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Les salariés-clés sont une source considérable d'informations pour
l'entreprise. Les dirigeants gagnent à s'appuyer sur leurs talents pour
gagner des coups d'avance.
Ce texte vous est proposé en partenariat avec la revue « Personnel » éditée par l'ANDRH.
C'est une curieuse affaire à laquelle a été confrontée, il y a deux ans, cette entreprise industrielle. Certains de ses chercheurs, travaillant tous dans le même laboratoire, sont contactés les uns après les autres par un cabinet de chasse de têtes pour des entretiens devant déboucher sur une proposition d’emploi beaucoup plus intéressante dans une autre entreprise. Quelques-uns des chercheurs, formés aux questions de sécurité, en parlent entre eux. Etonnés de cette invitation visant un seul et même service, ils portent l’affaire auprès de leur direction des ressources humaines. Un consultant en intelligence économique démontre que le cabinet de chasse de têtes a été missionné par un concurrent souhaitant disperser une équipe de scientifiques travaillant dans un domaine stratégique.
Dans un monde où les talents sont une ressource essentielle pour l’entreprise, et où certains n’hésitent pas à lancer des manœuvres obscures pour s’en emparer, l’intelligence économique apporte une aide considérable aux directions des ressources humaines.
Ce concept d’intelligence économique, né de la pratique, consiste à
rassembler des données, ces faits bruts, les vérifier, les recouper et
les mettre en lien afin de construire l’information qui permettra de
veiller sur l’environnement de l’entreprise, assurer sa sécurité et
influencer son environnement. Ces données relèvent de l’informel, du non
structuré. Ce sont des signaux faibles, ces éléments fragmentaires, peu
ou pas apparents, ne reposant pas sur des certitudes. C’est dans cet
univers informel, mouvant, que l’intelligence économique peut apporter
une aide aux directeurs des ressources humaines. Et particulièrement
dans le domaine de la gestion des talents, ces salariés-clés, managers
de haut niveau ou experts dans un domaine stratégique, dont le départ ou le désengagement peut provoquer des difficultés très importante pour l’entreprise. Ces talents sont à la fois le problème et la solution.
Le problème car, en s’attaquant à un petit nombre de ces salariés si
sensibles, un concurrent peut déstabiliser l’entreprise. Afin de
l’éviter, le spécialiste de l’intelligence économique doit repérer les signaux faibles qui annoncent la catastrophe qui vient. Il procède d’abord à une transformation, celle des éventuelles proies, les talents, en alliés. Pour cela, ces salariés-clés doivent être formés à la sécurité,
avec doigté. Il serait illusoire et contre-productif de leur interdire
toute rencontre avec des chasseurs de têtes, de tenir un compte
Facebook, de parler avec des collègues d’autres entreprises. Ces
communications, cette ouverture au monde font partie de leur vie et
apportent à l’entreprise. Il ne faut pas transformer ces talents en
gamins terrorisés enfermés dans un parc grillagé.
Au contraire, loin d’une optique paranoïaque, ces formations doivent les inciter à rester
prudent dans leurs conversations sur les réseaux sociaux, à protéger
leurs communications orales dans un train, à détecter les approches un
peu trop insistantes d’un cabinet de recrutement, et, surtout, à
informer sa hiérarchie, voire la direction de la sécurité, de ces
petits faits inhabituels. Un environnement de confiance doit être créé
autour de la protection du patrimoine immatériel de l’entreprise. Le
spécialiste en intelligence économique doit ensuite étendre une veille
globale autour de ces salariés-clés afin de détecter les risques les
concernant en se renseigner sur les projets des concurrents,
en comparant la carte des ressources humaines de l’entreprise et celle
de ses concurrents afin d’en déduire les besoins de ceux-ci en talents,
et donc les risques existants.
En ce domaine, encore, les talents doivent être également formés à
l’acquisition de l’information. Il convient, dans un premier temps, de
les « débloquer » vis-à-vis du recueil des données. Ce n’est pas être un
misérable espion, un horrible « cafard », que de rapporter des
informations au retour d’un colloque ou d’un salon. C’est peut-être là
le travail le plus délicat à accomplir, une véritable révolution
psychologique ! Ils peuvent être également formés au recueil
d’informations à travers, par exemple, la pratique des rapports d’étonnement.
