jeudi 28 juillet 2011

Y a-t-il une place à côté de Groupon ?

© Photomontage Journal du Net
A côté de Groupon, qui engrange déjà 500 000 commandes par mois sur son site, le marché français des sites d'achat groupé de bons de réduction est encore peu structuré. Quels acteurs ont une chance de survivre ? Quel impact aura l'arrivée des grands e-commerçants ? Enquête.
Réalisé par Flore Fauconnier, Journal du Net
Publié le 12/05/2011

En permettant à ses membres de partager leurs bons plans, Facebook a fourni au concept de l'achat groupé les moyens qui lui manquaient jusqu'alors et permis l'émergence d'un pan de l'e-commerce devenu extrêmement concurrentiel en quelques mois seulement.


Lancé en novembre 2008 à Chicago, le site d'achat groupé de coupons de réduction Groupon revendique aujourd'hui 70 millions d'utilisateurs dans 43 pays dont près de 20 millions ont été recrutés depuis le début de l'année . En France, plusieurs acteurs flairant la bonne affaire se sont lancés début 2010 sur le même modèle, parmi lesquels l'Allemand Citydeal et le Français Bon-Privé en février, ou encore l'Américain Kgbdeals en mars. En mai, Groupon débarquait dans l'Hexagone en rachetant Citydeal. Désormais présent dans 35 villes de France, le leader du secteur y compte plus de 5 millions de membres. Au premier trimestre 2011, il figure à la sixième place du Top 15 des audiences de l'e-commerce publié par Médiamétrie.


Le chiffre d'affaires de Groupon France avoisinerait les 40 millions d'euros par mois

En outre, l'analyse des statistiques d'audience de Médiamétrie permet de constater que le nombre de commandes est très largement supérieur chez Groupon. En mars, 5,85 % des visiteurs uniques du site, soit plus de 500 000 personnes, ont affiché la page de confirmation de paiement. La rumeur prête en outre au site un chiffre d'affaires avoisinant les 40 millions d'euros par mois, ce qui situerait son panier moyen aux alentours de 90 euros. Le taux de transformation de Kgbdeals en mars est près de deux fois moindre, à 2,69 %, apportant 39 000 commandes dans le mois. Les audiences des autres sites sont insuffisantes pour en tirer des conclusions significatives.


Cette activité étant réputée exempte de barrière à l'entrée, elle aurait déjà engendré les vocations d'une cinquantaine de sites de coupons, auxquels s'ajouterait une trentaine d'agrégateurs de deals. Selon le patron d'eBuyClub Gilles Nectoux, qui lance actuellement son agrégateur Checkdeal, les internautes français se voient chaque jour proposer un total de 3000 bons plans, dont 500 à Paris.


Si chaque acteur se garde bien de communiquer ses revenus, il est néanmoins possible d'évaluer son activité au travers de son audience et du nombre de deals qu'il propose. Selon nos estimations, les principaux acteurs du marché en France après Groupon sont Kgbdeals du groupe KGB-118218 et Lookingo du groupe Smart&Co. Les outsiders qui émergent du reste du panier sont Bon-Privé, Dealissime, Letrader (lancé par la SSI Astek), Tribalista (dans lequel vient d'investir Canalce) et Groupolitan.


Quant à l'américain LivingSocial, une page ouverte il y a six mois permet aux Parisiens de laisser leur adresse mail, mais le service n'est toujours pas en activité. Le numéro deux du secteur aux Etats-Unis teste vraisemblablement les coûts d'acquisition en France et serait en train de recruter. Il pourrait aussi bien se lancer en propre qu'au travers de l'Espagnol Letsbonus, dont il est actionnaire, ou en rachetant un acteur déjà présent sur le territoire.


Plus largement, la taille du marché français est difficile à évaluer. Rappelons cependant qu'aux Etats-Unis, les trois plus grands acteurs engrangent chacun plus de 100 millions de dollars de revenus tous les mois.

