Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
On peut stocker des données au sein de matériaux magnétiques en réalisant des sortes de tourbillons
magnétiques, les skyrmions. Nécessitant des densités de courant
électrique 100.000 fois plus faibles pour être manipulés que les paquets
d’atomes magnétisés des mémoires standards, ces skyrmions pourraient être utilisés pour réaliser des ordinateurs plus rapides, plus petits et plus économes.
Depuis quelques années, les physiciens du solide découvrent que des structures exotiques prédites depuis longtemps dans les matériaux magnétiques existent bel et bien. Le cas des monopoles magnétiques est célèbre mais on a découvert aussi plusieurs exemples de skyrmions.
En 2009, des chercheurs allemands de l’université de Cologne et de la Technische Universitaet Muenchen (TUM) à Munich avaient ainsi mis en évidence l’existence de cristaux de skyrmions magnétiques. Les skyrmions sont des solitons, sortes de paquets d’énergie stables dans des milieux décrits par des équations non linéaires aux dérivées partielles. L’un des exemples les plus connus se trouve en hydrodynamique. Il s’agit du mascaret, une onde solitaire observée la première fois par l'Écossais John Scott Russell au XIXe siècle qui a suivi pendant plusieurs kilomètres une vague remontant le courant et qui ne semblait pas vouloir faiblir.
En raison de leur caractère stable, on a proposé à
plusieurs reprises que les particules élémentaires soient des solitons.
C’est ce qu’avait avancé le physicien britannique Tony Skyrme il y a
plus de cinquante ans. Les particules de Skyrme, baptisées en son
honneur des skyrmions, peuvent être vues comme des tourbillons emportant
du moment cinétique dans des milieux continus, par exemple des paquets d’atomes avec leur spin, un moment cinétique intrinsèque, orienté dans un champ magnétique. Souvent leur stabilité s’explique en liaison avec la topologie, une branche de la géométrie.
Exemple
de skyrmions émergeant dans un réseau d'atomes magnétiques en deux
dimensions plongés dans un champ magnétique. Les atomes sont comme des
petits aimants
dont l'orientation magnétique est donnée par les flèches en bleu et
jaune. On voit des sortes de tourbillons locaux formés par des solitons
topologiques. Topologiques parce qu'il n'est pas possible de
transformer par déformation continue une distribution de flèches
considérée en une autre sans tourbillons. De la même manière, une sphère
ne peut pas devenir un tore par déformation continue puisque ce dernier
possède une discontinuité, un trou. De même un tore n'est pas
topologiquement équivalent à un bretzel puisque lui possède au moins
deux trous. © Technische Universitaet Muenchen (TUM)
C’est d’abord dans un composé basé sur le manganèse
et le silicium que les skyrmions magnétiques ont été découverts. Mais
des chercheurs japonais n’ont pas tardé à prouver que le phénomène se
produisait aussi dans d’autres milieux magnétiques en physique du
solide.
Des mémoires magnétiques miniaturisées avec skyrmions
Voilà qui peut intéresser l'informatique. En effet, des skyrmions peuvent se former avec une dizaine d’atomes
seulement et on peut s’en servir pour stocker des bits d’informations.
Or, il faut environ un million d’atomes orientés magnétiquement dans le
même sens pour stocker un bit sur un disque dur
ou une bande magnétique. Maîtriser l’écriture et la lecture de données à
l’aide de cristaux de skyrmions magnétiques est donc une nouvelle voie
de recherche qui pourrait faire encore chuter la taille des mémoires magnétiques. Plus généralement, ces skyrmions sont intéressants en spintronique.
De nouveaux travaux des chercheurs de l’université de Cologne et de la Technische Universitaet Muenchen (TUM), publiés dans le journal Nature mais disponibles sur arxiv vont dans ce sens.
En utilisant des faisceaux de neutrons, les physiciens ont découvert que des densités de courant électrique (en ampères/m2)
100.000 fois plus faibles que celles utilisées pour manipuler des bits
magnétiques dans les mémoires standards suffisaient pour manipuler les
skyrmions. En théorie, cela signifie donc qu’il est possible de stocker
et de manipuler de l’information sur des supports magnétiques bien plus
petits que ceux dont on dispose actuellement et avec moins d’énergie.
On peut donc espérer un nouveau bon technologique
dans l’avenir avec des cristaux de skyrmions. Mais on ne saurait passer
sous silence une difficulté importante à surmonter pour que cette
technologie future entre dans notre vie quotidienne. Les propriétés de
conduction découvertes par les chercheurs ne fonctionnent qu’à très
basses températures. Comme pour la supraconductivité, il faudrait pouvoir obtenir les mêmes phénomènes à températures ambiantes.
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/physique-1/d/les-ordinateurs-du-futur-utiliseront-peut-etre-des-skyrmions_37074/#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20120229-[ACTU-les_ordinateurs_du_futur_utiliseront_peut-etre_des_skyrmions]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire