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Par Kenza ADEÏDA 19 mars 2014
Par Kenza ADEÏDA 19 mars 2014
Quel avenir pour les objets connectés? Pour quels usages ? Réponse avec Eric Guichard.
Entretien avec Eric Guichard, sociologue et anthropologue de l’internet et de la technique, suite au débat "Objets connectés, bien au-delà du gadget" qui se tenait vendredi au Numa Paris.
L’Atelier : On nous donne l’impression que les pays anglo-saxons sont davantage ouverts aux objets connectés… Pensez-vous que les utilisateurs français sont prêts à les adopter dans leur quotidien ?
Eric Guichard : En France comme dans les pays anglo-saxons, je pense que tout est une question d’effets de modes que des personnes ont le pouvoir d’impulser, quand éventuellement d’autres suivent ou se mettent à l’extérieur. Ainsi, il faut être prudent et ne pas définir les pays anglo-saxons comme un groupe homogène qui pourrait se distinguer des Français, car ce serait une sorte de vision nationaliste un peu naïve. Rien qu’en comparant les nombreuses particularités des quartiers riches et des banlieues pauvres de Los Angeles, on se rend compte qu’il n’est pas possible de considérer que les Américains ou les Anglo-Saxons représentent un archétype de personnes qui soit homogène. Au delà de ça, je pense que l’utilisateur français est prêt car, d’une certaine manière, il a toujours été entouré d’objets connectés. Il en a conscience en regardant le secteur de l’industrie qui l’environne, et qui est déjà truffé d’objets connectés les uns avec les autres. La différence est qu’aujourd’hui il a accès à des objets plus petits, plus domestiques, qui s’inscrivent davantage dans le quotidien. Toutefois, on parle beaucoup des objets connectés mais il faut bien comprendre que 95% des produits dont on parle vont disparaître dans deux à cinq ans et seront jetés aux poubelles de l’Histoire. ll faut donc faire attention, en tant que médiateurs, à ne pas être tributaires de ces effets de mode. Autre point, ce qu’il faut bien comprendre c’est que le phénomène des objets connectés du quotidien est un processus qui va prendre beaucoup de temps.
Quels sont les domaines à plus fort potentiel pour le développement des objets connectés?
J’en vois deux. Le premier, c’est l’automobile et les transports urbains, sachant que l’on peut considérer que le TGV est déjà interconnecté. Si l’on commence à imaginer que grâce aux puces, grâce à Arduino, des choses simples comme un verre pourront être interconnectées, on oublie qu’une voiture ou une locomotive peuvent l’être aussi et donc pilotables à distance par exemple. Cependant, même les spécialistes de l’industrie automobile disent que ce n’est pas gagné : si l’on va voir émerger d’ici 7 à 10 ans des voitures interconnectées plus modernes, il faudra en attendre au moins 20 pour voir des voitures capables de s’arrêter afin d’éviter un piéton. Le second domaine à fort potentiel est, selon moi, l’industrie logicielle puisque derrière tout objet connecté, il y a un programme informatique lui-même connecté. Le problème qui se pose est que se passe-t-il si un bug apparaît dans ce programme? Comment gérer le fait, par exemple, que tous les feux d’une ville restent au rouge ou que tous les hôpitaux sont coupés d’électricité? Il faut donc développer des logiciels qui soient fiables, qui aient les moyens de garantir d’éviter les bugs. Ce domaine de recherche existe déjà et est en plein développement. Je pense que ces deux domaines vont prendre une place grandissante mais que cela a se faire très lentement car il n’y a pas de véritable révolution.
Les objets connectés suscitent le débat autour de la confidentialité des données, quel est votre point de vue sur la question ?
La question de la confidentialité est problématique indépendamment des objets connectés. Google a, par exemple, des informations sur moi que moi je n’ai pas le droit d’avoir et cela n’est presque pas corrélé aux objets connectés. Mais actuellement, on est clairement dans l’excès et je doute que cela dure éternellement avec ce que Snowden a dévoilé sur la collusion des multinationales et de l’Etat américain via les aventures de la NSA. Le problème de la data en tant qu’abus, intrusion inacceptable dans notre vie privée mais aussi en tant qu’appropriation de notre personne est déjà là. Il faut donc repenser les lois en disant que l’interconnexion entre les systèmes de données est interdite, qu’il est interdit de récupérer des données à l’insu d’une personne et que toute personne a le droit d’accès à toutes les données à son sujet, ce qui n’est pas le cas en ce moment.
Selon vous, est-ce les PME qui ont une carte à jouer avec les objets connectés ou est-ce plutôt aux grandes entreprises d’impulser une dynamique ?
Je pense que dans ce domaine là, la réponse n’est pas définie. Le domaine de l’internet est un domaine où il n’y a pas beaucoup d’investissements lourds, du moins dans l’industrie numérique. Ainsi, avec de bonnes idées, on peut créer des marchés et il y a de la place pour des niches. Je pense donc que cette dynamique va s’articuler entre des individus qui ont des bonnes idées et qui vont les déployer. Il y a un nouveau type de bricoleurs de la maison connectée qui se développe et certains d’entre eux vont créer des produits tout à fait amusants et attrayants. D’autres fois, ce seront plutôt les grandes entreprises qui les développeront.
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