Quatre des principaux acteurs en chiffres

Nombre de membresNombre de villesNombre de dealsAudience en mars (VU)
Groupon5 millions35100 par jour8,6 millions
Kgbdealsn.c.3980 par semaine1,5 million
Lookingo1 million3515 par semaine900 000
Bon-Privé300 000750 par semaine350 000
Source : Acteurs

La barrière à l'entrée sur le marché des coupons en ligne étant a priori faible, la qualité d'exécution de l'activité apparaît comme un critère de réussite bien plus important que l'antériorité. L'absence de "first-mover advantage", cette prime au premier entrant qui empêche les acteurs lancés plus tardivement de le rattraper, laisse probablement leur chance aux concurrents de Groupon dont la stratégie et les moyens sont adaptés.


david vanek, cofondateur et président de bon-privé
David Vanek, cofondateur et président de Bon-Privé © Bon-prive.com

La spécificité de Bon-Privé, qui a ouvert ses portes en février 2010 et a levé 1,5 million d'euros en décembre auprès d'investisseurs privés, réside probablement dans une démarche sociale et une imbrication des API Facebook plus poussées que chez ses concurrents : boutons "Like/J'aime" bien sûr, mais aussi possibilité de commenter les deals (comme sur les articles du JDN), et mise en place immédiate des boutons "Send/Envoyer à un ami" lancés fin avril par Facebook. "Quand on en met partout, le cercle vertueux s'enclenche, assure son président David Vanek. Or plus on grossit, meilleurs sont les taux de transformation." Une stratégie qui semble lui réussir, puisque ses 150 000 membres fin décembre sont aujourd'hui 300 000 et que Bon-privé en espère entre 1 et 1,5 million à la fin de l'année.


Lancé en octobre 2010, Lookingo est actuellement présent dans 10 villes, continue à en ouvrir d'autres et table sur un chiffre d'affaires 2011 de 20 millions d'euros. Son positionnement plutôt haut de gamme lui apporte un panier moyen de 40 euros qu'il estime supérieur à celui de ses concurrents, ainsi qu'une audience qu'il juge plus qualifiée.


Les femmes de 25 à 35 ans composent le cœur de cible de Kgbdeals. "Particulièrement focalisés sur les soins de beauté du type 'le spa qui monte et que vous ne connaissez pas encore', nous avons également une gamme de prix plutôt large (hors voyage), allant de la place de cinéma à 4,90 euros aux séances en institut à 300 euros", explique sa DG Susan Branchflower.


"Industrialiser la production des deals est un autre axe de développement"

Toujours dans une période d'acquisition de membres, les trois sites de coupons indiquent travailler sur trois grands types de chantiers : le développement de deals nationaux en partenariat avec de grandes enseignes (qui apportent crédibilité et nouveaux membres), l'élargissement de leur offre à de nouvelles catégories de produits et de services (à commencer par le voyage), et enfin le mobile.


Lookingo désire ainsi d'une part proposer des deals en temps réel, d'autre part se développer sur le mobile afin de géolocaliser ses deals. Ce canal fait également partie des projets phares de Bon-Privé, puisqu'avant même le lancement d'ici un mois d'une application multi plate-forme, 20 % de son audience provient déjà du mobile. Du datamining lui permettra en outre de proposer des deals plus ciblés. Kgbdeals prévoit d'ailleurs aussi de segmenter ses newsletters par cibles : les hommes avec l'habillement et les soins, les familles avec des produits pour enfants...


Industrialiser la production des deals est le quatrième grand axe de développement de Lookingo et de Bon-Privé. "Vis-à-vis des partenaires, par exemple les cinémas qui n'auraient pas beaucoup vendu d'entrées pour le soir-même, nous allons créer une plate-forme sur laquelle ils pourront nous contacter directement pour envoyer un mail à une cible de notre base de données", ajoute John Burke, responsable du développement commercial de Lookingo.


Pour sa part, Bon-Privé désire pouvoir s'appuyer sur sa communauté de membres pour lui remonter des deals. Le site leur apportera une formation rapide et leur confiera un territoire, afin de mailler les petites villes où il ne désire pas déployer de forces commerciales en propre. "Cette configuration est déjà en test depuis six mois dans les petites villes situées entre Nice et Marseille", explique David Vanek. Début 2012 devrait enfin être lancée une interface permettant aux marchands partenaires de spécifier eux-mêmes leurs deals, pour en faciliter la mise en ligne, de la même façon qu'un annonceur peut modifier son annonce sur la console de Pages Jaunes.

