dimanche 24 juillet 2011

Sun avait proposé une licence Java à Google contre 100 millions de dollars

Edition du 22/07/2011 - par Serge Leblal avec IDG NS

Avant de passer dans le giron d'Oracle, Sun Microsystems avait envisagé de céder en licence sa technologie Java à Google contre un chèque de 100 millions dollars, a expliqué un avocat de Google le jeudi 21 juillet. Une manière de montrer qu'Oracle n'est vraiment pas raisonnable en demandant plusieurs milliards de dollars pour contrefaçon de brevet.

Oracle et Google étaient présents devant le tribunal de San Francisco ce jeudi pour une audience portant sur le procès qu'intente Oracle à Google pour violation des brevets Java dans l'OS Android. D'humeur querelleuse, le juge William Alsup a commencé par lancer un avertissement aux représentants d'Oracle en leur indiquant que « ce tribunal n'est pas une filiale en propriété exclusive d'Oracle Corporation » et poursuivi en signifiant à Andy Rubin, qui dirige l'activité Android chez Google, qu'il sera « sur la sellette » lors de ce procès .

Le juge a également précisé qu'il pense que les revenus publicitaires de Google sont liés à la valeur d'Android - un point que conteste vigoureusement Google - et que la firme devra payer des dommages et intérêts « probablement des millions ... peut-être des milliards » si la contrefaçon est prouvée.

Oracle a poursuivi Google en août dernier, affirmant que son OS Android viole sept brevets liés à Java, ainsi que les droits d'auteur de Java, qu'Oracle a acquis lors du rachat de Sun Microsystems.

Une première confrontation très rude

Cette audience devant la cour de justice de San Francisco a été la première occasion d'entendre les représentants de Google tentaient de contrer les experts d'Oracle au sujet du montant des dommages exigés en réparation. Robert Van Nest, un des avocats de Google, a ainsi affirmé au juge Alsup que l'expert d'Oracle n'avait pas réussi à prouver que l'utilisation des brevets d'Oracle avait entrainé des dommages estimés entre 1,4 et 6,1 milliards de dollars. L'expert ignorait par exemple que Sun avait proposé à Google il y a trois ans une licence « tout-en-un » sans redevance pour Java contre un chèque de 100 millions de dollars. Une offre rejetée par Google a précisé Robert Van Nest. L'offre a été faite alors que Google venait juste de commencer le développement de la plate forme Android. Mais si Google a tenté de négocier une licence pour Java, le juge Alsup a insidieusement demandé si Google ne savait pas qu'il allait enfreindre les droits relatifs aux brevets de Sun ? «Dites-moi pourquoi il n'y aurait pas d'infraction délibérée ici. » a-t-il souligné.

« La négociation qui a eu lieu n'avait pas été une négociation de licence pure», a répondu Robert Van Nest. Google a essayé de collaborer avec Sun pour co-développer Android, a-t-il dit. Lorsque les pourparlers ont échoué, Google est retourné dans ses labos pour développer en interne une version de la technologie Java ou utiliser une plate-forme sous licence Apache Software Foundation. Alors, pourquoi Google pensait-il avoir besoin d'une licence ? , désirait savoir le juge Alsup. « Ils ont négocié un accord », a répondu l'avocat. « Ils ne s'étaient pas dit qu'ils avaient besoin d'une licence pour cette technologie; il sont venus voir Sun en disant qu'il avait un produit qu'il aimerait construire conjointement. Vous avez une technologie qui pourrait être utile, nous avons une technologie qui pourrait vous être utile, devenons partenaires pour le construire ensemble ».
Si le juge a été pointilleux avec l'avocat de Google, il a été encore plus exigeant avec Oracle. Il n'a pas dit ce jeudi s'il allait suivre les estimations des experts d'Oracle, mais il pense clairement l'évaluation supérieure des dommages et intérêts est trop élevée. « Il n'y a rien là-dedans, mais seulement un gars payé 700 dollars de l'heure qui arrive avec une estimation de 6 milliards de dollars. Allons...» a déclaré William Alsup, après avoir demandé à Oracle combien son expert était payé.

Steven Holtzman, un avocat d'Oracle, a déclaré au juge avoir assez fait pour démontrer que les demandes de dommages-intérêts reposaient sur des brevets. « Vous ne pouvez même pas me dire maintenant ce que vous allez faire valoir lors du procès » a rétorqué le juge, « et vous voulez me faire croire que vous allez décider comment s'applique les règles sur le marché entier ? C'est fou et vous n'allez pas aller dans cette direction. Willaim Alsup a fait pression sur Oracle afin de réduire ses revendications lors du procès.

