mardi 1 avril 2014

Neutralité du Net : levée de boucliers après un vote européen

A lire sur: http://www.zdnet.fr/actualites/neutralite-du-net-levee-de-boucliers-apres-un-vote-europeen-39798743.htm

Réglementation : Le rapport Pilar Del Castillo adopté par la Commission industrie du Parlement Européen autorise les opérateurs à prioriser les flux en fonction d'accords avec les éditeurs de contenus. Et ainsi instaurer un Web à plusieurs vitesses.

La polémique n'est pas prête de se tarir. Après avoir été repoussé, l'examen du texte abordant l'épineuse question de la neutralité du Net au sein du nouveau Paquet Télécoms a finalement eu lieu ce mardi par la commission Industrie, transports et énergie (Itre) du Parlement européen.
Et malgré les nombreuses oppositions face à des amendements jugés liberticides, le texte a été adopté par 30 voix pour, 12 contre et 14 abstentions. La défait est assez sévère pour les partisans du statuquo, c'est à dire de la neutralité absolue.
C'est le principe qui prévaut aujourd'hui : les opérateurs n'ont pas le droit de modifier l'accès aux services en ligne, ces derniers doivent être visibles de la même façon, n'importe où et n'importe quand.
Et si le "tournant désastreux" pris par les négociations, selon la Quadrature, ne concerne pas l'ensemble du Parlement européen mais uniquement la commission Itre, le texte qui sortira du vote en commission sera celui qui servira de base en plénière.
Intense lobby jusqu'au 3 avril 
Que prévoit ce texte ?  Il permet de dégrader certains types de flux (par exemple le P2P) tout en permettant à d'autres types de flux de bénéficier d'une distribution normale. Et de conclure des accords avec des fournisseurs de services Internet pour leur assurer un traitement privilégié en tant que "services spécialisés" (article 23).
Traduction, les opérateurs entendent faire payer les acteurs OTT pour leur offrir une bande passante optimisée pour ces services, et instaurer des offres différenciées pour les clients, en fonction de la qualité de service ("best effort" ou maximale). Plus l'abonnement sera cher, plus il sera optimisé.
La question est d'abord de définir ces "services spécialisés" par rapport aux autres... "Nous devons avoir une définition plus précise des "services spécialisés" pour qu'il n'y ait pas de confusion avec les services d'accès à internet, pour lesquels nous voulons une référence contraignante au principe de neutralité du net", explique Catherine Trautmann, eurodéputée socialiste.
"Nous ne nous opposons pas aux services spécialisés : la télévision sur IP ou la télé-médecine en sont de bons exemples mais le développement de nouveaux services spécialisés ne devra pas affecter la vitesse ni la qualité de l'accès à Internet pour les consommateurs. Nous allons travailler pour construire une majorité au Parlement afin d'amender ce texte et de le rendre satisfaisant pour le vote en plénière du 3 avril", ajoute Teresa Riera, porte-parole des socialistes pour la commission de l'industrie.
Françoise Castex, eurodéputée Nouvelle Donne, est beaucoup plus inquiète de cet article 23. "Avec ce texte, les opérateurs en ligne pourront lier l'accès des utilisateurs à la toile au subventionnement de "services spécialisés". C'est la porte ouverte à des offres différenciées d’accès à Internet, à un Internet bridé par des fournisseurs d'accès devenus eux-mêmes fournisseurs de contenus."

Avant d'ajouter: "C'est la menace d'une transformation de la ressource publique mondiale que constitue Internet en un réseau de distribution privé pour le seul bénéfice de quelques acteurs. Cela risque de détruire la concurrence et de favoriser les monopoles extracommunautaires déjà en place, comme Google et Facebook", poursuit l'eurodéputé.
Pression des opérateurs 
"Au-delà des libertés fondamentales, cette remise en cause du principe de neutralité du net, combinée à l'accord de libre-échange avec les États-Unis, pourrait avoir des lourdes conséquences sur l'économie européenne.", conclut-elle.
Quant au Conseil national du numérique, il s'interroge également sur les conséquences du texte. "Le texte voté par la Commission ITRE soulève des difficultés. Il permet de conclure des accords donnant à certains acteurs un trafic de qualité garantie. Il existe des inquiétudes sur l’impact que ce type d’accord pourraient avoir sur la neutralité d’Internet s’ils sont conclus à grande échelle".

"Parce qu’il atteignait un équilibre plus respectueux du principe de neutralité d’Internet, le compromis proposé la Commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen se situait dans une ligne plus proche des recommandations du CNNum.L’Europe va devoir se demander si elle veut considérer qu’Internet est un bien commun. Compte tenu de leur technicité, la participation à ces débats est délicate. C’est pourquoi une décision de cette ampleur ne devrait pas être prise à un mois d’une élection susceptible de redéfinir le consensus européen sur ce point", explique-t-elle.
Enfin, la Quadrature du Net est évidemment la plus sévère face à ce vote. La commission Itre a "cédé à la pression des lobbies des télécoms, (et) est restée sourde à la mobilisation citoyenne. Le lobbying agressif des télécoms à l'encontre des membres de la commission semble avoir joué un rôle déterminant dans la décision finale de ces derniers."
L'association appelle d'ailleurs les internautes à saisir les députés européens afin de faire entendre leur voix. On peut donc miser sur un intense lobbying jusqu'au 3 avril, date à laquelle le texte repassera en miniplénière à Bruxelles avant un nouveau vote du Parlement qui rappelons-le doit être renouvelé fin mai...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire