jeudi 13 juin 2013

4G : le miracle attendu par les opérateurs ne sera pas pour cette année

A lire sur:  http://www.zdnet.fr/actualites/4g-le-miracle-attendu-par-les-operateurs-ne-sera-pas-pour-cette-annee-39791310.htm

Business : La 4G est le Graal des opérateurs, nous disent-ils. Avec elle, ils vont pouvoir proposer de nouveaux services, dégager des marges, et investir dans le réseau. Spirale vertueuse qui se confirmera (ou pas) en 2014 ou en 2015.
A en croire les opérateurs, la 4G est une réalité. Ou presque. En tout cas c’est pour bientôt, demain, peut-être après-demain mais guère plus tard. Lors de la deuxième table ronde du Forum des télécoms et du net organisé par Les Echos cette semaine, les opérateurs et fabricants de composants ont clairement opté pour « l’effet waouh » de la 4G, thème du débat.
Ce sera peut-être demain, mais pour l’heure, les deux opérateurs présents à la table ronde, Orange et Bouygues Telecom, confirment que le déploiement n’a pas atteint de seuil intéressant. Olivier Roussat, directeur général de Bouygues Telecom, évalue ce seuil à 30 ou 40% de la population couverte, ce qui est loin d’être le cas. Le numéro 3 l'atteindra en octobre prochain grâce à l'utilisation des fréquences 1800 Mhz.
Leviers pour la 4G : services, couverture, mobiles
« C’est le seuil qui permettra de comprendre l’avantage qu’offre la 4G, » explique-t-il. Même raisonnement côté Orange, où Delphine Ernotte-Cunci, directrice générale adjointe, juge que « si l’utilisateur tombe de temps en temps sur une zone couverte en 4G, ce n’est pas une couverture. On travaille donc sur les zones de vie, pour accompagner les gens de leur domicile à leur travail par exemple. »
Autre levier pour faire décoller la 4G : les mobiles. « Au second semestre, il y aura entre 15 et 20 appareils différents compatibles 4G, avec des gammes de prix qui démarrent assez bas, » rappelle Olivier Roussat.
Deux éléments qui doivent donner envie de goûter à la 4G. Et à partir de là, assure le directeur général de Bouygues Telecom, « les clients nous disent tous qu’ils ne pourraient pas revenir en arrière. » Un déploiement massif permettrait ensuite d’engager « des améliorations tarifaires ». Plus de services, donc des forfaits plus chers. C’est le rêve assumé des opérateurs.
C’est le rêve des fabricants, également. Huawei, présent à la table ronde avec son directeur général adjoint, Philippe Perrin, explique que le débit des connexions mobiles est le principal frein à l’adoption de tablettes avec SIM. Pour l’heure, les tablettes se vendent surtout en Wifi-only, mais « avec les tablettes 4G de nouvelles offres vont se développer, beaucoup plus vite, car il y a une immédiateté qui n’existe pas aujourd’hui ».
Pour accélérer la monétisation, Bouygues Telecom compte sur deux paramètres. D’abord, la fin du « plafond de verre des 3Go » de data (fair use), qu’Olivier Roussat juge « dépassé » dans le cadre de la 4G. Ensuite, l’émergence de débits supérieurs à ce qu’offre l’ADSL en situation de mobilité ou même à la maison.
« C’est une vraie souplesse. Pour la première fois on a une technologie mobile qui va plus vite que ce qu’on a à la maison sur le fixe, » affirme-t-il encore, rappelant que côté Bouygues Telecom, « la fibre est dans les trottoirs mais ne s’allume pas chez les gens ».
Des services pour monétiser et "investir"
Manque d’appétence pour la fibre ? Pas sûr. Ce n’est pas l’avis d’Orange en tous cas, qui précise que « chez [eux], ça s’allume chez les gens. » Delphine Ernotte-Cunci rappelle quand même une « différence de fond », c’est le côté personnel de la fibre, avec un débit garanti pour l’utilisateur. Cela dit, elle voit elle aussi la 4G comme une alternative à l’Internet fixe dans certains territoires, comme les zones peu denses.