Chez Groupon aussi, les projets se bousculent. Ses axes de développement sont d'ailleurs proches de ceux de ses concurrents. "Nous continuons à nous étendre sur de nouveaux territoires pour proposer des prestations moins répandues que le deal typique du soin beauté", explique son DG France, Frank Zorn. Le site a par exemple lancé le voyage il y a quelques semaines. "Une catégorie qui va plus loin que la seule réservation de chambre d'hôtel puisque nous travaillons avec des tour-opérateurs." Des offres portent sur des voyages en Europe, en Afrique du Nord et peuvent emmener l'acheteur jusqu'à Bali et la Thaïlande. "Le prix est plus élevé donc la durée du deal plus longue. Pour l'instant, il y a un deal par semaine au niveau national et un au niveau local. Nous allons élargir cette offre et peut-être élever la fréquence."


"Notre modèle marche aussi bien localement qu'au niveau national" Frank Zorn, Groupon

De plus, Groupon est présent sur l'iPhone depuis quatre semaines et Android suivra bientôt, qui devraient l'un comme l'autre aboutir à des deals plus ciblés. Ainsi, le service mobile Groupon Now, qui permet depuis début avril aux Américains d'obtenir une sélection de deals situés à proximité selon son état d'humeur et l'heure de la journée, sera importé en France dans le courant de l'année.


Le leader du secteur développe également les deals nationaux avec de grandes enseignes, initiés avec Bodyshop et Casino. "Les chaînes de distribution aussi doivent attirer les consommateurs, souligne Frank Zorn. Notre modèle peut donc marcher aussi bien localement qu'au niveau national." Bien sûr, le cœur de métier de Groupon est de prendre en charge le marketing online de petits commerçants, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grandes enseignes. "C'est là que nous apportons de la valeur, avec nos graphistes, nos rédacteurs, notre visibilité ciblée et notre puissance."

Plusieurs récentes études de l'université américaine Rice le confirment d'ailleurs. Mais le leader de l'achat groupé constitue également un outil marketing de plus en plus important pour les grandes enseignes, notamment de par sa force de frappe sur les réseaux sociaux. Rappelons au demeurant que la présence de Groupon sur des portails tels que MSN lui permettent de toucher plusieurs millions de visiteurs uniques supplémentaires.

Le succès actuel de Groupon repose sur une publicité massive, mais il vend trop de coupons et ne satisfait ni les marchands ni les consommateurs, lui reproche Susan Branchflower de Kgbdeals. Nous pensons que nos relations avec les uns et les autres, plus équitables, finiront par nous rendre justice." Rebondissant sur le "bad buzz" qui poursuit Groupon depuis quelques semaines, ses concurrents se targuent tous de pratiques commerciales durablement profitables aux marchands partenaires de leurs opérations. Selon David Vanek de Bon-Privé, le rapport de puissance entre un site de coupons et un petit commerçant peut rapidement être très défavorable au second. "Là-dessus, Groupon est déjà en train de corriger le tir", affirme-t-il.


Le principal intéressé, qui à ses débuts a sans nul doute surtout œuvré à grossir très vite, admet avoir été pris au piège par son propre succès, passant de 2,8 à 7,6 millions de visiteurs uniques entre septembre et décembre 2010. "Pour une même offre, le compteur passait de 50 à 500 ou 700 acheteurs !", se souvient son DG. Mais depuis le début 2011, Groupon a intégré dans sa démarche les questions de capacité d'accueil soulevées par les marchands partenaires fin 2010. Il explique demander à chaque fois le taux de remplissage moyen issu de Groupon que désire obtenir le marchand, le nombre d'heures travaillées dans la semaine... La mention d'un capping est désormais obligatoire dans les contrats avec les partenaires.


Aujourd'hui, sa priorité consiste à améliorer encore le service rendu aux partenaires et aux internautes. "Nous avons internalisé le service client pour être plus proches des internautes et nous développons l'équipe des relations partenaires pour leur apporter un service plus important, précise Frank Zorn. Nous les coachons pour extraire davantage de valeur des opérations, en réfléchissant par exemple à la meilleure façon de générer des ventes additionnelles ou de fidéliser les clients." Groupon va aussi développer des outils mobiles qui permettront aux marchands de prendre en compte les coupons que leur présentent les acheteurs sur leur smartphone.


susan branchflower, dg de kgbdeals.fr
Susan Branchflower, DG de Kgbdeals.fr © Kgbdeals.fr