Il convient ensuite également de les préparer à transmettre ces
informations soit à leur hiérarchie soit, plus efficacement, à leurs
collègues. Les talents doivent alors être également formés et valorisés à l’utilisation et l’entretien de leurs réseaux
– par exemple en prenant la présidence d’une association d’anciens
élèves. Les exemples étrangers peuvent appuyer le raisonnement,
notamment celui, tout à fait caractéristique, des cadres britanniques
dont la seconde nature les amènent, chaque soir, à se rassembler dans
les pubs pour échanger des informations.
Ainsi, un travail approprié auprès des salariées-clés peut conduire à
une amélioration conséquente de l’efficacité et de la sécurité de
l’entreprise. Point n’est besoin d’envisager l’organisation comme un
service de renseignements. Ce n’est pas son objet. Point n’est besoin
non plus d’envisager l’entreprise comme un bunker fermé sur l’extérieur.
Cela la conduirait directement à la catastrophe. Mieux vaut la
considérer comme un être vivant, ouvert sur l’extérieur mais, également,
sachant se protéger. C’est le gage de sa croissance. C’est cette
organisation plastique qui est aujourd’hui l’avenir des entreprises.
Dans un univers de l’économie de la connaissance, le travail sur l’information est devenu stratégique. Intelligence économique et ressources humaines doivent marcher de concert pour construire l’entreprise apprenante.
Les salariés-clés sont une source considérable d'informations pour
l'entreprise. Les dirigeants gagnent à s'appuyer sur leurs talents pour
gagner des coups d'avance.
Ce texte vous est proposé en partenariat avec la revue « Personnel » éditée par l'ANDRH.
C'est une curieuse affaire à laquelle a été confrontée, il y a deux ans, cette entreprise industrielle. Certains de ses chercheurs, travaillant tous dans le même laboratoire, sont contactés les uns après les autres par un cabinet de chasse de têtes pour des entretiens devant déboucher sur une proposition d’emploi beaucoup plus intéressante dans une autre entreprise. Quelques-uns des chercheurs, formés aux questions de sécurité, en parlent entre eux. Etonnés de cette invitation visant un seul et même service, ils portent l’affaire auprès de leur direction des ressources humaines. Un consultant en intelligence économique démontre que le cabinet de chasse de têtes a été missionné par un concurrent souhaitant disperser une équipe de scientifiques travaillant dans un domaine stratégique.
Intelligence économique et fidélisation des talents
Pour aller plus loin
Repérer les signaux faibles
Pascal
Junghans, enseignant aux universités de Poitiers et de Troyes, expert
scientifique auprès du Conseil supérieur de la formation et de la
recherche stratégique (CSFRS)
Former les salariés-clés à la sécurité
« Un environnement de confiance doit être créé autour de la protection du patrimoine immatériel de l’entreprise. »
-
Pascal Junghans
... et à l'intelligence économique
Car la sécurité de l’entreprise passe également par une politique de renseignement d’entreprise. Et, dans ce contexte, les salariés-clés, deviennent une solution. Ils sont une source d’informations considérable pour l’entreprise. Ces talents ont pour particularité notable le fait de disposer de réseaux étendus en dehors de l’entreprise – les anciens de leurs écoles, les collègues rencontrés de colloques en colloques … Ces talents parlent constamment avec leurs homologues des sujets qui les concernent. Ces dialogues font partie intrinsèque de leur vie professionnelle. De par ses réseaux étendus – ils sont les seuls à en disposer dans l’entreprise à l’exception des directions générales – ils peuvent obtenir des données très importantes pour l’entreprise, ces petits faits qui donnent des indications sur un marché prometteur, de nouveaux produits à lancer, une percée technique.Favoriser le recueil de données : une révolution psychologique
Attention à la loi
-
Trop souvent, les spécialistes de l’intelligence économique oublient
que, dans l’entreprise, le code du travail prime. Ce qui conduit
parfois à des catastrophes. La sécurité des talents et leur formation
au recueil de données ne devra pas ignorer ce fait essentiel. De la
même manière, une action d’intelligence économique ne devra ignorer
que, dans la recherche des données utiles, l’entreprise vit dans un
univers concurrentiel et non pas dans celui des relations
inter-étatiques.
S'ouvrir vers l'extérieur tout en se protégeant
Pour aller plus loin
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