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Les excitons sont des quasiparticules théorisées une première fois en 1931 par le physicien russe Yakov Frenkel (1894-1952). © Wikimedia Commons, DP
Les sources
infrarouges des fibres optiques sont fabriquées avec des matériaux à
base de métaux, comme l'indium. Un progrès consisterait à disposer de
sources équivalentes issues de matériaux plus abondants. Des chercheurs
viennent de faire un pas en ce sens, en utilisant des nanotubes de
carbone dans lesquels des excitons peuvent se recombiner en donnant des
photons infrarouges.
Le 08/08/2013 à 17:28
- Par
Vue d'artiste d'un électron (bleu) et d'un
trou (rouge) formant un exciton dans un nanotube de carbone. En bas, les
deux particules se recombinent selon un processus radiatif,
c'est-à-dire avec émission de lumière dans l'infrarouge. Des nanotubes
similaires pourraient servir de sources infrarouges pour les
télécommunications dans un futur proche. © Yuhei Miyauchi et al., Macmillan Publishers Limited, 2013
Les nanosciences et la nanotechnologie connaissent
un essor sans précédent de par le monde. Certains attendent de ces
progrès de nouvelles révolutions technologiques et énergétiques aptes à
relever les défis majeurs du XXIe siècle, comme le développement durable. Parmi les stars du nanomonde, les nanotubes de carbone ont quelque peu déserté le devant de la scène, depuis que le graphène est érigé en matériau miracle.
Or, les nanotubes sont loin d’avoir dit leur dernier mot, comme le prouve une récente publication à leur sujet dans Nature Photonics. Elle illustre les surprises rencontrées dans le domaine de la physique du solide, quand des assemblages d’atomes en interaction peuvent être considérés comme des structures à une et deux dimensions.
Futures sources infrarouges pour fibres optiques
La découverte des chercheurs concerne la possibilité de transformer des nanotubes de carbone en sources lumineuses. Les télécommunications par fibre optique sont de plus en plus importantes dans le monde, et elles reposent souvent sur l’utilisation de sources de photons dans le proche infrarouge. Ces sources sont fabriquées avec des composés chimiques contenant des métaux comme l’indium et le galium. Par exemple, le phosphure d'indium (InP) est souvent le substrat des composants optoélectroniques (Led, diodes laser,
photodiodes) pour les communications sur fibres optiques (réseaux FTTH,
métropolitains et longue distance, à longueur d’onde entre 1.300
et 1.550 nm).
S’il était possible de fabriquer des Led et des diodes laser
dans le proche infrarouge presque uniquement avec du carbone, cela
serait bien préférable du point de vue des ressources disponibles,
plutôt que de continuer à utiliser des composants à base de métaux plus
rares. Mais tout le problème consiste à obtenir des sources de photons
infrarouges suffisamment efficaces, et c’est précisément dans cette
direction que les auteurs de l’article de Nature Photonics ont fait des progrès. La clé dans la mise au point de ces composants ? L’utilisation des excitons dans des nanotubes de carbone.
Les excitons sont des quasiparticules théorisées une première fois en 1931 par le physicien russe Yakov Frenkel (1894-1952). © Wikimedia Commons, DP
Rappelons que les excitons,
des objets bien connus dans le domaine de l’optronique, sont des
quasiparticules propres à la physique de la matière condensée. Ce sont
des conséquences directes des lois de la mécanique quantique dans un matériau semi-conducteur ou isolant. Sous l’action d’un photon, une paire électron-trou (le trou est une charge positive laissée par l'éjection de l'électron de sa bande d'énergie initiale) peut se former dans ces matériaux, puis migrer en restant liée par la force de Coulomb (qui exprime la force électrique s'exerçant entre deux particules chargées), en formant l'analogue d'un atome d'hydrogène.
Meilleur rendement avec de l'oxygène dans les nanotubes de carbone
On savait déjà générer de la lumière avec des excitons dans des nanotubes de carbones,
par production d’excitons sous l’action d’un courant électrique ou d’un
faisceau lumineux. Les électrons et les trous formant les excitons se
recombinent ensuite selon deux processus, dont l’un s’accompagne d’une émission de photons. Mais jusqu’à présent, les rendements étaient faibles, de l’ordre de 1 %.
Les physiciens ont atteint des rendements plus
élevés en utilisant une méthode habile pour dépasser ce qui limitait
jusqu’à présent l’importance des processus de recombinaison
dit radiatifs. En effet, les défauts dans la paroi des nanotubes de
carbone interagissent fortement avec les excitons lors de leurs
déplacements. Ce sont ces défauts qui conduisent majoritairement à des
recombinaisons non radiatives. L’astuce employée par les chercheurs a
été d’introduire des défauts produisant plus souvent des recombinaisons
radiatives cette fois-ci. En l’occurrence, il s’agissait de l’insertion
d’atomes d’oxygène dans les parois des nanotubes de carbone. Le
rendement a alors atteint 18 %.
Cependant, un long chemin reste encore à parcourir avant d’avoir des fibres optiques
alimentées en photons infrarouges par des sources constituées de
nanotubes de carbone. Mais les physiciens ont maintenant bon espoir
d’accroître encore le rendement en suivant la même méthode, à savoir
introduire des défauts adéquats et plus favorables aux recombinaisons
radiatives avec des excitons.