A lire sur: http://www.rslnmag.fr/post/2014/01/28/d-ou-viendra-notre-argent-quand-les-robots-occuperont-nos-emplois-2-2.aspx
Alors que les robots s'apprêtent à débarquer dans nos vies, faut-il avoir peur d’un âge entièrement mécanisé où tout le monde serait mis au chômage ? Quand une étude récente montre que 47% des emplois pourront être confiés à des ordinateurs d’ici vingt ans, c'est la question que nous posions dans notre précédent billet, avec - entre autres - le regard d'Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, auteurs du « Second âge des machines » paru ce mois-ci.
Leur diagnostic ? Avec des destructions d'emplois imparfaitement compensées par des créations de nouveaux métiers, on s'acheminerait peu à peu vers une "ère post-travail" qui devrait remettre en cause l'un des contrats les plus anciens, et les plus fondamentaux de notre société : notre capacité à échanger nos moyens de subsistance contre nos bras et notre cerveau.
Même si le "zéro boulot" n'est pas pour demain - car les robots ne pourront jamais tout faire, et de toute façon, on inventera toujours de nouvelles façons de travailler avec eux ! - il faudrait ainsi, selon les auteurs, transformer le système en profondeur pour accueillir sereinement ces évolutions. Après le temps du diagnostic, voici donc leurs propositions autour de trois leviers d'action : l'éducation, l'entrepreneuriat et la politique fiscale.
Les auteurs suggèrent aussi d'orienter la formation professionnelle vers des emplois intermédiaires qui ne risquent pas d'être détruits par le progrès technique. Ce sont ceux qui restent très polyvalents et demandent trop de souplesse pour être réalisés par des machines, sans nécessiter pour autant l'apprentissage de connaissances très complexes. Articulant des tâches routinières avec, par exemple, une dimension relationnelle importante, ces professionnels sont appelés par les auteurs les "nouveaux artisans". Leurs métiers ? L'entretien et la réparation, le service client...Dans leur ouvrage, Brynjolfsson et McAfee ne disent pas autre chose.
Avec cette idée, on pourrait toujours laisser sans crainte du travail aux robots : en travaillant moins pour mieux se partager les tâches qui resteront dévolues aux humains, on ne sera pas tous chômeurs. A condition d'être payés autant pour travailler moins ? Ben voyons. "Pas tant que les charges des entreprises qui embauchent resteront si élevées", direz-vous.
Question éminemment politique, le niveau des charges sociales fait bien entendu partie d'un débat infiniment plus large, notamment parce qu'il met en jeu la question du financement de la protection sociale. Si l'on coupe de ce côté, comment rééquilibrer la balance pour sauvegarder et renouveler, à l'ère des robots, un Etat-Providence auquel les Français restent attachés ? Dans Le Capital au XXIème siècle, Thomas Piketty, qui préconise également de réduire la taxation du travail, propose par exemple de la reporter sur un capital qu'il juste trop (et de plus en plus) inégalement réparti. Quelle que soit la solution retenue, on tient là un épineux débat qui nécessitera certainement des décisions courageuses de la part des élus et des économistes du futur.
Pour la plupart d'entre nous, échanger ses bras ou son cerveau contre un salaire est la seule façon de gagner sa vie, rappelle Erik Brynjolfsson. Et c'est là que le bât blesse :
Le revenu de base, ou revenu inconditionnel, de vie ou d'existence, consiste à verser à chaque membre d'une communauté politique un revenu permettant à chacun de vivre au dessus du seuil de pauvreté,sans engagement de travail. De quoi permettre à chacun, une fois débarrassé de la nécessité de travailler pour (sur)vivre, de choisir plus librement ses activités - et de s'adonner à ses passions : art, travail associatif ou bénévole, création de start-up...
Pour Brynjolfsson et McAfee, ce "revenu de vie" serait aussi le meilleur moyen de redistribuer les revenus de façon juste lorsque le travail ne sera plus un moyen de gagner sa vie. Ceux qui voudront (et pourront encore) travailler dans des emplois rémunérateurs amélioreront cette base par leur salaire ; les autres ne seront pas exclus pour autant de la société, car en recevant un revenu ils continueront de participer à l'économie en tant que consommateurs.