Bien entendu, la relation entre site de coupons et marchands partenaires est aussi très dépendante de la commission prise sur les ventes. Chez Groupon, elle est en moyenne de 50 %. Kgbdeals assure de son côté négocier au cas par cas sa commission, plafonnée à 50 %. "Si le marchand joue le jeu en rabotant sa marge pour proposer une belle réduction, nous sommes plus conciliants et réduisons notre commission", précise Susan Branchflower. En outre, Kgbdeals paie le marchand que le coupon vendu soit effectivement utilisé ou non, tandis que Groupon attend que le coupon soit utilisé pour payer le marchand. Kgbdeals verse au marchand 50 % de la part de la vente qu'il lui doit dans les 10 jours qui suivent le deal et le reste sous 30 jours. Chez Lookingo, John Burke annonce retenir une commission de 25 % en moyenne seulement, négociée à chaque fois avec le marchand.


Bon-Privé se déclare plus juste que ses concurrents avec les marchands. "Nos membres sont plus âgés, ils ont entre 25 et 45 ans, il n'est donc pas forcément utile de faire dans l'ultra-discount, souligne David Vanek. Nous ne poussons par conséquent pas le marchand à faire le moins cher possible." Pour développer une activité qui tienne la distance, le président du site juge qu'il ne faut pas envoyer aux marchands des chasseurs de prime, mais des bons clients.

Sa commission, non négociée, est comprise entre 20 % et 30 %, en fonction des marges de la catégorie d'activité. Par exemple, les restaurants, déjà très intermédiés sur Internet et dont les marges sont donc déjà réduites, se verront appliquer une commission voisine de 20 %. Au contraire des soins beauté, "qui ne se vendent jamais sur Internet", plus proches, eux, du haut de la fourchette. La part du marchand lui est versée intégralement 15 jours après la clôture du deal, que les acheteurs utilisent ou pas leur coupon.

Plusieurs sites de coupons tentent de percer sur une niche. C'est par exemple le cas de Tribalista qui, lancé en novembre 2010 autour de deals loisirs, compte aujourd'hui 200 000 membres. Les membres partagent leurs bons plans, votent pour les lieux et services qu'ils aiment, et bénéficient de réductions. Les partenaires marchands sont donc visibles en continu et le service est conçu pour permettre de fidéliser les membres.


"il n'est pas dur pour les grands groupes de créer des sites ciblés" John Burke, Lookingo

Dans un genre différent, Dealissime se concentre sur les produits et services haut de gamme et luxe de l'univers féminin. Lancé en avril 2010, il revendique 200 000 membres et prévoit un chiffre d'affaires 2011 supérieur à 10 millions d'euros. Parmi les investisseurs de son tour de table de 600 000 euros conclu en juin dernier, figurent Oleg Tscheltzoff (PDG de Fotolia et business angel), Simon Istolainen (cofondateur de My Major Compagny et PDG de Peopleforcinema) et Jonathan Benassaya (cofondateur de Deezer).


Malgré ce démarrage très honorable, les acteurs de niche laissent perplexe la DG de Kgbdeals. "Ils n'ont pas de raison de ne pas survivre, reconnaît Susan Branchflower. En même temps, si un généraliste propose un meilleur deal sur le créneau du spécialiste, il empochera le business. Et s'il a de bonnes équipes commerciales, cela ne devrait pas lui être très difficile."


Même constat chez John Burke de Lookingo. Si la cible devient fidèle à la marque du site de niche, celui-ci peut survivre. "D'un autre côté, il n'est pas dur pour les grands groupes de créer des sites ciblés. Or animer tous les jours un site 'fromage et vin' ou, comme cela existe aux Etats-Unis, un site de coupons à valoir sur de la nourriture pour animaux domestiques, devient rapidement fatiguant pour le consommateur."

De plus en plus d'e-commerçants arrivent sur le secteur des coupons en ligne : Vente-privée avec Rosedeal, Wonderbox avec Wonderdeal, Smartbox bien sûr avec Lookingo, Cdiscount qui teste actuellement le concept sur son onglet "C les Deals", Showroomprivé qui proposera dès juin ses premiers coupons, AchatVIP qui dit travailler sur le sujet... Les e-commerçants ne sont d'ailleurs pas les seuls à convoiter le marché des coupons en ligne. Les médias ont également des projets en la matière comme Spir Communication, qui tarde toutefois à lancer son site Topdealenville, ou encore le groupe Pages Jaunes.


franck zorn, pdg de groupon france
Franck Zorn, PDG de Groupon France © Groupon

Dans l'e-commerce "classique", chacun clame que le business de l'achat groupé de bons de réduction ne connaissant aucune barrière à l'entrée, sa base de membres ou de clients devrait lui permettre de rapidement se tailler une part du gâteau. "La partie la plus importante du métier, nous l'avons avec nos 6 millions de membres, garantit Thierry Petit, fondateur de Showroomprivé. Nous avons développé une technologie spécifique qui s'intègre au système d'information des magasins physiques, ce qui va nous permettre de dérouler ces coupons dans les points de vente des enseignes d'habillement. Nous proposerons aussi des coupons loisirs au travers de notre offre voyage."


