jeudi 4 juillet 2013

Renseignement français : du Big Brother au Big Data

A lire sur:  http://www.linformaticien.com/actualites/id/29548/renseignement-francais-du-big-brother-au-big-data.aspx

Les révélations d’Edward Snowden ont répandu un vent de paranoïa généralisé. Le citoyen français demande alors s’il est lui-même surveillé, et si oui, par qui ? Comment ? Les données que certaines entreprises détiennent sur lui sont-elles transmises aux services de renseignement français ? Américains ?
En cette journée « Anti-NSA » Le Monde révèle aujourd’hui des informations exclusives sur le système de surveillance français. Pourtant, de nombreuses informations circulaient déjà sur la toile, mais peu de gens s’y intéressaient. Prism a remis le sujet sur le tapis. Qu’apprend-t-on vraiment ?
 
La caserne des Tourelles, surnommée la « piscine », siège de la DGSE,
boulevard Mortier, dans le XXème arrondissement de Paris. Photo AFP

L’intérêt n’est pas « ce qui se dit », mais « qui parle avec qui »

Les agents du renseignement français espionnent. Jusqu’ici, rien de neuf. C’est l’essence même de leur profession. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) collecte donc des informations. Lesquelles ? Des signaux électromagnétiques issus d’ordinateurs et de téléphones (relevés téléphoniques, mails, SMS, fax, activités sur Internet via Facebook, Google, etc.). Les journalistes du Monde expliquent que les services français ne s’intéressent pas vraiment aux « contenus » de ces données récoltées, mais plutôt au différents réseaux qu’ils permettent d’établir. Ces « métadonnées » visent ainsi à dessiner les « liens entre les cibles, identifier les "cellules" ». L’objectif ? Lutter contre le terrorisme. Mais pour cibler les personnes potentiellement impliquées, il convient donc de « fliquer » tout le monde. Tout comme les caméras de surveillance…  - de vidéo-protection, pardon - filment tout le monde à chaque instant, pour protéger les individus « lambdas » contre d’éventuels individus « dangereux ».

Supercalculateur-espion et vide juridique

Toujours selon les informations du Monde, le siège de la DGSE à Paris, boulevard Mortier, recueillerait ainsi des masses de données (des « milliards de milliards ») dans les sous-sols de la DGSE : « Le service de renseignement dispose d'un supercalculateur capable de gérer des dizaines de millions de gigaoctets. » Est-ce légal ? C’est comme se demander si un mensonge par omission est vraiment un mensonge… En effet, la loi ne prévoit pas d’encadrement pour le stockage de grandes quantités de données techniques par des services français. Même si la CNIL affirme que « le régime juridique des interceptions de sécurité interdit la mise en œuvre par les services de renseignements d’une procédure telle que Prism ». La CNIL a par ailleurs créé un groupe de travail sur l’accès des autorités publiques étrangères à des données personnelles de citoyens français, suite aux révélations d’Edward Snowden : ce groupe devrait rendre ses premières conclusions en septembre.
En février dernier, le préfet Erard Corbin de Mangoux, alors Directeur de la DGSE, était entendu devant la Commission de la défense nationale et des forces armées, à l’Assemblée nationale. Il expliquait, de manière très générale, les missions de ses équipes et les moyens qu’elles avaient à leur disposition : « S’agissant des moyens techniques, nous disposons de l’ensemble des capacités de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM). À la suite des préconisations du Livre Blanc de 2008, nous avons pu développer un important dispositif d’interception des flux Internet. En outre, nous travaillons également beaucoup sur l’imagerie, même si ce secteur relève davantage de la DRM (…) Notre dernière source d’information est alimentée par les partenariats avec les services étrangers. Nous travaillons avec un peu plus de 200 services (…)  Nous traitons des informations et faisons des recherches communes. Il s’opère parfois une sorte de partage de compétences en fonction des points forts de chacun, certains pays pouvant disposer d’informations de « niches » particulièrement utiles. »
La DGSE récolte donc des masses de données mais qu'en est-il vraiment de l’analyse de ces données ? Le directeur de la DGSE indiquait bien, devant les députés, que « ceci établi, c’est le croisement des sources d’origine humaine, technique et opérationnelle qui fait notre force. »

« La NSA pêche au filet en ramassant large, alors que la DGSE pêche au harpon. »

En juin dernier, le président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, auteur de deux rapports sur le contrôle des activités de renseignement (l’un sur le cadre juridique, l’autre sur la surveillance des mouvements radicaux armés, était interviewé par le quotidien Le Monde, suite à l’affaire Snowden. L’interview cherchait déjà à l’époque à savoir si le système mis en place aux États-Unis à travers le programme Prism, trouvait un écho en France. Voici ce qu’il annonçait alors : « La NSA est une agence technique, c'est une structure qui a vocation à surveiller des données, des flux d'informations. Ce n'est pas le mode de fonctionnement de la DGSE qui collecte des informations pour accomplir les missions définies par son décret fondateur. La NSA pêche au filet en ramassant large, alors que la DGSE pêche au harpon. Ce n'est pas un énorme aspirateur qui écoute tout ce qui passe. »

HERISSON, Bull & Bertin Technologies

Il y a quelques années, la France, via la DGA (Direction Générale de l'Armement), avait réalisé, en association avec le ministère de l’Intérieur, une étude pour évaluer les produits logiciels du marché, dans le domaine de l’exploitation des données de la sphère privée (échange de mail, téléchargements en P2P, transferts en FTP etc.). HERISSON (« Habile extraction du renseignement d'intérêt stratégique à partir de sources ouvertes numérisées »)  est une plateforme d’intégration et d’évaluation de ces logiciels. Ce démonstrateur analysait l’Internet, les flux analogique des radios, TV.  Un marché avait été passé pour développer les technologies de surveillances avec EADS (aujourd’hui Cassidian) pour un budget s’élevant à 4,6 millions d’euros, avec deux sous-traitants : Bull et Bertin Technologies.

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