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Frédéric Drach Tappert (1940-2002) était un physicien américain dont la contribution la plus célèbre concerne sans doute les solitons optiques utilisés dans la technologie de communication par fibre optique. Il a été membre de l'équipe technique des Bell Labs de 1967 à 1974, et c’est pendant cette période qu’il a collaboré avec Akira Hasegawa sur des questions de propagation des solitons optiques dans des fibres. © Andrewtappert, Wikipédia, cc by sa 3.0
Depuis des
années, on utiliser des solitons optiques pour transporter de
l'information dans des fibres. Des physiciens néo-zélandais cherchent à
en faire des mémoires optiques performantes. Ce faisant, ils ont
découvert des interactions à longue portée et particulièrement faibles
entre ces solitons. Ce phénomène constitue un obstacle à la réalisation
de ces mémoires qui pourrait être contourné. On disposerait alors de
mémoires de lumière.
Le 22/07/2013 à 15:34
- Par
Un faisceau laser circule ici dans une fibre
optique enroulée. Dans un futur proche, de tels faisceaux, parcourus
de solitons optiques, serviront peut-être à stocker des bits
d'information dans des fibres en boucle. La lumière ne sera pas
seulement une messagère : elle sera aussi une mémoire. © Laser Zentrum
Hannover
Les solitons
sont des sortes de paquets d’ondes particulièrement stables qui peuvent
garder une forme bien définie pendant des temps assez longs, et donc se
propager sur de longues distances. On ne les trouve qu’associés à des équations
non linéaires, comme celles de la relativité générale, qui permettent
de considérer les trous noirs comme des sortes de solitons, ou encore
celles de la mécanique des fluides, les équations de Navier-Stokes. De
fait, un soliton, aussi appelé onde solitaire, a été décrit pour la première fois au XIXe
siècle par l'Écossais John Scott Russell, qui l'a observé en se
promenant le long d'un canal lorsqu’il a suivi pendant plusieurs
kilomètres une vague remontant le courant qui ne semblait pas vouloir
faiblir.
Le phénomène a été modélisé pour la première fois
par le mathématicien français Joseph Boussinesq. Depuis lors, des
solitons ont été trouvés dans bien des situations physiques. Il a été
proposé que la Grande Tache rouge de Jupiter
en était un, ce qui expliquerait son existence depuis plus de 300 ans.
On trouve des solitons dans les milieux magnétiques, et on a même tenté
de décrire certaines particules élémentaires avec eux.
Solitons optiques pour les réseaux de fibres optiques
De nos jours, les solitons sont particulièrement
étudiés dans les fibres optiques. L’une des raisons est qu’ils
permettent de simuler le comportement de bien d’autres solitons en
physique, ou du moins des effets non linéaires qui ressemblent beaucoup
aux solitons, comme les vagues scélérates.
Mais ce qui rend l’étude des solitons dans les fibres optiques
particulièrement intéressante, ce sont les perspectives qu’elle a
ouvertes pour les télécommunications, voire les ordinateurs
optiques. En effet, la stabilité des solitons permet d’envisager de
transmettre des bits d’information sur de grandes distances dans les
fibres optiques, et donc d’améliorer la qualité de ces transmissions.
L’idée est ancienne puisqu’elle a germé dans l’esprit des physiciens Fred Tappert et Akira Hasegawa des laboratoires Bell (Bell Labs)
d'AT&T en 1973 lorsqu’ils ont avancé que des solitons pouvaient
exister dans des fibres optiques. Mais ce n’est qu’en 1988 que Linn
Mollenauer et son équipe démontrèrent vraiment que c’était possible, en
transmettant ainsi des solitons sur plus de 4.000 km. En 1991, une
équipe des Bell Labs est allée plus loin en transmettant des
solitons sur plus de 14.000 km, et en 1998, une équipe de France Telecom
menée par Thierry Georges a réussi à faire du multiplexage en longueur d'onde avec des solitons pour réaliser une transmission à un débit
supérieur à un térabit par seconde. Finalement, les solitons optiques
ont été utilisés dès 2001 pour transporter des informations sur un
réseau commercial.
Frédéric Drach Tappert (1940-2002) était un physicien américain dont la contribution la plus célèbre concerne sans doute les solitons optiques utilisés dans la technologie de communication par fibre optique. Il a été membre de l'équipe technique des Bell Labs de 1967 à 1974, et c’est pendant cette période qu’il a collaboré avec Akira Hasegawa sur des questions de propagation des solitons optiques dans des fibres. © Andrewtappert, Wikipédia, cc by sa 3.0
Récemment, des chercheurs néo-zélandais étudiaient
une nouvelle idée concernant l’utilisation des solitons dans les fibres
optiques lorsqu’ils sont tombés sur un phénomène inattendu. La
découverte a fait l’objet d’un article dans le journal Nature Photonics.
Mémoires de lumière avec des solitons optiques
Les solitons sont stables, et ils sont normalement
réputés sans interactions, de sorte que deux solitons peuvent se
heurter, se traverser et rester inchangés quant à leurs caractéristiques
principales. On pouvait donc imaginer stocker des bits d’information
sous forme de solitons temporairement piégés dans des fibres optiques en
boucle. On disposerait ainsi de mémoires optiques fiables mobilisables
de façon ultrarapide, et plus économes en énergie que d’autres
dispositifs couplés aux fibres optiques.
Les chercheurs se sont donc mis à étudier la
propagation de solitons optiques dans une fibre en boucle d’environ 100 m
de long. Ils sont alors tombés sur une surprise désagréable, bien
qu’elle ait été anticipée par d’autres chercheurs sur des bases purement
théoriques. Les solitons ne se comportaient pas comme s’ils étaient
sans interactions. Bien que faibles, ces interactions peuvent à priori
dégrader la qualité de la mémoire optique que l’on voulait réaliser.
Interactions entre solitons mises en évidence
Ces interactions ont leur explication. En progressant le long de la fibre optique,
le champ électrique d’un premier soliton la déforme. Il s’agit d’un
processus connu sous le nom d’électrostriction. Cela crée une petite
onde ultrasonore dans le sillage du soliton, qui modifie temporairement
et localement l’indice de réfraction
de la fibre. Lorsqu’un second soliton traverse l'onde sonore, il est
accéléré ou ralenti par rapport au premier. Même si l’effet n’est
notable que lorsque les solitons ont parcouru des longueurs équivalentes
à la distance Terre-Soleil dans la boucle, l’effet est bien réel et
correspond à des interactions entre solitons.
En fait, les physiciens ont découvert que des
interactions à longue portée similaires entre solitons étaient déjà
connues. Cependant, dans le cas présent, ils en avaient découvert qui
étaient de trois à cinq ordres de grandeur plus faibles que celles
mentionnées précédemment dans la littérature scientifique, et qui
étaient notables pour des distances plus faibles entre solitons. Il
s’agissait donc d’un record à plus d’un titre, ce qui pouvait compenser
quelque peu leur déception d’avoir rencontré un obstacle pour la
réalisation d’une bonne mémoire optique avec des solitons.
Finalement, les chercheurs pensent qu’ils doivent
pouvoir contourner cet obstacle. « Nous croyons que nous pouvons
résoudre le problème en modulant le faisceau de lumière contenant les solitons, explique le physicien Miro Erkintalo de l’université d’Auckland, l’un des auteurs de la découverte. « Nous y travaillons en ce moment. »