A lire sur: http://www.atelier.net/trends/articles/convergences-marches-emergents-plus-technologies-faut-une-structure-forte_424063
Le groupe Agasha a mis en place une
plateforme de communication auprès des fermiers et professionnels de
l'agriculture en Ouganda qui permet de désenclaver les producteurs
agricoles.
A l’occasion de sa venue au Forum Convergences, Sharon Againe, fondatrice et directrice d'Agasha Group Limited,
nous parle des mérites de l'innovation pour les PME dans les pays
émergents, à travers son projet, AgroBuisness Directory qui met en
relation les acteurs du monde agricole ougandais.
L'Atelier : Développer l’innovation dans le secteur agricole n’est pas chose facile, et ce d’autant plus quand on s’adresse à un pays émergent. Quel est le plus grand obstacle à son déploiement ?
S. Againe : Ma formation universitaire dans le domaine de
l'agronomie m’a permis de constater un manque criant dans le secteur
agricole ougandais : celui du réseau. La question n'était pas tant celle
des techniques agricoles ou des cultures choisies mais bien le fait que
la production agricole est extrêmement fragmentée en Ouganda. Nous
avons une multiplicité de petites exploitations, et une structure
d'échange encore traditionnelle. Si on recherche une production et une
quantité particulière, il est très difficile de rentrer en contact avec
les producteurs. Dès 2008, l'idée a germé de mettre en place une
plateforme qui permette de renseigner clients et acheteurs sur l'état de
l'offre du produit recherché. Où ? Quand ? Combien ? Les informations
basiques nécessaires à la mise en place d'une structure d'échange.
Cependant nous n'avions pas de fonds à ce moment là. Après avoir laissé
mûrir l'idée, je me suis présentée au prix Orange de l’entrepreunariat social en Afrique
en 2011, et nous avons gagné un financement qui nous a permis de
commencer à faire vivre notre projet. Dès 2012, nous avons lancé notre
premier annuaire AgroBuisness. Pour cela, il nous a fallu récupérer
auprès des producteurs les information de contact et de les centraliser
en un annuaire. Et l'idée a pris : nous avons environ 600 fermiers
cette année et plus de 1400 pour l'année prochaine. Notre but était
simple, faciliter les échanges, et les acteurs de l'agrobuisness l'ont
bien compris et nous soutiennent.
L'Atelier : Vous parlez d'un annuaire, est-ce une plate forme en ligne, un réseau de networking pour les acteurs de l'agriculture?
S. Againe : Effectivement, c'était notre but premier. Et
nous avons travaillé avec plusieurs entreprises informatiques sur cette
question. Mais nous nous sommes heurtés à un obstacle insurmontable pour
le moment : le réseau internet en Ouganda est encore trop peu
développé. Notre annuaire est en version papier, mais la plateforme en
ligne reste notre but, et nous entendons pouvoir la mettre en place à
l'orée 2020, quand notre base de données sera encore plus complète et
l'état du réseau le permettra. L'innovation dans les pays émergents,
c'est aussi savoir s'adapter à notre marché, et notre annuaire papier,
plus traditionnel, s'avère nettement plus efficace et utile aujourd'hui
qu'une plateforme internet.
L'Atelier : Justement, comment est-ce que vous voyez les effets de l'innovation dans les pays émergents?
S. Againe : Comme vous voyez, c'est loin d'être si simple.
Quand on dit innovation, on entend souvent nouvelles technologies,
numérique et digital. Mais dans les marchés émergents, il s'agit souvent
d'abord de mettre en place une structure forte pour permettre les
échanges. Cela se fait par étapes et, comme pour notre initiative, cela
n’a pas à être révolutionnaire mais encore faut-il y penser et le mettre
en place. Mais bien sûr, et particulièrement dans les marchés émergents
qui sont très morcelés, aussi bien au niveau des acheteurs que des
producteurs, les innovations, quelle que soient leur niveau, peuvent
créer un effet d'accélération auprès des PME.
L'Atelier : Comment, dès lors, analyseriez vous votre impact potentiel sur le marché ougandais?
S. Againe : En Ouganda, 80% des entreprises sont des PME,
et les 20% restantes sont principalement des grandes entreprises
étrangères dont les profits ne restent pas en Ouganda. En accélérant le
marché agricole en Ouganda, en facilitant le renforcement d'un vrai
marché local, nous pouvons avoir un impact social plus qu'enviable. Les
fonds restent dans les campagnes et permettent à qui d'envoyer son fils à
l'école plutôt que de le garder à la maison, à qui d'embaucher ou de
réinvestir dans la communauté.
L'Atelier : Pensez-vous à l'expansion au dehors de vos frontières?
S. Againe : Nous avons eu déjà des propositions de la part
du Rwanda, car notre système, aussi simple soit-il, est adaptable à
d'autres secteurs de marché et d'autres localités. Mais au delà de nos
voisins qui partagent une situation similaire à la nôtre, il serait
inefficace de chercher à s'étendre trop. Nous avons des problèmes
structurels spécifiques que nous consolidons mais, bien sûr, l'idée d'un
grand marché agricole avec le Rwanda serait une excellente chose.
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