Le "Deuxième âge de la machine" est fascinant en ce qu'il porte à la fois un immense espoir, et beaucoup de méfiances sur la façon dont le changement technologique transforme nos vies. En proposant des solutions pour repenser l'éducation, l'entrepreneuriat et la politique fiscale, Brynjolfsson et McAfee ne donnent pas seulement un portrait sans concession des enjeux liés à ces transformations : ils nous donnent aussi des clés pour préparer un monde où il fera bon vivre avec les robots... car comme l'écrit Andrew McAfee - et d'autres avant lui - "il n'y a aucune loi qui dit que la technologie rend le monde meilleur".
Pour lire ou relire le premier billet de cette série, "D'où viendra notre argent quand les robots occuperont nos emplois ?", c'est par ici !
Leur diagnostic ? Avec des destructions d'emplois imparfaitement compensées par des créations de nouveaux métiers, on s'acheminerait peu à peu vers une "ère post-travail" qui devrait remettre en cause l'un des contrats les plus anciens, et les plus fondamentaux de notre société : notre capacité à échanger nos moyens de subsistance contre nos bras et notre cerveau.
Même si le "zéro boulot" n'est pas pour demain - car les robots ne pourront jamais tout faire, et de toute façon, on inventera toujours de nouvelles façons de travailler avec eux ! - il faudrait ainsi, selon les auteurs, transformer le système en profondeur pour accueillir sereinement ces évolutions. Après le temps du diagnostic, voici donc leurs propositions autour de trois leviers d'action : l'éducation, l'entrepreneuriat et la politique fiscale.
Education : se concentrer sur les métiers qui resteront pratiqués par les humains
Souvenez-vous : selon les chercheurs David Autor et David Dorn, ce sont les emplois de catégorie intermédiaire qui seraient les plus susceptibles d'être remplacés par des machines, ce qui risque d'augmenter les inégalités de revenu et fragiliser la classe moyenne."Comment pouvons-nous aider les travailleurs à surfer sur la vague du changement technologique plutôt que d'être submergés par elle ?", se sont donc demandé les chercheurs.Si l'enseignement supérieur n'a jamais été un meilleur investissement selon eux, il serait loin d'être une solution globale. Logique, quand on sait que 65% des écoliers d'aujourd'hui pratiqueront, une fois diplômés, des métiers qui n'ont même pas encore été inventés : l'école de demain devra surtout leur apprendre à apprendre pour développer leur agilité.
Les auteurs suggèrent aussi d'orienter la formation professionnelle vers des emplois intermédiaires qui ne risquent pas d'être détruits par le progrès technique. Ce sont ceux qui restent très polyvalents et demandent trop de souplesse pour être réalisés par des machines, sans nécessiter pour autant l'apprentissage de connaissances très complexes. Articulant des tâches routinières avec, par exemple, une dimension relationnelle importante, ces professionnels sont appelés par les auteurs les "nouveaux artisans". Leurs métiers ? L'entretien et la réparation, le service client...Dans leur ouvrage, Brynjolfsson et McAfee ne disent pas autre chose.
Partager le travail humain pour ne pas tout laisser aux robots ?
Bien que les robots ne nous aient pas encore remplacé au bureau, il y a déjà ce chômage. En masse. Et que rien ne semble vouloir résorber. Un fait qui autorise à penser que oui, malgré les destructions-créations, malgré l’explosion des « jobs à la con », il y a bel et bien un déficit de besoin en travail humain au moment où le monde s’automatise. Et à mesure que la productivité du travail continue d’augmenter – c’est-à-dire, que nous aurons besoin de moins de travail pour produire davantage – le chômage pourrait continuer d’augmenter. C’est du moins ce qu’estime l’économiste Pierre Larrouturou, qui défend un meilleur partage du temps de travail : pour lui, si l’on prend en compte l’explosion des emplois à temps partiel et autres contrats dits « précaires », nous travaillons déjà, en moyenne, largement moins de 35 heures en France comme dans l’ensemble des grands pays développés. Une réduction du temps de travail supplémentaire serait donc nécessaire, mais elle a besoin d’une volonté politique pour se concrétiser dans nos entreprises. Et ainsi libérer du temps de loisir au citoyen-consommateur ? En réduisant le temps de travail de chacun, il y aurait en tout cas plus de travail pour tous : c’est l’équation que fait l’économiste.Avec cette idée, on pourrait toujours laisser sans crainte du travail aux robots : en travaillant moins pour mieux se partager les tâches qui resteront dévolues aux humains, on ne sera pas tous chômeurs. A condition d'être payés autant pour travailler moins ? Ben voyons. "Pas tant que les charges des entreprises qui embauchent resteront si élevées", direz-vous.
Réduire le coût du travail ?