Chez Vente Privée, Xavier Court se montre très satisfait des Rosedeals mis en place en novembre dernier. "Nous avons par exemple fait un carton avec Speedy et Go Sport. Et nous venons de lancer une opération avec Hammerson sur son centre commercial de Paris Nord, qui sera déclinée sur d'autres centres commerciaux du groupe. En amenant ainsi du trafic en magasin, nous devenons un média."


Le directeur associé du leader des ventes événementielles dit même ne pas croire à Groupon. "Ils ont besoin de prouver qu'ils font un gros chiffre d'affaires mais le modèle n'est pas bon pour les marques et la qualité n'est pas suffisante pour le consommateur. Notre approche BtoB de la qualité de service est bien plus convaincante pour les enseignes. Y compris localement, comme pour le spa Payot, à Paris, à qui nous avons envoyé 400 personnes et non 10 000 comme l'aurait fait Groupon."


Les principaux sites de coupons essayant de développer des deals nationaux, ils devraient effectivement y rencontrer frontalement les sites d'e-commerce classiques et de ventes privées. Sachant aussi, comme le note Susan Branchflower de Kgbdeals, que "le marché étant déjà très compétitif, les nouveaux entrants doivent arriver avec une offre différenciée". Les pure players du coupon en ligne estiment en revanche très peu probable que les e-commerçants classiques soient aussi efficaces sur les deals locaux.


Pour Frank Zorn de Groupon, "s'il est vrai que la barrière à l'entrée sur les coupons est très faible et que notre modèle est sans doute le plus copié au monde, il n'en demeure pas moins très difficile de faire grandir une entreprise à un niveau national." En France, Groupon emploie 300 personnes. "Nous avons des processus solides et des outils avancés. Or pour avoir du succès, il faut à la fois des moyens et un vrai savoir-faire." Le site investit donc beaucoup dans son service client (60 à 80 personnes pour la France) et dans son équipe de relations avec les marchands partenaires (20 à 30 personnes en France). Le leader est en outre connu pour savoir recruter auprès des meilleures écoles de commerce, dans lesquelles il intervient et sponsorise des forums.


Selon le patron de Groupon France, plusieurs grands acteurs disposent des moyens nécessaires pour cette nouvelle activité. "Et je prends bien sûr tous nos concurrents au sérieux. Mais on rencontre rarement une entreprise qui se révèle la meilleure sur toutes les activités." Son concurrent Bon-privé est d'ailleurs le premier à estimer Groupon capable d'être extrêmement performant sur les deals nationaux, qui ne constitueront qu'une brique complémentaire pour les acteurs de l'e-commerce classique. "La puissance d'un Vente Privée n'est pas adaptée à tous les annonceurs, juge David Vanek. Et un Yves Rocher ne voudra pas voir sa marque sur Cdiscount. C'est aussi pour ce type de raison que Bon-Privé est déjà contacté par des marques."


john burke, responsable du développement commercial de lookingo
John Burke, responsable du développement commercial de Lookingo © Lookingo

Pour John Burke de Lookingo, ces acteurs venus de l'e-commerce traditionnel forment une menace s'ils ont une stratégie bien pensée et sont prêts à dépenser beaucoup d'argent. "Pour travailler avec tous les petits commerçants, nous avons besoin d'une grande équipe commerciale. Les Vente-privee.com travaillent avec les marques, mais pas comme nous avec des commerçants qui n'ont pas l'habitude du marketing online. La puissance des sites d'achat groupé est vraiment le local."


