lundi 18 juillet 2011

Point de vue : Lean IT et Production Informatique

Catégorie : Points de vue ISlean,Stratégie et Lean Management IT 22.02.2010 12 h 30 min
Eric Villesalmon, associé fondateur d'ISlean consulting, nous livre son point de vue sur les apports du Lean Management dans l'univers particulier de la production informatique :
Pour qui connaît le petit monde de la production informatique, il est aisé de constater que les principes du Lean Management sont à l’exact opposé des pratiques que l’on y rencontre au quotidien.
Mais alors les dirigeants, managers et consultants de production font-ils fausse route ? Les productions informatiques n’arrivent-elles pas à être efficientes et orientées clients ? ITIL est à jeter aux orties ?
Rien de tout ça en réalité. Il s’avère juste que les métiers de la production informatique ont atteint un palier de leur évolution et que passer à l’étape suivante va nécessiter de se focaliser sur des sujets peu défrichés jusqu’à présent et également de repartir dans des directions différentes voire opposées dans certains cas. Le Lean management est une démarche adaptée à la maturité actuelle des productions informatique et qui peut leur permettre d’atteindre un nouveau palier d’efficience et d’ajustement de la valeur délivrée à leurs clients.
En effet, le monde de la production a profondément évolué ces 10 dernières années. Ses métiers se sont structurés, professionnalisés et ses pratiques se sont standardisées, sous l’impulsion notable d’ITIL mais également, ne l’oublions pas, par mimétisme des autres pratiques au sein de l’entreprise ou de la DSI (TQM, Balanced Scorecard, Orientation Client, l’automatisation …). On y voit même des consultants, c’est dire !
Il n’empêche qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres :
- Le succès d’ITIL est tel que l’on oublie parfois que l’on partait de très bas. En conséquence on ne compte plus le nombre d’implémentations ITIL où la principale, sinon l’unique, valeur ajoutée d’ITIL est d’avoir créé un langage compréhensible entre la « Prod. » et les Etudes ; voire parfois dans des secteurs tels que la banque un langage compréhensible entre la « Prod » et les métiers (ou la Maîtrise d’ouvrage). Certes ce n’est pas rien, c’est même très important, mais il reste encore du chemin à parcourir pour que la production puisse contenter des clients rendus plus exigeants dans un contexte économique difficile et peu prédictible.
- Le succès d’ITIL est même pour tout dire gênant car il donne l’illusion à beaucoup que « ça y est… on a enfin trouvé le Graal ». Ce serait tellement plus simple si c’était vrai.
Ne rêvons pas, tous ces outils n’ont que peu changé les mentalités au fond.
De l’opérateur au directeur de la production, l’homo productis reste avant tout :
- un spécialiste de la technique : certes on pourra m’objecter qu’en gravissant les échelons hiérarchiques il perd sa spécialisation technique. Oui bien sûr il la perd mais en élargissant son spectre d’intervention et puis au fond notre homo productis manager il sait bien, lui, que tout ça c’est pas nouveau, qu’il avait des compétences techniques sur plein de sujets bien avant « ces petits jeunes qui croient tout savoir sur VMware mais qui feraient bien de s’inspirer de ce qu’on faisait déjà à l’époque avec zVM. ». D’ailleurs comme il est devenu bien plus sage il n’en parle même plus car il sait bien qu’il ne sera pas écouté.- Un soldat de commando : un spécialiste du coup de main en période de crise, avérée ou imminente. (mais plutôt avérée car c’est plus drôle - avec tous ces dirigeants qui s’inquiètent et qui pour une fois s’intéressent, pour quelques heures ou jours, à l’informatique).- Un amoureux du travail bien fait : qui privilégie toujours le zéro impact sur la qualité de service à la mise en production d’un changement fusse t-il urgent. Alors forcément quand on lui demande de faire vite et bien, il fait avant tout bien et quant à aller vite « qu’y z’y vienne pour me dire comment je dois travailler, et puis de toute façon ils sont content maintenant, ça marche non ? ».
