Analyse - Agressivité des opérateurs virtuels, baisses de prix, explosion de l'Internet mobile, arrivée de Free Mobile et de la 4G..., autant de facteurs qui poussent les opérateurs 'historiques' à s'adapter et à anticiper. ZDNet.fr a interrogé Frédéric Ruciak, Directeur Général Adjoint, Marché Grand Public de Bouygues Telecom et Patrick Asdaghi, Directeur Marketing Grand Public de SFR.
Depuis quelques mois, le paysage du marché français du mobile a profondément changé. Profitant notamment de la baisse des prix de gros sur les appels, les opérateurs mobiles virtuels ont multiplié les offres très agressives (Prixtel, Numericable, LaPoste..) en pariant notamment sur l'illimité voix ou encore la fin du sacro saint engagement ou de la subvention des terminaux.
Dans le même temps, l'arrivée de Free Mobile se précise de plus en plus, angoissant quelque peu les acteurs en place avec des promesses de prix encore jamais vus. Enfin, l'explosion de la consommation de data mobile rebat les modèles tarifaires des opérateurs.
Autant d'éléments qui poussent les acteurs 'historiques' comme Bouygues Telecom et SFR à s'adapter. Et vite. Les deux groupes ont ainsi multiplié les initiatives pour accompagner ces évolutions. Bouygues Telecom a lancé la marque B&You visant les 'digital natives' tandis que SFR a remis à plat sa stratégie de relation client et de fidélisation avec ses formules 'Carrées'.
L'occasion pour ZDNet.fr de faire un point sur ces évolutions (et sur les nouveautés à venir) avec Frédéric Ruciak, Directeur Général Adjoint, Marché Grand Public de Bouygues Telecom et Patrick Asdaghi, Directeur Marketing Grand Public de SFR.
"Nous n’avons pas attendu Free pour répondre à l’attente de nos clients"
Pour les deux responsables, l'accélération des évolutions dans le secteur est en effet une réalité. « Le rythme s’accélère. Cela est du en partie à la baisse de la terminaison d’appel mobile qui permettent aux petits acteurs comme les MVNO d’être plus dynamiques. Il s’agit, pour le marché, également d’anticiper l’arrivée du 4e acteur », commente Frédéric Ruciak.
« Il y a en effet une vraie excitation qui s’accélère depuis peu. Mais il faut dire que la concurrence s’intensifie déjà depuis deux ans. On observe une vraie pression sur les prix, notamment du côté des MVNO, mais aussi sur l’engagement et la fidélité. La multiplication des acteurs et la baisse de la terminaison d’appel expliquent notamment cette tendance. Mais pas seulement, l’internet mobile stimule la demande et impose donc de nouveaux modèles », ajoute Patrick Asdaghi.
Pour autant, BouyguesTel et SFR refusent d'être perçus comme cherchant à 'limiter la casse' en s'adaptant au coup par coup. Même si leurs dernières annonces marketing ont été lancées après les offensives d'acteurs plus petits comme les MVNO.
« La nouvelle structure du marché nous pousse à mieux travailler notre cycle client. Vu de l’extérieur, nos nouvelles propositions paraissent récentes mais cela fait plus d’un an que nous travaillons dessus : éco avantage, les multi Packs (formules Carrées, ndlr) », tente de justifier le directeur de SFR.
Même tonalité de la part du dga de Bouygues Telecom : « Notre stratégie n’est pas de s’adapter au coup par coup. Fondamentalement, on fait ce qu’on a toujours fait, à savoir innover, même si le rythme s’accélère chez nos concurrents Nous n’avons pas la même force de frappe que nos concurrents, nous devons donc innover. Et à chaque fois, nous sommes finalement copiés comme avec neo et ideo ».
Quant à l'arrivée de Free Mobile, qui pourrait-être plus précoce que prévu, elle n'aurait pas joué, selon les opérateurs, un rôle déterminant dans les dernières annonces des opérateurs historiques.
