A lire sur: http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0203135456938-comment-la-culture-doit-aborder-le-virage-numerique-631586.php
Il faut sortir du pessimisme : la culture est un secteur économique en expansion avec 7 % de croissance annuelle entre 2011 et 2012. Cette tendance se poursuivra au rythme de 5 % pour les cinq prochaines années, selon les estimations de l'étude de Kurt Salmon pour le Forum d'Avignon. Une embellie tirée par trois effets conjoints : la démocratisation des terminaux connectés favorisant une multiplication des moments de consommation et de nouveaux usages ; la place croissante des nouvelles formes de monétisation numériques, qui permettent notamment une diversification des revenus ; et la montée en puissance des pays émergents, aussi bien en termes de consommation que de production. La Chine, par exemple, prévoit d'augmenter le poids des industries culturelles dans son PIB de 2,5 % à 6 % d'ici à 2015.
La puissance du « big data » bouscule les équilibres de la chaîne de valeur. Elle oblige tous les acteurs à se remettre en question face à un risque réel de position dominante des « pure players » de la distribution numérique. Les producteurs voient leur part de revenus augmenter avec la disparition des intermédiaires sur les produits numériques. Pour le livre, leur part est passée en moyenne de 30 % du prix hors taxes pour un livre physique à 48 % pour un livre numérique, quand la part des producteurs de DVD passait de 17 % sur les supports physiques à 48 % sur les supports numériques. Aucun artiste du Top 20 mondial (musique et livre) n'est autoproduit… même si 45 % des consommateurs se déclarent prêts à financer ou à cofinancer un artiste ou une oeuvre (mais pas au-delà de 25 euros). Cette empathie - visible dans le développement du « crowdfunding » - facilite déjà l'apparition de nouvelles médiations entre créateurs et consommateurs, et permet aux premiers qui font preuve d'astuces d'émerger facilement au milieu d'une audience toujours plus volatile.
La mise en place de synergies co-créatives - et donc le partage de la valeur ajoutée - devient nécessaire entre les créateurs et producteurs pour rééquilibrer le pouvoir des distributeurs et des moteurs de recherche - qui, de facto, connaissent intimement la demande et la gèrent naturellement au mieux de leurs intérêts.
Il faut aussi veiller à limiter un danger sournois : la distorsion de concurrence, issue de cadres réglementaires et fiscaux qui restent pour la plupart nationaux et ne permettent pas de régir un marché numérique sans frontières ar nature. Aussi, le Forum d'Avignon soutient-il cinq propositions de Kurt Salmon pour rééquilibrer les pouvoirs et tirer parti des bénéfices induits par le numérique :
1. Une harmonisation des cadres fiscaux et réglementaires au niveau européen via un principe de transparence imposée, une taxation des revenus en fonction du pays de vente et une harmonisation des taux de TVAou l'application de la TVA du pays du consommateur.
2. La promotion d'une consommation culturellement responsable, via la sensibilisation du consommateur à la situation pour lui apprendre à répartir sa consommation sur les différents canaux, notamment la distribution de produits culturels paneuropéens.
3. La mise en place d'un dispositif européen de préfinancement conjugué à une politique d'exportation des contenus en développant une véritable politique culturelle européenne adossée à une politique volontariste de commercialisation et de diffusion, et en créant un dispositif européen de financement de la création pour favoriser l'émergence de structures internationales.
4. La mise en place d'outils financiers complémentaires : dispositifs d'épargne innovants, encadrement du « crowdfunding » pour rassurer les investisseurs, développement defonds d'investissement dédiés sur le modèle de St-art ou Neuflize OBC Cinéma...
L'application de ces recommandations est vitale pour que le secteur des industries culturelles et créatives poursuive son développement, économique et créatif.
Laure Kaltenbach et Olivier Le Guay
Laure Kaltenbach et Olivier Le Guay sont respectivement directeur général et responsable éditorial du Forum d'Avignon, dont la 6e édition se déroule du 21 au 23 novembre
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