A lire sur: http://www.pcinpact.com/news/81404-la-hadopi-demonte-concept-d-echanges-non-marchands.htm
Et qu'en pense le CSA ?
Les réflexions menées
depuis peu par la Hadopi au sujet des échanges non marchands viennent de
donner lieu à la publication d'un premier document de travail. Tentant
de décortiquer et d'analyser les pratiques cachées derrières ces termes,
l'institution retient en fin de compte que le concept d' « échanges non marchands » n'est finalement pas très approprié.
Il y a tout juste un mois, la Hadopi réussissait à produire son petit effet en annonçant qu’elle engageait une « analyse »
dont l’objectif était de modéliser un système de rémunération
compensatoire des échanges non marchands. En gros, elle affichait son
intention de chercher à savoir si une éventuelle licence globale ou
contribution créative serait envisageable en France. Alors que la Rue du
Texel se voyait jusque-là étiquetée comme l’autorité en charge de punir
les abonnés « pirates » - y compris ceux dont les échanges se faisaient
gratuitement - on devinait facilement la manœuvre alors que la
suppression de l’institution par l’exécutif apparaissait comme
inéluctable. « L’expérience acquise par l’institution au cours des
trois dernières années tendrait à laisser penser que l’intégration de
ces usages pourrait être de nature à créer un cercle vertueux favorable
tout à la fois à la création, aux usages, à l’innovation et à un
meilleur partage de la valeur » claironnait la Hadopi dans ce qui ressemblait à un dernier chant du cygne.
Première étape de ce
travail d’analyse, lequel doit s’appuyer sur des consultations et
publications régulières : l’élaboration d’un document balayant les
différents usages susceptibles d’être qualifiés d’ « échanges non
marchands ». La Hadopi a justement dévoilé celui-ci hier :
Dans un premier temps, le
Département Recherche, Études et Veille (DREV) de la Hadopi dresse un
panorama des différentes techniques d’échange existantes. Sont ainsi
passés en revue : les échanges en peer-to-peer, par email, grâce aux
réseaux sociaux, aux hébergeurs de fichiers, au streaming, aux
plateformes UGC, aux newsgroups et via serveur FTP.
À partir de là, la Rue du Texel fait valoir que « quel que soit le type d’échange de biens culturels dématérialisés, au moins un intermédiaire est nécessaire ».
Elle cite par exemple le webmail dans le cadre de l’échange par mail,
du moteur de recherche spécialisé dans les liens P2P, etc. Quelques
lignes, plus tard, elle écrit cependant que dans le cas d’un utilisateur
ayant installé un serveur FTP chez lui, il n’y a « aucun intermédiaire », mais passons.
Des « échanges » pas si « non marchands » que ça pour la Hadopi...
L’institution retient
surtout que les échanges effectués d’après ces techniques, et donc via
leurs intermédiaires obligatoires, sont « source de bénéfices pour la grande majorité des intermédiaires qui les facilitent ». En clair, s’il n’y a aucun échange onéreux entre les utilisateurs, cela ne signifie pas qu’il n’y ait rien de « marchand »
au travers de l’échange en question. Ainsi, la Hadopi met très
clairement en avant les revenus publicitaires engrangés par les réseaux
sociaux, les webmails, les sites indexant des liens torrents, les
comptes « premium » de certains hébergeurs de fichiers, etc. « Ces
bénéfices sont caractéristiques d’un système pleinement marchand, qui
tire profit de l’acte d’échange et de la nature des biens échangés » remarque ainsi la Rue du Texel.
Ce n’est pas tout. La
Hadopi considère également que le terme d’ « échange » ne correspond pas
à chacune des pratiques qu’elle vient d’ausculter. « Sans
systématisme de la réciprocité et hors cercle restreint, la notion
d’échange semble inadaptée à la description des pratiques visées »
indique-t-elle en ce sens. En clair, sans relation systématique entre
une personne et une autre, d’autant plus lorsqu’on est dans un cadre
aussi large que l’ensemble de tous les utilisateurs d’Internet -
contrairement à un cadre plus restreint, difficile de parler de réels
« échanges ». On imagine ici qu’il est par exemple fait référence aux
pratiques de streaming.
