Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences
Des voiliers autonomes pourraient bientôt explorer les mers et océans du monde à moindre coût. Une équipe de l'Ifremer vient de tester un de ces drones
véliques ce 17 janvier 2012 au départ de la rade de Brest. L'expérience
a dû être interrompue au milieu de la nuit mais un record a été battu.
Présent à bord, Olivier Ménage, animateur de ce projet Vaimos, explique à Futura-Sciences les principes, mais aussi les péripéties de cette nuit mouvementée.
Les scientifiques disposent de peu de données sur les caractéristiques de l’interface océan-atmosphère des mers et océans
du Globe. Pourtant ces informations sont nécessaires à la compréhension
de nombreux phénomènes océaniques et climatiques, par exemple pour
concevoir des outils de modélisation. Mais comment faire pour multiplier
les mesures durant de longues périodes et à moindre coût ?
Les océanographes ont une réponse pour les années à
venir : les engins automatiques sillonnant les mers pour enregistrer une
multitude de paramètres. Dans cette famille s'inscrit l'original projet Vaimos, abréviation de « Voilier autonome instrumenté de mesures océaniques de surface ». Il s’agit d’un robot propulsé par le vent capable de gérer seul sa navigation.
Un de ses concepteurs, Olivier Ménage, nous confie : « nous lui donnons une route grâce à une succession de points et lui se débrouille pour naviguer. Il règle ses voiles et régule son cap en fonction des conditions rencontrées ». Une éolienne à axe vertical fournit l’énergie nécessaire au fonctionnement du bateau. Son autonomie pourrait s'élever à plusieurs semaines.
Ce drone propulsé par le vent a été réalisé par 4 personnes avec un budget total de 20.000 €. © Olivier Ménage, Youtube
Un test grandeur nature a eu lieu ce 17 janvier 2012
au départ du port du Moulin blanc, dans la rade de Brest. L’objectif
était de faire parcourir 100 miles nautiques (environ 185 km) à l'engin
en totale autonomie. Un bateau accompagnateur était chargé d'assurer sa
sécurité et de récolter ses paramètres à distance grâce à une connexion Wi-Fi.
« On pourrait utiliser une liaison satellite Iridium pour ajuster les paramètres et refaire des programmations si l'on souhaite envoyer le voilier en haute mer » nous précise tout de même Olivier Ménage.
Record de distance pour un drone à propulsion vélique
Un record a été battu même si le Vaimos n’a pas parcouru l’intégralité de la distance. « Les
tests ont démarré hier matin (17 janvier 2012) à 8 h 00. Il était prévu
d’être de retour à Brest cet après-midi (18 janvier). En fait, nous
avons été obligés d’arrêter la mission pendant la nuit. Vers 2 h 00 du matin, nous
nous sommes rendu compte que le voilier perdait de la vitesse. Le
réglage des voiles n’était plus optimal. On a continué à avancer malgré
tout. Vers 4 h 00 du matin, le bateau accompagnateur a commencé à faire
des bruits suspects. Vu la difficulté de la navigation (beaucoup de
bateaux de pêche
et de cargos) et voyant que notre prototype avait entretemps battu le
record de 100 km, on a préféré arrêter là et se mettre à l’abri dans la
baie de Douarnenez. »
Le drone à propulsion vélique a néanmoins parcouru 105 km, soit 5 km de plus que le record établi par le robot voilier Iboat II (2,4 mètres) de l'institut supérieur de l'Aéronautique et de l'espace de Toulouse.
Vaimos, outil de surveillance des mers
Vaimos embarque de nombreux capteurs pouvant effectuer des mesures fines et continues (température, salinité, turbidité et chlorophylle) à 10 cm et 1 m sous la surface de l’eau. « Le
voilier perturbe peu son environnement. Les mesures sont plus précises
que ce que l’on obtient avec un navire de 80 mètres. Par ailleurs, ces
navires effectuent leurs prélèvements à environ 2 m. Ils ne
caractérisent pas l’interface eau-atmosphère, même si c’est proche de la surface. »
Vaimos mesure 3,65 mètres de long et pèse 300 kg. Il peut atteindre une vitesse comprise entre 3 et 6 nœuds (soit 5 à 11 km/h). © Patrick Rousseaux, Ifremer
Le drone complète le travail des satellites. « Notre
voilier serait capable d'effectuer des mesures en simultané sur
certaines zones. Les données acquises pourraient être utilisées pour
recalibrer des satellites et comprendre les défauts de certaines de
leurs données (ils pourraient être causés par des processus biologiques
mais ce n'est vérifiable que sur le terrain). »
Un voilier robotisé présente de nombreux avantages par rapport aux méthodes de prélèvements actuelles. « Les
bouées ancrées font des mesures ponctuelles. Leur mise en place est
lourde et onéreuse. Les bouées dérivantes ne sont pas contrôlées. Elles
perdent leur intérêt en sortant passivement des zones d’études. Les bateaux océanographiques restent peu de temps sur site pour un coût très élevé, nous explique Olivier Ménage, notre
voilier pourrait être envoyé dans des zones reculées, comme aux abords
du Groenland, faire de la surveillance pendant de longues périodes puis
revenir, le tout pour un coût largement moindre. »
Quel avenir pour le prototype ?
Le prototype actuel doit encore évoluer pour mieux affronter la haute mer. Il pourrait également être équipé d’un système AIS lui permettant de percevoir son environnement et d’éviter d’éventuels obstacles.
Les futurs bateaux ne seront pas forcement de plus grandes tailles. « Nous
allons rassembler un comité avec tous les scientifiques potentiellement
intéressés. L’objectif sera de définir le bateau du futur. Certains les
voient petits et nombreux, pour faire de la surveillance de zone en
meute. D’autres envisagent plutôt une énorme embarcation avec une grande
autonomie et de multiples capteurs. Ce sont des choses différentes.
Nous ne savons pas encore vers quoi nous allons nous orienter. »
Les évolutions du projet devraient être connues en
2012. Le travail de l'équipe animée par Olivier Ménage sera suivi par
Futura-Sciences avec attention.
La réalisation de ce projet a été rendue possible
grâce à des collaborations établies entre le Laboratoire de physique des
océans (LPO), l’équipe robotique ENSTA Bretagne et l’unité Recherche et développements technologiques, service Électronique informatique et mesures in situ (RDT/EIM) de l’Ifremer.
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/oceanographie-1/d/vaimos-le-premier-drone-a-voile-pour-lexploration-des-mers_36122/#xtor=EPR-23-[HEBDO]-20120120-[ACTU-vaimos__le_premier_drone_a_voile_pour_l_exploration_des_mers]
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