opérateurs concernés ou de leurs partenaires. Car c’est aussi là l’enjeu de la neutralité du Net pour les acteurs de l’économie numérique : que chacun ait accès au moins à peu près égal au consommateur final. Alors même que la place des moteurs de recherche sur le marché n’y aide déjà pas forcément. En janvier dernier, nos confrères de Numerama n’avaient pas manqué de voir, dans le rapprochement d’Orange et de Dailymotion, «la mort annoncé de la neutralité du net ».
http://www.lemagit.fr/article/sfr-orange-arcep-neutralite-bouygues-telecom-geste/9276/1/la-fft-relance-debat-sur-neutralite-net/?utm_source=essentielIT&utm_medium=email&utm_content=new&utm_campaign=20110823&xtor=ES-6
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