Pour ce qui concerne les deals locaux, il existe donc bien une barrière à l'entrée. "Notre activité est loin d'être évidente à mettre en œuvre : nous sommes à la fois un site d'e-commerce et une régie pub locale, rappelle David Vanek. C'est bien pour cela que nous sommes des pure players." Le président de Bon-Privé propose une analogie avec les sites d'offres d'emplois qui ont fleuri en 2000 et 2001. "Ces acteurs avaient en réalité besoin d'une force commerciale de plusieurs dizaines de personnes localement pour trouver ces offres, d'acheter du trafic et d'acquérir des CV et des membres. L'idée était peut-être simple, mais l'exécution difficile. Et beaucoup se sont plantés." Ce temps d'accès au marché, long, est selon lui du même ordre pour les sites de coupons. "Groupon est allé trop vite, a recruté des clients chasseurs quitte à laisser derrière lui une terre brûlée chez les marchands. Comme ce long temps d'accès au marché n'est pas visible, les venture capitalists n'investissent pas dans ce business. Ils ne disent pas 'on va mettre 10 millions d'euros et construire le leader', une approche qui a pourtant très bien fonctionné pour Leboncoin ou Priceminister."


En Espagne en effet, trois acteurs ont levé plus de 5 millions d'euros, dont Groupalia, filiale de Privalia, qui a levé 15 millions d'euros il y a trois semaines. En Allemagne, Dailydeals a levé 10 millions d'euros auprès d'Inside Ventures. En France, David Vanek pointe une véritable anomalie de marché et regrette : "On a laissé Groupon, américain, KGB, groupe industriel, et Smart&Co, groupe industriel aussi, dominer le marché. Bon-privé est l'un des seuls projets entrepreneuriaux." Et alors que la plupart des pays abritent nombre d'acteurs nationaux, les acteurs français ne sont pas financés et le marché est moins structuré.


Selon le spécialiste, on assiste ainsi à l'émergence d'un sous-segment de marché, certes, mais d'un sous-segment très profond. "Le marché de la publicité locale s'élève à 10 milliards d'euros en France. Et on dénombre 400 000 annonceurs sur Pages Jaunes. Or Groupon a certes un peu trébuché, mais il devrait se reprendre très vite. Quant à Kgbdeals, je m'étonne qu'il ne réussisse pas mieux avec autant d'argent." Pour David Vanek, d'ici quelques mois, plusieurs acteurs vont s'écrouler.

Les quatre sites de coupons interrogés estiment qu'à terme, à l'image d'autres secteurs, il ne restera sur le leur que trois à cinq grands acteurs. "Au moins la moitié des sites actuels ne finiront pas l'année 2011, affirme John Burke chez Lookingo. C'est l'acquisition de membres qui est cruciale. Or seuls les grands acteurs ont la puissance financière nécessaire pour réaliser ces investissements marketing." Selon lui, le marché des coupons est certes nouveau, mais en réalité déjà mature. Un groupe comme LivingSocial, qui réussit très bien au Royaume-Uni et vient de lever 400 millions de dollars, a par exemple ses chances.


"Acquérir la base de membres d'un petit site n'a pas d'intérêt" Susan Branchflower, Kgbdeals

"Les autres ne pourront pas bénéficier d'économies d'échelle, estime Susan Branchflower. Et bien sûr, le consommateur choisira les meilleurs car il ne voudra pas recevoir 30 mails dans sa boîte chaque matin." Le secteur devrait donc se concentrer... mais pas forcément se consolider. "Acquérir la base de membres d'un petit site n'a pas d'intérêt", estime Susan Branchflower. Frank Zorn confirme : Groupon France ne souhaite pas réaliser d'acquisition.


Certains sites de coupons sont toutefois sollicités aussi bien par des groupes étrangers qui ne sont pas encore présents en France que par des groupes médias ou grands sites marchands qui désirent se lancer dans les coupons. Parmi les acteurs indépendants et financés dont le rachat aurait du sens, on peut citer Dealissime, Bon-Privé ou encore Letrader.


Cette structuration du marché devrait occuper le secteur en 2011. Douze mois un peu pénibles durant lesquels le marché se tendra, le temps que le bruit de fond s'éclaircisse. 2012 se jouera vraisemblablement sur d'autres enjeux. Le développement des stratégies mobiles d'une part, mais également l'émergence de marques fortes parmi les acteurs, au travers d'investissement significatifs sur des médias autres qu'à la performance, télévision en particulier. Car à l'image de Rue du Commerce, de Cdiscount ou des sites de dating, les acteurs des coupons en ligne sont sur un mass market.


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