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Voici le prototype utilisé par Will Shu et son équipe pour imprimer des cellules souches en 3D. © Will Shu, Biofabrication
L’utilisation des
imprimantes 3D à des fins biomédicales devient de plus en plus
courante. Futura-Sciences a voulu en savoir plus sur les perspectives
d’avenir d’une telle technologie. Will Shu, le premier homme à avoir
imprimé des cellules souches en une forme en tridimensionnelle, ouvrant
la voie à la régénération d’organes entiers, nous livre son point de
vue.
Le 22/07/2013 à 11:26
- Par
On peut déjà imprimer en 3D des cellules
souches embryonnaires. Mais pour le moment, recréer un organe entier et
fonctionnel est impossible... © Annie Cavanagh, Wellcome Images, cc by
nc nd 2.0
Il y a peu, cela aurait presque relevé de la
science-fiction. Or, depuis quelques années, les ingénieurs ont repris
le principe des imprimantes jet d’encre
pour en créer de nouvelles, plus sophistiquées, capables de façonner
des objets en relief par empilement de couches. Au lieu d’encre, c’est
de plastique, de métal ou de plâtre qu’il s’agit. C’est ce que l’on appelle l’impression 3D.
Le principe ne se limite pas aux travaux de
construction. Les biologistes commencent à s’emparer du procédé et avec
succès. Ainsi, il devient possible de former le moule d’une oreille en cartilage ou un implant crânien pour
les personnes ayant subi un violent traumatisme à la tête, entre
autres. Une véritable révolution en médecine. Une nouvelle étape
pourrait encore être franchie : celui de la conception d’organes
entiers.
Will Shu, chercheur à l’université Heriot-Watt d’Édimbourg, est l’un des pionniers en la matière. En février dernier, il publiait dans Biofabrication des résultats précisant qu’avec ses collègues, il avait mis au point une imprimante 3D capable de former des amas de cellules souches embryonnaires, sans les abîmer ni les dénaturer. Futura-Sciences est donc allé lui poser quelques questions sur l’avenir de ce procédé.
Ouvrir l’impression 3D aux laboratoires scientifiques
Premier écueil : le prix de fabrication de ces bio-imprimantes. « De tels outils ne sont pas disponibles dans le commerce. Pour notre part, nous avons dû transformer une imprimante 3D
classique, prévue pour du plastique. En lieu et place de tout le
système adapté pour ce matériau, nous avons opéré des modifications en
installant une microvalve qui contrôle la pression pneumatique. Ainsi,
la quantité de cellules déposées est contrôlée précisément, en changeant
l’ouverture des buses, la pression induite ou le temps d’ouverture de
la valve. »
Mais ce genre de prototype a un coût et demande du
temps et de la technique. Toutes les équipes de biologie et de médecine
n’ont pas encore investi dans ce type de machine. « Je pense que le bioprinting a
déjà pris une place importante dans certains laboratoires. Mais l’une
des façons de le généraliser davantage serait de laisser à la
disposition des biologistes les secrets de fabrication », ajoute le chercheur écossais. Une façon d’inciter certains scientifiques à apporter des améliorations majeures.
Voici le prototype utilisé par Will Shu et son équipe pour imprimer des cellules souches en 3D. © Will Shu, Biofabrication
L’impression d’organes entiers, rêve ou réalité ?
Bien que les progrès soient jusque-là déjà
conséquents, l’enjeu suprême, qui consiste à imprimer un organe humain
entier et fonctionnel, relève encore du fantasme. Un rêve à portée de
main pour Will Shu. « Je pense qu’il sera possible de créer des
organes solides par impression 3D. On peut déjà fabriquer des tissus en
relief, que ce soit un cœur, un rein ou un foie, mais à petite échelle. » Oui mais voilà, dans cet exercice, c’est bien la taille qui compte… et qui pose problème.
« Pour concevoir un organe de grande taille, nous devons résoudre le problème d’impression de structures vasculaires
complexes, qui assureraient les échanges nutritionnels à l’échelle de
tous les tissus, de manière à leur assurer une viabilité sur le long
terme. » Les moyens actuels n’ont pas encore permis d’en arriver à ce stade, «
mais des groupes de recherche aux États-Unis, en Europe et au Japon
progressent dans ce sens-là, notamment en utilisant des techniques
d’impression par laser ou par jet d’encre », poursuit Will Shu.
Le début de l’éternité ?
On saisit assez bien les répercussions que cela aurait sur notre vie quotidienne, et particulièrement en médecine régénérative.
Le prélèvement de quelques cellules souches d’un patient mises en
culture et imprimées au bon format permettrait, dans un laps de temps
réduit, de recréer un organe entier et fonctionnel que l’on pourrait
insérer sans risque de rejet, dans le but de remplacer des tissus
défaillants, du fait de l’âge ou de maladies. C’est aussi une façon de
s’affranchir d’un autre problème : celui du don d’organes. Les receveurs sont plus nombreux que les donneurs, il y a donc un déficit à combler.
Est-ce un pas vers la vie éternelle ? «
Remplacer des organes endommagés par des nouveaux, régénérés, aiderait à
étendre l’espérance de vie, mais je ne pense pas que le principe à lui
seul mène à l’immortalité », conclut le chercheur. En effet, tous les problèmes ne pourront être réglés par une simple imprimante. Par exemple, le cerveau
est typiquement une pièce qui ne peut être recréée à l’identique. Les
souvenirs, les traits de personnalité ou plus généralement l’esprit qui
caractérisent une personne ne passent pas d’un cerveau à l’autre. À quoi bon vivre dans un corps tout neuf si l’on a perdu la tête ?