lundi 4 juillet 2011

L'AFP interdit à ses journalistes Wikipédia comme source de documentation

Publié le dimanche 03 juillet 2011
Tags: Wiki, Réseau social,
Une interdiction en partie logique, en partie excessive... et déconnectée de quelques plagiats par certains agenciers. Mais des JT de TF1 à la fausse mort de Pascal Sevran, les ravages du maljournalisme* ne doivent pas être négligés.
L'Agence France Presse a publié la semaine dernière un guide de l'usage des réseaux sociaux pour ses journalistes. Guide mal fagoté dans la forme: une page en impasse, sans lien vers l'extérieur ni vers une autre partie du site, et surtout sans mention de date ou d'auteur (encore plus curieux pour une agence de presse). Une recherche "extérieure" permet de trouver ce communiqué du 29 juin annonçant ces règles.
Le passage sur Wikipédia (dont la présence surprenante dans ce document laisse à penser que son auteur considère l'encyclopédie collaborative comme un réseau social...) m'a surpris. Le voici:
"Rappelons enfin qu’il est interdit d’utiliser Wikipédia comme source de documentation, encore moins d’en reproduire des passages. Le mode de rédaction participative de cette encyclopédie en ligne ne répond pas à nos critères de fiabilité."
Cette double interdiction (au passage formulée avec une faute, je présume que l'auteur veut dire "encore plus d'en reproduire" et pas "encore moins"...) est douteuse.
L'auteur aurait pu dire quelque chose comme "une information trouvée dans Wikipédia doit toujours être validée par une autre source"; ça tomberait bien, les articles un tant soit peu sérieux de Wikipédia, et sur 1,1 million en français il y en a, ont des sources - c'est même une de ses grandes recommandations (Citez vos sources) découlant logiquement de sa règle de vérifiabilité. En plus, une partie de ces sources sont sous forme de liens vérifiables très vite.
L'auteur de ces règles internes aurait encore pu écrire "Wikipédia ne peut être qu'un point de départ d'une recherche mais ne doit pas être considéré directement comme fiable"; mais là non, on est dans l'interdit quasi religieux.
Certains à l'AFP ont moins de scrupules lorsqu'ils (ne) vérifient (pas) des informations de source uniquement policière et vont jusqu'à écrire qu'un manifestant "affirme avoir perdu un oeil" (après un tir policier de flash-ball, en juillet 2009).
Bon, cela dit en pratique, je serais curieux de savoir combien de journalistes de l'AFP utilisent, en fait, Wikipédia comme point de départ de recherche en dépit de cette règle adjudantesque (à titre personnel – je ne suis pas à l'AFP ;-) - Wikipédia est un de mes outils de travail quotidiens, comme Google par exemple. Ni l'un ni l'autre n'étant exclusifs, faut-il le préciser).
Wikimédia France, l'association qui soutient Wikipédia et les projets associés, a publié hier un billet sur cette prohibition dans l'AFP:L’AFP interdit d’utiliser Wikipédia comme source: entre évidence et ironie.
L'association considère comme logique cette interdiction, Wikipédia n'étant pas elle-même à l'origine des informations mais une source secondaire voire tertiaire. Tout en pointant la démarche comme ironique compte tenu de "certains exemples récents de plagiats par l’AFP (…) Ainsi a-t-on vu récemment des dépêches reprendre presque mot pour mot un article de Wikipédia sans citer leur source: le décès de Wouter Weylandt a notamment été annoncé accompagné d’une liste des cyclistes morts en course, reprise par bien des médias, tel que Yahoo, et dont la source était un article de Wikipédia, non crédité dans la dépêche!"
TF1 et quelques souvenirs...
A l'heure où Jean-Pierre Pernaut présente ses excuses pour un bidonnage (l'attachée de presse, sans enfant, d'un conseil général présidé par le député UMP Eric Ciotti se faisait passer pour une mère de famille anonyme contente de la réforme proposée par le député, le tout dans un reportage sous-traité à Nice-Matin qui lui-même l'avait sous-traité...) passé dans son JT sur TF1 en prétendant "c'est la première fois dans l'histoire de nos journaux", alors qu'on peut dresser une litanie de faits antérieurs (sans remonter jusqu'à l'interview fictive de Castro par PPDA fin 1991), on peut comprendre la prudence un peu excessive de l'AFP.
Après tout, on n'est jamais trop prudent. Au printemps 2008, un "grand professionnel" de la presse, alors patron d'une radio et d'une chaîne de TV, annonçait la création d'un groupe de travail chargé, dans la radio qu'il dirigeait, de réfléchir sur "les sources, la vérification de l'information, la crédibilité des sites Internet, des blogs, les rumeurs, les frontières entre la vie publique et la vie privée".
Manque de chance, le même, Jean-Pierre Elkabbach, ordonnait peu après à "ses" journalistes d'annoncer sur Europe 1 la mort de l'animateur et chanteur Pascal Sevran, avant de se rétracter, victime d'une source unique et non vérifiée...
Pour revenir à Wikipédia, l'annonce d'une mort, que ce soit dans l'article sur la personnalité concernée ou dans un article comme la liste des "Décès en juin 2011", doit impérativement être sourcée sur un site officiel ou de média "reconnu", sans quoi elle est effacée dans les instants qui suivent.
* "Maljournalisme", selon l'expression du journaliste Jean-Pierre Tailleur, auteur d'un excellent livre, "Bévues de presse" (éd. du Félin, 2002). A propos de journalisme, merci au confrère qui dans une liste de discussion a donné deux liens fort utiles sur l'AFP et TF1.
Image par Electron (Wikipédia), sous licence Creative Commons Paternité (CC by)

http://www.zdnet.fr/blogs/l-esprit-libre/l-afp-interdit-a-ses-journalistes-wikipedia-comme-source-de-documentation-39762178.htm#xtor=EPR-100

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