jeudi 21 juillet 2011

Projet de loi consommation : les mesures qui concernent l'e-commerce

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La Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a examiné et amendé le 6 juillet dernier le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, déposé le 1er juin par le secrétaire d'Etat au Commerce Frédéric Lefebvre. Le texte passera devant l'Assemblée nationale en septembre, puis sera examiné par le Sénat. Le gouvernement désire qu'il soit définitivement adopté d'ici le début de l'année prochaine. Benoît Tabaka, directeur juridique de Priceminister, accompagne le JDN dans ce tour d'horizon des multiples mesures qui concernent la vente en ligne.
Réalisé par Flore Fauconnier, Journal du Net Publié le 20/07/201

Informations précontractuelles

Selon les dispositions prévues par le projet de loi, le site marchand n'aura plus l'obligation de préciser la durée de validité de ses offres et de leur prix, une disposition initialement pensée pour les catalogues des vépécistes.


L'e-commerçant devra mentionner sur son site, de manière accessible à tous les internautes n'ayant pas encore acheté, plusieurs mentions relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie commerciale, et à la façon de prendre contact avec le service après-vente.


Le montant de la rémunération pour copie privée devra être précisé aux consommateurs par les distributeurs (e-commerçants ou non) pour tous les supports d'enregistrement concernés par cette taxe.


Informations au moment de l'exécution du contrat


Le projet de loi impose à l'e-marchand de confirmer ces mêmes informations (garanties légales et commerciales) au moment de l'exécution du contrat.


Modalités de l'information


Le projet de loi renforce le principe d'accessibilité des conditions générales (CGV et CGU) déjà prévues par la loi LCEN. D'une part, elles doivent être accessibles depuis la page d'accueil du site "Et tant pis pour les consommateurs qui arrivent sur le site depuis Google, un comparateur de prix, un lien sponsorisé, une newsletter... et qui tombent directement sur une page produit ?" s'interroge Benoît Tabaka, directeur juridique de Priceminister. D'autre part, elles doivent également être accessibles "sur tout support de communication de l'offre". Dans une newsletter ou un e-mailing, la taille du support le permet. "Mais l'incertitude demeure sur d'autres supports, comme les liens sponsorisés ou les offres figurant sur les comparateurs de prix", souligne Benoît Tabaka.


Le Code de la consommation considère déjà comme une pratique commerciale trompeuse le fait d'omettre ou de dissimuler une information substantielle. Ce que le projet de loi tempère selon la taille du support considéré : un tweet ou un lien commercial présentant une offre devrait pouvoir se dispenser de préciser l'ensemble des caractéristiques de cette offre, à condition de les communiquer au consommateur par un autre moyen.

Le projet de loi consommation prévoit que le transporteur ne puisse pas se retourner contre l'acheteur si l'e-commerçant ne lui règle pas les frais de transport, par exemple parce qu'il a fait faillite : le transporteur ne pourra pas demander à l'acheteur de lui régler les frais de livraison que le client a déjà payés au site marchand.


Lorsque l'acheteur "prend personnellement livraison des objets transportés et lorsque le voiturier ne justifie pas lui avoir laissé la possibilité de vérifier effectivement leur bon état", l'acheteur a 10 jours (au lieu de 3 sinon) pour engager la responsabilité du transporteur par une lettre recommandée.


benoît tabaka, directeur juridique de priceminister
Benoît Tabaka, directeur juridique de Priceminister © S. de P. Priceminister

Ces dispositions résultent bien entendu des mésaventures des clients de la Camif au moment de sa liquidation : le transporteur avait exigé des acheteurs qu'ils lui versent des frais de livraison qu'ils avaient déjà payé à la Camif... qui ne les avait pas reversés au transporteur. Toutefois, ces mesures relèvent peut-être d'une "fausse bonne idée"...


"La "lettre de transport" est un régime qui existe depuis très longtemps et qui vise les relations BtoB, explique Benoît Tabaka. Avec l'essor de l'e-commerce, qui nécessite la livraison au domicile du particulier de produits ne pouvant être transportés par la Poste, les transporteurs se sont retrouvés au contact du consommateur et ont eu tendance à appliquer le cadre juridique BtoB qu'ils connaissent."


Sauf que la loi LCEN instaure déjà la responsabilité de plein droit du vendeur pour la vente à distance, qui protège l'acheteur. Tandis qu'avec ce projet de loi, le marchand pourra demander au consommateur d'envoyer une lettre recommandée, avant de traiter sa demande. "Cette mesure conçue uniquement en réaction à un fait exceptionnel – la liquidation de Camif – est absurde : en faisant ainsi entrer au chausse-pied le particulier dans un cadre juridique prévu pour le BtoB, en réalité on lui rajoute une obligation."


Un amendement au projet de loi ajoute et réécrit des exceptions au droit de rétractation que prévoyait la directive "vente à distance" de 1997.


Le texte ajoute une nouvelle exception pour certains "dispositifs médicaux". S'ils ne sont pas détaillés, ils regroupent entre autres les lentilles de contact (périssables) et les lunettes de vues (fabriquées sur mesure).


Jusqu'ici, le consommateur ne pouvait pas faire jouer son droit de rétractation sur les CD, DVD et logiciels lorsqu'il avait retiré leur emballage. Premièrement, concernant les logiciels, le projet de loi limite le périmètre de cette exception à ceux qui ne constituent pas "l'accessoire indissociable d'un bien ou d'un service" : par exemple, le système d'exploitation devient partie intégrante d'un ordinateur acheté et le marchand qui reprend l'ordinateur doit également rembourser à l'acheteur la cotte-part liée à l'OS. Deuxièmement, le texte exclut de cette exception les CD et DVD "lorsque le consommateur a la possibilité d'accéder à l'œuvre enregistrée ou au logiciel (...) par téléchargement" : "si le contenu est par ailleurs disponible en téléchargement, il n'est plus possible d'exercer son droit de rétractation sur un CD non dessellé", met en garde Benoît Tabaka, qui voit surtout dans cette disposition une "boulette rédactionnelle".