« À ce titre,
qualifier ces "échanges", qui s’appuient sur des intermédiaires
dégageant un bénéfice marchand, de "non marchands" n’est pas exact » lance la Rue du Texel en guise de conclusion.
L'institution dessine un système dans lequel les intermédiaires seraient mis à contribution
Après avoir dressé ce panorama, l’institution souligne que les pratiques précédemment analysées « pourraient appeler des réponses économiques et légales dédiées ».
Leur objectif serait de réfléchir à un système permettant de maintenir
la liberté d’usage actuelle des œuvres, tout en inscrivant les pratiques
correspondantes dans un cadre légal. « Cette initiative impose une
réflexion sur les conséquences opérationnelles à considérer sur le
système que constituent les œuvres, ceux qui les consomment, ceux qui en
détiennent les droits et ceux qui en bénéficient » écrit à cet égard la Hadopi.
Sans dresser pour l’heure avec précision ces « réponses » dédiées, la Haute autorité fait valoir que « l’observation
de certains accords, établis au cas par cas entre certains
intermédiaires et certains ayants droit, permet de penser que
l’intégration des intermédiaires agissant dans ce système pourrait être
de nature à l’équilibrer en préservant la liberté d’usage des
utilisateurs ». En clair, ceux qui sont présentés comme étant les
bénéficiaires des échanges non marchands pourraient passer à la caisse
des ayants droit pour assurer une forme de pérennité du système. La
Hadopi explique que ceux-ci pourraient ainsi être amenés « à
rémunérer la création, proportionnellement à leur implication et aux
bénéfices qu’ils réalisent via les œuvres qu’ils permettent
effectivement de partager ». Ce « socle d’intermédiaires » concernés serait entendu dans un sens large comme étant tous ceux qui « tirent manifestement un bénéfice » de ces échanges non marchands.
La réflexion sera-t-elle terminée avant la suppression de la Hadopi ?
On notera que la Hadopi
n’évoque pas l’hypothèse d’un système dans lequel les utilisateurs
seraient mis à contribution, par exemple via une somme prélevée
mensuellement sur chaque abonnement à Internet. L'idée a d'ailleurs été
réaffirmée il y a peu par certains députés.
Cela correspond en fait à un choix fait a priori par la Haute autorité.
L’institution en appelle désormais aux remarques et contributions sur
ce premier document de travail, qui pourraient d’ailleurs être publiées
ensuite. Celles-ci peuvent être transmises à commentaire@hadopi.net.
La Rue du Texel a quoi
qu’il en soit identifié deux points particuliers sur lesquels elle
compte insister afin d’évaluer la pertinence et la faisabilité du
système précédemment mis en exergue. Elle entend en effet étudier tout
d’abord la possibilité « de déterminer un profil d’usages, un profil
d’intermédiaires redevables et une méthode de calcul de barème de
rémunération pour les titulaires de droit ». À partir de là, la
Hadopi fait valoir qu’il faudrait évaluer les conséquences économiques
de ce système, notamment afin que celui-ci puisse être équilibré du
mieux possible.
On notera pour l’heure la réaction du juriste Calimaq (voir son billet de blog à ce sujet), également membre de La Quadrature du Net, qui perçoit ici une manœuvre de la Hadopi visant à « discréditer les positions des tenants de la légalisation du partage », notamment au travers des critiques formulées par l’institution à l’égard de cette notion. « Ce
que la Hadopi ne dit pas, c’est qu’elle a une responsabilité directe
dans le fait que les pratiques d’échanges aient peu à peu migré vers des
formes centralisées impliquant des intermédiaires marchands. Car la
riposte graduée, en ciblant spécifiquement le téléchargement en P2P, a
mécaniquement promu des formes centralisées, comme MegaUpload en son
temps et Youtube aujourd’hui, qui concentre une part énorme du trafic » observe-t-il au passage. L’intéressé l’assure : les propositions portées de longue date par l’association citoyenne au sujet du droit d’auteur « sont
au contraire très précises sur le périmètre des pratiques qui doivent
être incluses dans la notion" "d’échanges non-marchands entre individus"
et elles ne visent pas à couvrir l’ensemble des dispositifs d’accès aux
oeuvres dont la Hadopi a dressé l’inventaire ».
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