Même si cela est difficile à croire, Bouygues Telecom assure la main sur le coeur : « Nous n’avons pas attendu Free pour répondre à l’attente de nos clients. Nous y répondons en regardant la concurrence actuelle, pas future. Et il faut savoir que nous animons le marché avec des offres agressives et innovantes depuis 1996, notamment avec ideo et des forfaits sans mobile ».
B&You semble pourtant viser exactement la même cible que Free, à savoir des technophiles capables de se débrouiller seuls. « On ne mime pas, on n’imagine pas ce qu’ils feront. Nous sommes dans l’innovation permanente, on se bouge pour nos clients même si en effet, il y a une proximité entre B&You et Free Mobile en termes de cible. Mais c’est le marché qui est comme ça ».
Chez SFR, la perspective Free Mobile serait également étrangère aux dernières annonces de l'opérateur. « Comme la plupart des acteurs, nous nous sommes d’abord battus sur le tarif. Mais désormais, la focalisation se fait sur le client. Tout simplement parce que la maturité du marché pousse à travailler sur le parc des clients. On passe d’une stratégie de conquête à une stratégie de fidélisation. C’est une tendance lourde qui n’est pas la conséquence d’un nouveau venu sur le marché », affirme Patrick Asdaghi.
Reste que les opérateurs sont sur la défensive. Et vont encore se montrer offensifs dans les prochains pour couper l'herbe sous le pied à Xavier Niel, le patron de Free. « Nous proposons déjà des programmes très généreux en renouvellement. D’ores et déjà la majorité de nos clients peuvent renouveler leur mobile au prix de l’acquisition en attendant la fin de leur engagement de 24 mois. Mais peut-être que le marché ne le sait pas assez. Dans un avenir proche, ces promesses seront plus clairement présentées », plaide Frédéric Ruciak de Bouygues Telecom.
SFR devrait également faire de nouvelles annonces dans les prochaines semaines, toujours autour de la relation client et de la fidélisation, leviers hautement stratégiques à l'heure où le marché est mâture.
Vers une segmentation des offres Internet mobile au volume ou à la vitesse
Autre dossier où les opérateurs historiques entendent se démarquer : l'Internet haut débit mobile. La 4G est certes sur toutes les bouches (les licences seront distribuées dès la fin 2011). Mais elle ne sera pas une réalité commerciale avant plusieurs années, 2014 si tout va bien et si les terminaux compatibles sont suffisamment nombreux.
« C’est une obligation d’augmenter la capacité des réseaux quand la consommation data augmente de 100% par an. Mais il est encore trop tôt pour parler de disponibilité, : il n’y aura pas de terminaux ni de lancement en 2012. En attendant, on SFR travaille activement à la montée des débits en 3G+ qui pourrait être comparée à de la 4G puisque nous proposons dans plus en plus de villes un débit théorique de 40 Mb/s », explique Patrick Asdaghi de SFR.
Un constat partagé par Bouygues Telecom : « Nous sommes évidemment intéressés car il faut répondre à la croissance exponentielle de la data mobile. Il faut plus de fréquences pour se projeter dans le temps. Mais il faut aussi s’appuyer sur la 3G qui en a encore sous le pied. Nous allons continuer à capitaliser la 3G en modernisant notre réseau. D’autant plus que les terminaux 4G sont encore inexistants ».
Pour autant, l'opérateur est inquiet du possible brouillage de la TNT par la 4G. Et demande clairement une clarification auprès de l'Etat. « On achète une fréquence pour un usage mais on ne peut pas investir s’il y a incertitude sur cette question du brouillage. Un brouillage de la TNT à cause la 4G nous ferait porter une lourde responsabilité juridique et financière. Il y a donc un enjeu financier induit par ce risque et nous demandons donc une clarification. L’Etat doit prendre ses responsabilités par rapport à un bien qu’il vend ».
En attendant la 4G, la consommation data continue à exploser. Et les opérateurs doivent se rendre à l'évidence : les modèles tarifaires actuels (la même abondance pour tous) ne sont plus économiquement viables. La tarification au volume ou à la vitesse pourrait très vite devenir une réalité comme aux Etats-Unis ou dans certains pays d'Europe comme l'Espagne.