Un courriel embarrassant pour Google

Exhibant un «document Google», qui montre que la compagnie de Mountain View a volontairement enfreint des brevets de Sun, Steven Holtzman a indiqué qu'il ne souhaitait pas en discuter lors d'une «audience publique». Cela a aussi entrainé la colère du juge Alsup. « Vous autres avocats n'aillaient pas décider ce que le public peut savoir de ce qui se passe dans cette cour de district fédérale », a-t-il grondé. « Ce tribunal n'est pas une filiale d'Oracle. Si Google a indiqué dans un mémo nous sommes sur le point de violer volontairement des brevets, il n'y a pas moyen de garder ça secret ». L'e-mail d'un cadre de Google à Andy Rubin, le responsable de la division Android, démontre selon Oracle que Google a reconnu qu'il avait besoin d'une licence pour Java. L'avocat a lu une partie de l'email à la cour: « Ce que nous avons effectivement fait l'a été suite à la demande de Larry et Sergey d'étudier quelles alternatives technologiques à Java existent pour Android et Chrome », écrit le cadre de Google, en se référant aux fondateurs Larry Page et Sergey Brin. « Nous avons été plus d'une centaine à réfléchir à la question. En conclusion, nous estimons que nous avons besoin de négocier une licence pour Java ».
« Ce document est une assez bonne chose pour vous », a déclaré le juge Alsup. « Cela devrait être d'un grand secours pour vous au procès ».
Plus tard, il demanda l'avocat de Google: « Que pensez-vous de ce mémo ... pour Andy Rubin, il sera sur la sellette au procès et devra s'expliquer sur ce mail .... Je suis d'accord avec vous, il ne veut pas [? parler] de brevets, mais vous ne pensez pas un bon avocat saura convaincre un jury qu'il [renvoie à] une licence sur les brevets? Comment allez-vous vous débrouiller avec cela ? »

«Vous allez être du côté des perdants avec ce document destiné à Andy Rubin. Que pensez-vous sur ce sujet » a poursuivi le magistrat. L'e-mail a été écrit l'an dernier a protesté l'avocat Van Nest, longtemps après que Google ait développé Android. « Alors, pourquoi étiez-vous à la recherche d'une alternative à Java ? » a voulu savoir le juge. Quand Oracle avait menacé de poursuivre Google en justice et de réclamer des milliards de dollars, Google a été cherché une autre plateforme, a répondu l'avocat.

Appel à témoignages

Jonathan Schwartz, ancien PDG de Sun, appelé à témoigner dans cette affaire est apparu ce jeudi. Il a indiqué qu'Android n'utilisait pas d'éléments de la plate-forme Java, et qu'elle était basée sur une technologie développée par Google ou sous licence de l'Apache Software Foundation, et que Sun avait accueilli ce travail comme un moyen d'étendre l'utilisation de Java, selon l'avocat Van Nest. Cela pourrait saper les réclamations d'Oracle en terme de dommages et intérêts, qui sont en partie basés sur l'idée que Sun craint qu'Android fragmente la plate-forme Java.

Un autre argument sur lequel repose la demande de dommages et intérêts d'Oracle repose sur l'affirmation selon laquelle Android contribue aux revenus publicitaires de Google. Ce dernier rétorque ce que point n'a rien à voir avec les brevets en cause, et qu'il fournit Android gratuitement. Cela voudrait dire le montant des dommages et intérêts que doit Google sont proche de « zéro » ont protesté les avocats d'Oracle. «C'est ridicule et cela ne va pas arriver, vous n'avez donc pas à vous inquiéter à ce sujet », a déclaré le magistrat. « Ce sera probablement des millions - je ne sais pas, peut-être des milliards, je suis sûr d'une chose, zéro est une estimation ridicule. » Google a « totalement faux » quand il indique les revenus publicitaires ne sont pas liés à la valeur d'Android, a indiqué le juge.

En pointant des trous dans les argumentaires des deux sociétés, le magistrat a peut-être tenté de les pousser vers un règlement à l'amiable. Un procès d'une durée de trois semaines devant un jury est actuellement prévu pour le 31 octobre.
Illustration principale : Andy Rubin, responsable de l'activité Android chez Google

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