Le projet de loi amendé par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale crée un cadre légal pour la vente en ligne de produits optiques.


Un site marchand commercialisant des produits d'optique doivent avoir parmi ses salariés au moins une personne "remplissant les conditions requises pour l'exercice de la profession d'opticien-lunetier".


Un e-commerçant ne peut délivrer de lunettes correctrices et de lentilles de contact correctrices que s'il est en possession d'une ordonnance en cours de validité. "Or les lunettes et les lentilles ne sont en réalité pas des produits soumis à une ordonnance, souligne Benoît Tabaka. Là, on les transforme en produits pour lesquels une autorisation de vente est nécessaire."


Cible de multiples pressions depuis plusieurs mois de la part de Bruxelles comme des grands distributeurs physiques, le secteur de l'optique en ligne a fait l'objet d'un âpre débat au sein du cabinet de Frédéric Lefebvre. Débat qui devrait donc se prolonger dans l'Hémicycle à la rentrée. "D'autant que dans deux ans, c'est le médicament qui arrive en ligne, en application d'une directive européenne de mars 2011, précise Benoît Tabaka. Les produits optiques vont donc donner les bases pour le cadre juridique de la vente en ligne de tous les autres produits médicaux."


Le projet de loi entend donner à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) les moyens de lutter contre le spam. Jusqu'ici, la CNIL et la DGCCRF peuvent toutes deux contrôler les infractions, mais seule la CNIL détenait des pouvoirs de sanction. Le texte prévoit d'en donner également à la DGCCRF, qui pourra donner des amendes jusqu'à 15 000 euros en cas de non-respect du Code des postes et communications électroniques, qui encadre les messages électroniques publicitaires.


Plus largement, la DGCCRF pourra prononcer des amendes jusqu'à 15000 euros en cas d'infraction à la législation protectrice du consommateur, alors que jusqu'à présent elle ne peut que saisir un juge pénal.


La DGCCRF pourra également constater des atteintes à la loi Informatique et Libertés, mais sans pour autant pouvoir sanctionner. "Concrètement, cela revient surtout à donner à la CNIL des petites mains supplémentaires", explique Benoît Tabaka. En matière d'e-commerce, il s'agira par exemple de la sécurité des bases de données des sites marchands, et sans doute bientôt des cookies, dont la CNIL doit encore décider si leur installation doit ou non faire l'objet d'un consentement préalable de la part du consommateur.


La DGCCRF pourra se joindre à des procédures civiles initiées par des particuliers, des associations de consommateurs ou des organisations professionnelles. En mai, à la demande de Frédéric Lefebvre, elle s'était déjà jointe à une plainte posée en avril 2010 par le syndicat hôtelier Synhorcat visant Expedia, Tripadvisor et Hotel.com.


La DGCCRF pourra saisir un juge afin de faire supprimer ou bloquer des contenus illicites. Il n'est donc pas question dans le projet de loi qu'elle ait le pouvoir de fermer un site marchand.


Elle pourra en revanche interdire à un e-commerçant de prendre un paiement avant que ne soit livrée la commande, ceci sur tout ou partie de son catalogue. En cas de non-respect de cette obligation, elle pourra prononcer une amende de 30000 euros. "Un clou supplémentaire dans le cercueil du marchand en difficulté financière auquel cette mesure est destinée, auquel on demande d'alourdir sa trésorerie", estime Benoît Tabaka. S'il regrette cette disposition encore une fois issue de la liquidation de la Camif, le directeur juridique de Priceminister admet néanmoins combien il est difficile de trouver une façon équilibrée de légiférer sur la question.


Enfin, la DGCCRF pourra enquêter sans dire qu'elle est la DGCCRF "lorsque la preuve de l'infraction ou du manquement ne peut être rapportée par un autre moyen". Ses agents auront également la possibilité d'agir sur commission rogatoire de divers juges d'instruction et de réaliser des enquêtes judiciaires de la même façon que des officiers de police judiciaire. Ils seront d'ailleurs également habilités à contrôler l'identité des personnes qu'ils contrôlent. "La DGCCRF devient une sorte de police, aux côtés de la gendarmerie, de la douane et du fisc", analyse Benoît Tabaka.

A lire ailleurs



"Nous sommes entrés en période pré-électorale, rappelle Benoît Tabaka, directeur juridique de Priceminister. Le Parlement devrait arrêter ses travaux vers le mois de février 2012, cette loi est donc probablement la dernière loi consommation du quinquennat. Or sur les 400 amendements déposés par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, seule une petite vingtaine a été adoptée. On devrait donc voir ressurgir les autres pendant l'examen du texte à l'Assemblée, en septembre. Toutefois, les directives européennes ne laisseront pas forcément beaucoup de marge de manœuvre pour modifier le texte. Le projet de loi sera donc certainement encore modifié, mais probablement de façon assez mineure."


Ce projet de loi contient également des dispositions ayant des conséquences sur les opérateurs télécoms, par exemple en matière de déblocage des terminaux mobiles. Des mesures de même nature devraient d'ailleurs aussi être prises, parallèlement, au moment de la transposition en droit français du Paquet Télécom, en juillet ou en septembre. Les deux textes devraient modifier les mêmes articles des différents Codes existants, ce qui présage d'un magnifique sac de nœuds juridique.

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Réalisé par Flore Fauconnier, Journal du Net
Publié le 20/07/2011
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