En France, France Telecom s'est à mainte reprise prononcé pour la mise en place de nouvelles structures tarifaires. Les gros consommateurs devront sûrement passer à la caisse. Une perspective confirmée à demi-mot par nos interlocuteurs même si aucun calendrier n'est encore fixé.
« Il faut s’adapter à la réalité des usages. En septembre 2010, nous avons déjà supprimé le terme d’illimité dans nos offres. Désormais, il s’agit d’organiser de manière compréhensible et pédagogique la valorisation des usages data. Car on ne peut pas rester statiques sur ce dossier. Les tendances de fond nous conduisent à construire un modèle pérenne, généreux mais pérenne. On voit donc se profiler des modèles basés sur la vitesse et la quantité d’usage comme dans d’autres secteurs. Certains veulent aller vite, d’autres très vite et certains se contenteront d’aller doucement », commente Frédéric Ruciak de Bouygues Telecom.
« L’illimité a permis le développement des usages qu’il faut maintenant encadrer pour répondre à l’explosion des débits. Segmenter par la vitesse, le volume, il est encore trop tôt pour le dire. Ce dont je suis sur c’est qu’à l’avenir le choix des forfaits se fera plus par l’usage de l’Internet mobile que par la voix. Ce changement s’opère déjà sur notre marché », ajoute SFR.
« Segmenter par la data répond à deux réalités : une réalité économique et une réalité d’usages : Tous les clients n’ont pas besoin d’1 ou 2 Go par mois. Ca ne sert à rien de leur fait payer pour une offre maximale qu’ils n’utiliseront pas. Mais il faudra faire simple. Nous allons beaucoup travailler sur l’éducation », ajoute Patrick Asdaghi.
Traduction : les futures offres des opérateurs, et de SFR en particulier, seront d'abord orientées data, avec peut-être des paliers de consommation. Et la baisse du prix de la voix compensera 'peut être' une nouvelle structure tarifaire de la data. Une chose est néanmoins sûre : le client choisira de plus en plus son forfait en fonction de propositions data que d'offres voix.
Evolution des usages mais aussi évolution des supports. Si les opérateurs ont profité du succès des smartphones, ils peinent dans le domaine des tablettes tactiles. Là encore, la faute à une offre mal pensée obligeant l'utilisateur à souscrire un nouvel abonnement 3G.
Tablettes : pas de concurrence à l'iPad viable ?
Mais pour Bouygues Telecom, le problème se situe avant-tout au niveau de l'offre. "Les conditions de diffusion ne sont pas bonnes, notamment à cause du prix élevé du modèle le plus populaire. En réalité, il va falloir attendre la sortie des nouvelles tablettes des concurrents pour voir la compétition venir challenger l’Ipad. Il faut pouvoir offrir une expérience similaire à moins de 300 euros sans subvention », explique Frédéric Ruciak.
« C’est allé moins vite que nous l’avions anticipé, non pas à cause d’une demande faible mais parce que beaucoup de fabricants ont pris du retard. Par ailleurs, il n’est pas facile de vendre un abonnement supplémentaire. Les choses vont vite évoluer avec l’arrivée de nouvelles tablettes à la hauteur de l’iPad, comme les machines sous Android 3.0 », complète Patrick Asdaghi.
La souscription d'un abonnement 3G supplémentaire semble également passer à la trappe : offre modem chez Bouygues Telecom, offre Multi-Surf chez SFR. « Avec les deux conditions réunies : un large choix de tablettes et des offres tarifaires pertinentes, le marché des tablettes décollera réellement », estime le directeur général.
Reste que la tablette a-t-elle vraiment vocation à se connecter en 3G ? « L’usage est mobile mais pas nomade. Notre conviction est donc que le cœur de marché se concentre autour des tablettes Wi-Fi », affirme Bouygues Telecom. « Nous sommes au tout début de l'histoire, nous pensons que la tablette à vocation à être utilisée en 3G », pense de son côté SFR.
http://www.zdnet.fr/actualites/le-nouveau-paysage-du-mobile-pousse-bouygues-telecom-et-sfr-a-s-adapter-39762668.htm#xtor=EPR-100
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