samedi 1 mars 2014

Le futur des mémoires magnétiques passe-t-il par les skyrmions ?

A lire sur: http://www.futura-sciences.com/magazines/matiere/infos/actu/d/physique-futur-memoires-magnetiques-passe-t-il-skyrmions-52485/#xtor=EPR-17-%5BQUOTIDIENNE%5D-20140301-%5BACTU-Le-futur-des-memoires-magnetiques-passe-t-il-par-les-skyrmions--%5D

On étudie depuis quelques années les bases de nouveaux types de mémoires utilisant des sortes de tourbillons stables dans les matériaux magnétiques : les skyrmions. Ces solitons topologiques pourraient permettre de miniaturiser les mémoires magnétiques. On vient d'observer pour la première fois des états liés de deux skyrmions, des molécules en quelque sorte.


Exemple de skyrmions émergeant dans un réseau d'atomes magnétiques en deux dimensions plongés dans un champ magnétique. Les atomes sont comme des petits aimants dont l'orientation magnétique est donnée par les flèches bleues et jaunes. On voit des sortes de tourbillons locaux formés par des solitons topologiques. Ils sont appelés topologiques car il n'est pas possible de transformer une distribution de flèches par déformation continue en une autre sans tourbillons. De la même manière, une sphère ne peut pas devenir un tore par déformation continue, puisque celui-ci possède une discontinuité, un trou. De même, un tore n'est pas topologiquement équivalent à un bretzel, qui possède au moins deux trous. © Université technique de MunichExemple de skyrmions émergeant dans un réseau d'atomes magnétiques en deux dimensions plongés dans un champ magnétique. Les atomes sont comme des petits aimants dont l'orientation magnétique est donnée par les flèches bleues et jaunes. On voit des sortes de tourbillons locaux formés par des solitons topologiques. Ils sont appelés topologiques car il n'est pas possible de transformer une distribution de flèches par déformation continue en une autre sans tourbillons. De la même manière, une sphère ne peut pas devenir un tore par déformation continue, puisque celui-ci possède une discontinuité, un trou. De même, un tore n'est pas topologiquement équivalent à un bretzel, qui possède au moins deux trous. © Université technique de Munich
La physique du solide, que l’on appelle aussi parfois physique de la matière condensée, détient les clés de tous les bonds technologiques en électronique. Elle fait largement usage des équations et des principes de la mécanique quantique et de la mécanique statistique pour étudier et comprendre les propriétés magnétiques, électriques et optiques des métaux, des semi-conducteurs et des isolants. Dans les laboratoires de par le monde, on cherche en ce moment à repousser les limites de la miniaturisation des puces électroniques et des mémoires magnétiques. L’une des voies de recherche les plus prometteuses est celle de la spintronique. L’idéal serait de pouvoir stocker un bit d’information avec l’orientation du spin d’un seul électron. Pour le moment, on en est encore à orienter vers le haut ou vers le bas un très grand nombre d’électrons, qui se comportent en mécanique quantique comme des sortes de toupies magnétiques. On cherche donc à manipuler les paquets d’électrons les plus petits possible.
L’un des problèmes qui se posent avec la manipulation de ces paquets définissant des domaines d’aimantation différents dans un solide, c’est qu’il existe des murs de domaine, zones de transition plus ou moins épaisses entre ces domaines. Dans l’espoir d’obtenir des mémoires magnétiques non volatiles plus petites, on a été conduit à considérer des domaines au sein de nanofilaments ferromagnétiques. Il était possible de les manipuler non plus avec des champs magnétiques mais des courants d’électrons polarisés, c'est-à-dire avec des électrons possédant un spin majoritairement orienté dans une direction. Malheureusement, les densités surfaciques de courant nécessaires restaient très élevées, car les parois de domaine, affectées par les défauts cristallins, ne se déplacent pas facilement. Il fallait atteindre au moins le milliard d’ampères par mètre carré.
Les électrons peuvent être considérés comme des toupies magnétiques, et on peut représenter la rotation de ces toupies par des flèches. Des paquets d'électrons peuvent alors former des structures en forme de cyclone : les skyrmions. On peut associer des nombres entiers aux nombres de skyrmions présents, par exemple dans une couche d'atomes. Ces nombres sont appelés des charges topologiques et leur signe dépend du sens de rotation de la structure en cyclone. Sur les schémas ci-dessus, on a représenté deux skyrmions liés portant des charges topologiques opposées.
Les électrons peuvent être considérés comme des toupies magnétiques, et on peut représenter la rotation de ces toupies par des flèches. Des paquets d'électrons peuvent alors former des structures en forme de cyclone : les skyrmions. On peut associer des nombres entiers aux nombres de skyrmions présents, par exemple dans une couche d'atomes. Ces nombres sont appelés des charges topologiques et leur signe dépend du sens de rotation de la structure en cyclone. Sur les schémas ci-dessus, on a représenté deux skyrmions liés portant des charges topologiques opposées. © National Institute for Materials Science

Des murs de domaine ferromagnétiques aux skyrmions

Certains chercheurs se sont donc tournés vers une autre voie de recherche qui fait intervenir une idée apparue voilà plus d’un demi-siècle dans un tout autre domaine : laphysique des particules élémentaires. À l’époque, le physicien britannique Tony Skyrme avait cherché à faire le lien entre certains hadrons et des sortes de paquets d’énergie stables découverts dans des milieux décrits par des équations non linéaires aux dérivées partielles : les solitons. L’un des exemples les plus connus se trouve enhydrodynamique : il s’agit du mascaret. Cette onde solitaire a été observée pour la première fois au XIXe siècle par l'Écossais John Scott Russell, qui a suivi pendant plusieurs kilomètres une vague remontant le courant et qui ne semblait pas vouloir faiblir.
Les particules de Skyrme, baptisées en son honneur des skyrmions, peuvent être vues comme des tourbillons emportant du moment cinétique dans des milieux continus, par exemple des paquets d’atomes avec leur spin (un moment cinétique intrinsèque) orienté dans un champ magnétique. Souvent, leur stabilité s’explique en liaison avec latopologie, une branche de la géométrie. Les skyrmions peuvent être vus comme des sortes de cyclones, et selon le sens de leur rotation, on dit qu’ils possèdent une charge topologique 1 ou -1.

Molécules de skyrmions

Il se trouve que pour exister, des skyrmions magnétiques nécessitent moins d’atomes que les domaines magnétiques des mémoires actuelles. En outre, ils sont plus faciles à manipuler que les murs de domaine, lesquels, soit dit en passant, sont aussi des solitons topologiques, comme le disent les physiciens et les mathématiciens. On avait déjà observé des skyrmions dans des milieux magnétiques, mais des chercheurs japonais viennent de faire une nouvelle découverte à ce sujet. Leurs travaux sont exposés dans un article de Nature Communications.
Pour la première fois, il a été mis en évidence dans un matériau des skyrmions dont la charge topologique vaut 2. Les physiciens en parlent d’ailleurs comme de molécules de skyrmions, qui en comprennent 2 de charge 1. Elles ont été produites dans un oxyde demanganèse en couches. Il est possible de les manipuler avec des courants surfaciques mille fois plus faibles que dans le cas des murs de domaine. Ce résultat est un pas de plus en direction de mémoires magnétiques du futur basées sur des skyrmions.

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