Cette histoire et les hommes qui la composent font qu’aujourd’hui la production informatique reste de l’artisanat qu’on tente maladroitement de tayloriser alors que c’est inapproprié et que cela ne représentera jamais une avancée en terme d’efficience ou d’efficacité, notamment parce que c’est complètement contre culturel.
Le lean management représente de mon point de vue une bonne chose pour la production informatique car malgré quelques outils contre-intuitif, il est beaucoup plus en phase avec les éléments structurants de l’état d’esprit des hommes de Prod. En effet le lean s’appuie de manière équilibrée sur le terrain et le management pour identifier et mettre en œuvre des améliorations. Il est basé sur des cycles essais / erreurs (PDCA) courts et dont on doit mesurer les résultats concrets avant de les valider, par opposition à des grands développements conceptuels et intellectuels qui auraient peu de pertinence lors de la mise en œuvre.
Pour imposer une vision Lean, il faut lutter à contre-courant des habitudes sur les points suivants :
- La surqualité car elle se traduit toujours par une perte de contrôle totale sur l’axe temps et force la spécialisation technique des ressources à tous les niveaux. Je milite pour une polyvalence accrue des compétences de niveau 2 en laissant seule l’expertise hyperspécialisée. C’est parfois contre-intuitif pour les personnels de production mais en revanche cela est en phase avec un état d’esprit généralement ouvert et intéressé par la découverte de nouvelles technologies. Les avantages en sont multiples : meilleure maîtrise et contrôle des délais (en réduisant drastiquement les temps d’attente), meilleure maîtrise des délais globaux en permettant de définir des lots de réalisation homogènes pour les activités de gestion des changements et donc de rentrer dans des logiques proches de celles de gestion du temps de cycle ou de temps takt que l’on trouve dans l’industrie manufacturière. Une condition toutefois : l’amélioration de la polyvalence ne se décrète pas c’est une cible et un chemin qui doit être construit avec tout le monde et qui se fait dans la durée.
- La segmentation des activités de niveau 1, 2 et 3. Mais me direz vous, c’est ce que nous dit ITIL depuis toujours. Certes mais force est de constater que le message n’est pas toujours bien compris par le terrain, probablement pour des raisons de méthode. Ces choix d’organisation passent par de la contextualisation et nécessitent l’appropriation de ces mécanismes et indicateurs de performance par le terrain. Souvent les implémentation ITIL se font de manière très top-down, et doctrinales « ITIL a dit qu’il fallait faire comme ça » - c’est généralement faux d’ailleurs ITIL n’a jamais dit qu’il fallait faire de telle ou telle façon – mais malheureusement c’est le travers dans lequel beaucoup sont tombés.
- Le sens du client et le sens de l’anticipation. C’est peut-être le plus dur. La prod ayant un sens de la réactivité hypertrophié et ne voyant le client que par ce prisme. « Postez moi une demande, un besoin, si possible avec des délais impossibles, et pendant que le service client explique que c’est pas possible, moi je fais ». Malheureusement plus ça va et moins ça marche même s’il faut bien le reconnaître : encore souvent la prod. fait des miracles. Le corollaire c’est qu’ayant usée toute son énergie à ramener la situation au nominal on a plus ni l’énergie ni l’intérêt de faire en sorte que cela ne se reproduise pas. Je pense que le Lean management par l’intermédiaire des ateliers Kaizen permet à la production de progresser à son rythme sur ces points et d’installer pas à pas un culture plus importante de la prévention et de l’anticipation. Inutile d’essayer de l’imposer en force c’est peine perdue.
- Dernier point et ce sera une question plus qu’une affirmation. N’a-t-on pas trop communiqué sur l’absolue nécessité de la continuité de service au risque de figer la production dans des positions extrêmement rigides sur les risques de discontinuité d’activité et ce de manière parfois déconnectée des réalités du métier. Le métier n’a-t-il pas autant besoin de continuité au quotidien que d’agilité dans le court et le moyen terme ?
Eric Villesalmon

http://www.islean-consulting.fr/le-blog/2/point-de-vue-lean-it-et-production-informatique/

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