La réduction des cotisations patronales sur les salaires, ou du "coût du travail", fait justement partie des préconisations d'Erik Brynjolfsson pour sauvegarder l'emploi dans un monde robotisé. Pour autant, est-ce une solution durable ?"Changer les taxes sur le travail peut sembler une solution de court terme, reconnaît l'auteur, car le Second âge des machines ne se définit-il pas par son automatisation perpétuelle qui nous mènera à une économie largement ou complètement post-travail ?"Si la mesure se justifie pourtant, selon lui, c'est que le travail humain n'est pas prêt de disparaître, si on le pense "avec et non pas contre les machines". Un plaidoyer pour que l'automatisation nous fasse réinventer le travail, en valorisant ce que l'humain sait faire de mieux : la contribution et la création - quitte à dépasser les frontières de l'emploi.
Question éminemment politique, le niveau des charges sociales fait bien entendu partie d'un débat infiniment plus large, notamment parce qu'il met en jeu la question du financement de la protection sociale. Si l'on coupe de ce côté, comment rééquilibrer la balance pour sauvegarder et renouveler, à l'ère des robots, un Etat-Providence auquel les Français restent attachés ? Dans Le Capital au XXIème siècle, Thomas Piketty, qui préconise également de réduire la taxation du travail, propose par exemple de la reporter sur un capital qu'il juste trop (et de plus en plus) inégalement réparti. Quelle que soit la solution retenue, on tient là un épineux débat qui nécessitera certainement des décisions courageuses de la part des élus et des économistes du futur.
Et pourquoi pas un revenu de base ?
Pour la plupart d'entre nous, échanger ses bras ou son cerveau contre un salaire est la seule façon de gagner sa vie, rappelle Erik Brynjolfsson. Et c'est là que le bât blesse :"Si notre vision d’un futur plus robotisé se réalise, cet échange vieux comme le monde va devenir de moins en moins réalisable au fil du temps. A mesure que le travail numérique devient plus pervasif, capacitant et puissant, les entreprises seront de moins en moins enclines à payer à leurs employés des salaires acceptables et qui leur permettront de maintenir le niveau de vie auquel ils ont été habitués. Et quand cela arrivera, ils resteront au chômage".Pour dépasser le problème et que chacun puisse continuer de vivre dans une ère post-travail, les idées sont bienvenues. Et si on donnait tout simplement de l'argent aux gens, sans contrepartie ? La solution proposée par le directeur du Centre de recherche pour le commerce numérique du MIT est déjà vieille : l'idée remonte à 1920, dans une forme imaginée par Clifford Hugh Douglas et soutenue par le « prix nobel » d'économie Maurice Allais. Elle a ensuite traversé tout le XXème siècle, avec des expérimentations aux Etats-Unis dans les années 70 et subsiste en Alaska. Elle est défendue et proposée aujourd'hui par des partis politiques de sensibilités très variées.
Le revenu de base, ou revenu inconditionnel, de vie ou d'existence, consiste à verser à chaque membre d'une communauté politique un revenu permettant à chacun de vivre au dessus du seuil de pauvreté,sans engagement de travail. De quoi permettre à chacun, une fois débarrassé de la nécessité de travailler pour (sur)vivre, de choisir plus librement ses activités - et de s'adonner à ses passions : art, travail associatif ou bénévole, création de start-up...
Pour Brynjolfsson et McAfee, ce "revenu de vie" serait aussi le meilleur moyen de redistribuer les revenus de façon juste lorsque le travail ne sera plus un moyen de gagner sa vie. Ceux qui voudront (et pourront encore) travailler dans des emplois rémunérateurs amélioreront cette base par leur salaire ; les autres ne seront pas exclus pour autant de la société, car en recevant un revenu ils continueront de participer à l'économie en tant que consommateurs.
A suivre...
Le "Deuxième âge de la machine" est fascinant en ce qu'il porte à la fois un immense espoir, et beaucoup de méfiances sur la façon dont le changement technologique transforme nos vies. En proposant des solutions pour repenser l'éducation, l'entrepreneuriat et la politique fiscale, Brynjolfsson et McAfee ne donnent pas seulement un portrait sans concession des enjeux liés à ces transformations : ils nous donnent aussi des clés pour préparer un monde où il fera bon vivre avec les robots... car comme l'écrit Andrew McAfee - et d'autres avant lui - "il n'y a aucune loi qui dit que la technologie rend le monde meilleur".Pour lire ou relire le premier billet de cette série, "D'où viendra notre argent quand les robots occuperont nos emplois ?", c'est par ici !
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