Jean Varaldi, directeur marketing chez Qualcomm, renvoie les deux opérateurs dos-à-dos sur cette question du choix technologique : « Il ne faut pas tomber dans le piège d’opposer les technologies. L’important, c’est que quand on consulte le web ou autre, on soit dans la situation la plus efficace pour soi, ce n’est pas la technologie utilisée. »
Une distinction qui ne parlera pas forcément aux consommateurs si la consultation est transparente. Or, une partie du problème du démarrage de la 4G ou de la fibre repose sur la perception des utilisateurs. Ce qui compte, jurent les opérateurs, c’est le nombre de services proposés derrière. On en revient à la question du service et du débit : lequel doit précéder l’autre pour en assurer la croissance ?
Orange comme Bouygues Telecom mettent en avant les services. Il s’agit de l’option multi-SIM, chez Orange, pour partager le plafond de data entre différents appareils, « option très prisée par [ses] clients. » Ou des services over-the-top.
Avec la 4G, les trois principaux domaines qui se dégagent en termes de services sont dans l’ordre la vidéo, les offres de cloud (essentiellement du stockage de fichiers chez Orange), et le jeu vidéo. Les marges dégagées par ces nouveaux services doivent permettre l’investissement, afin d’entrer dans une spirale « vertueuse », juge Olivier Roussat.
Discours finalement classique, qui revient à mettre en avant les 3,6 milliards d’euros dépensés par les opérateurs l’an dernier pour l’achat de fréquences. Orange parle de ses gros tuyaux en réseau de collecte, « à 95% opticalisé », Bouygues vante ses « tuyaux énormes », qu’il faut bien financer. On connait la chanson.
Reste que le temps presse. Avec des résultats en forte baisse, les opérateurs ont cruellement besoin de nouveaux leviers de croissance. "Je crains que l'on n'ait pas encore tout à fait touché le fond", se lamente Stéphane Roussel, patron de SFR au Forum des Echos, ajoutant ne pas s'attendre à un effet immédiat de la 4G sur les marges de SFR.
"Le revenu moyen par client 4G sera supérieur de dix euros par mois à ceux qui ont la 3G. Mais je ne sais pas quand : en 2014 ou 2015", poursuit-il.
Les opérateurs européens sont au bord de la rupture, et avec des Ebitda inférieurs à 20%, ça devient compliqué d'investir", souligne Didier Pouillot, responsable à l'Idate.
Quelles sont les conséquences ? "La vision optimiste c'est que la guerre des prix poussée par les acteurs low cost poussent les opérateurs de réseaux à renforcer leurs investissements pour se différencier. La vision pessimiste, c'est celle d'une situation bloquée avec un frein dans l'investissement et donc un retard européen en termes d'infrastructures", analyse Yves Gassot de l'Idate.
Quelles sont alors les pistes de rebond ? Une chose est sûre, tout miser sur la 4G sera loin d'être suffisant. "Le premier niveau, c'est la signature d'accords avec les acteurs OTT, la rationalisation interne et la mutualisation des infrastructures mais le vrai levier ce sont les nouveaux modèles tarifaires", explique le spécialiste.
Les opérateurs français à côté de la plaque
"La clé est de multiplier les abonnements dans le foyer, de mettre en place des scénarios de connexion partagée, de convergence transparente, de modèles tarifaires très segmentés en data", poursuit Didier Pouillot. Ces dispositifs ont d'ailleurs beaucoup de succès aux Etats-Unis mais commencent à être très timidement mis en place en Europe et notamment en France (voir la dernière initiative de Free Mobile).
En fait, les opérateurs français semblent complètement à contre-courant avec des offres 4G trop classiques et calquées sur ce qui a déjà été fait dans le passé. "C'est un peu surprenant, les modèles sont bien trop classiques. On observe une stratégie très défensive...", commente diplomatiquement Didier Pouillot.

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