Géolocalisation et mobiles au cœur des sciences de la biodiversité
La préservation de la biodiversité, outre les actions visant préserver les espèces, ou restaurer les équilibres écologiques, nécessite que soient réalisés des inventaires sur les espèces et leurs conditions d’existence. Ainsi, la taxonomie, qui vise à décrire et classer les espèces, a longtemps été synonyme d'étiquetage de spécimens dans des tiroirs ou sur des planches. Elle s’est très largement numérisée et permet désormais de constituer d’importantes bases de données hétérogènes qui rassemblent les noms, photos et informations sur le lieu et l’habitat des espèces. Les naturalistes, grâce à des programmes, comme le Global Biodiversity Information Facility (GBIF) ou Tela Botanica (pour les botanistes francophones), collaborent à l’échelle mondiale pour nourrir et documenter ces bases de données partagées. Le GBIF, mis en place en 2001 dans le cadre de l’OCDE, réunit sur son portail plus de 200 millions d’observations.(Source : Faire l'inventaire du vivant : informatique et systématique)
Les technologies de géolocalisation par satellites (balises Argos, GPS) ont depuis de nombreuses années été utilisées par les zoologues et botanistes. Elles facilitent l’étude des écosystèmes ainsi que la cartographie des forêts et des espèces végétales. De nouvelles générations de dispositifs mobiles comme le Field-Map composé d’un GPS, d’une boussole électronique et d’un télémètre laser permettent désormais de cartographie les habitats naturels ou la structure de la forêt de manière tridimensionnelle. Parallèlement aux relevés établis par des professionnels, des applications mobiles permettent d’associer les naturalistes amateurs aux campagnes d’inventaire du patrimoine naturel.
La science participative au service de la biodiversité
Les sciences de la nature, se sont ouvertes depuis longtemps, aux démarches dites de «science participative». Les premiers pays à expérimenter l’ouverture des programmes de recueil de données sur la faune ou la flore aux non-professionnels furent les pays anglo-saxons. Le plus ancien programme de suivi participatif des oiseaux en Amérique du nord (le Christmas bird count) a été mis en place par la fondation Audubon en 1900. (Cette campagne de comptage d’oiseaux dans les deux semaines suivant Noël mobilise chaque année 50 000 citoyens). En France, c’est dans les années 80 que des programmes de science participative ont vu le jour, le plus connu est le programme STOC (suivi temporel des oiseaux communs) animé par le Muséum national d’Histoire naturelle. (Source : IFREE)La création de portails Internet ouverts aux amateurs marque une nouvelle étape dans ces démarches collaboratives. Les organismes de recherche, les universités, les sociétés savantes et les réseaux naturalistes amateurs ont ainsi ouvert des portails permettant aux amateurs de consigner leurs observations sur la faune ou la flore. Le site Observado (et son pendant hollandais Waarneming) rassemble déjà 11 millions d'observations : les trois quarts d’entre elles, recueillies par 50,000 naturalistes bénévoles, portent sur des oiseaux. Le Wild Life Event reporter http://www.whmn.org/wher recense les maladies qui affectent les animaux. Le projet Tree of life (l'Arbre de la vie), a pour ambition d'inventorier et de classer graphiquement la totalité des espèces animales et ainsi de tenter de retracer les relations de parenté entre les espèces vivantes.
En France, le Muséum d'histoire naturelle a lancé l’an dernier le projet participatif SPIPOLL pour recueillir des données sur les insectes pollinisateurs et/ou floricoles sur l’ensemble de la France métropolitaine.
Voir aussi :
Jonathan Silvertown, Department of Life Sciences, The Open University : A new dawn for citizen science
Participatory Sensing : A citizen-powered approach to illuminating the patterns that shape our world
Des applications mobiles pour participer à l’inventaire de la biodiversité
Un certain nombre de ces programmes de science participative proposent désormais des applications mobiles, souvent ciblés sur des espèces en danger. L’application du Mojave Desert Ecosystem Program (MDEP) permet ainsi aux chercheurs et aux amateurs de rassembler des informations pour préserver les tortues du désert situé en Californie et dans l’est américain. La Société zoologique de Londres (ZSL) a développé l’application iBat dans le cadre du programme mondial d’observation des chauves-souris. Elle permet aux bénévoles de 16 pays de détecter et d'enregistrer plus de 900 espèces de chauves-souris à l'aide d'un microphone ultrasonique. Les sons enregistrés sont transmis à un site qui les analyse pour dresser une carte précise des populations de chauves-souris qui sera nécessaire à la mise en œuvre des mesures de conservation à l’avenir.La connaissance des différentes espèces (ou essences) d’arbres a suscité de nombreuses initiatives. Ainsi, pour mieux comprendre le développement et les effets d’une maladie qui décime les chênes californiens, les chercheurs de l’université de Berkeley ont réalisé l’application OakMapper qui permet aux randonneurs de signaler les arbres atteints pas cette maladie. Les bénévoles peuvent identifier les différentes variétés de chênes, noter les symptômes visibles, se géolocaliser eux-mêmes et positionner les arbres avec précision sur une carte, avant de communiquer les données recueillies. En Grande Bretagne, l'application TreeID permet d'identifier les espèces autochtones des îles britanniques. Une fois l'arbre identifié, les utilisateurs peuvent alors envoyer sa photo aux développeurs pour le placer sur une carte communautaire. Un autre programme lié aux arbres présents en Grande Bretagne «Great Yew Hunt» (la chasse aux ifs) utilise l’application Epicollect pour localiser sur une carte les ifs anciens encore présents sur le territoire britannique et mesure les cernes de leurs troncs en vue d’estimer leur âge. Aux États-Unis, Leafsnap permet aux botanistes amateurs d’aider les scientifiques à dresser la carte des espèces d'arbres et à en mesurer la progression ou le déclin.
Le projet annymals.org, lancé par plusieurs institutions allemandes, a développé une application fonctionnant sous Android qui s’appuie directement sur les bases de données du Global Biodiversity Information Facility (GBIF). L’application mobile permet de récupérer les données déjà disponibles dans le GBIF pour une zone géographique délimitée par l’utilisateur. Elle affiche les espèces qui ont été répertoriées dans cette zone, les observations recueillies ainsi que des données complémentaires en provenance de Wikipedia. Les naturalistes amateurs peuvent ainsi compléter les observations déjà effectuées ou ajouter une espèce qui ne l’avait pas été. Les données nouvelles sont reversées dans le GBIF. Comme souvent lorsqu’il est question de recueil d’informations issues du « crowdsourcing », des algorithmes ou des tests de plausibilité permettent de filtrer les erreurs ou les approximations.
L’observatoire de la biodiversité collaboratif Observado.org propose aussi une application mobile et devrait bientôt lancer une web application mobile basée sur le langage HTML5.
Le projet Noah (Networked organisms and habitats) s’adresse au grand public pour constituer une carte participative et mondiale de la biodiversité. L’application, lancée en 2010 par quatre étudiants, permet à ses utilisateurs de contribuer à l’étude des écureuils (avec l'université de Chicago) à celle des champignons, à l’inventaire de la biodiversité dans la ville de New York, ou encore au recensement d'espèces menacées par la marée noire qui avait saccagé les côtes du Golfe du Mexique. Le Wall Street Journal avait même qualifié ce projet de « filets à papillons du XXIe siècle ».
Voir aussi :
Une application mobile pour identifier les espèces d’arbres
Un service mobile pour cartographier la maladie des chênes californiens
Biodiversité : un service mobile pour préserver les tortues aux États-Unis
BBC : A smart way to save wildlife
Wall Street Journal : App Watch: Mapping Nature on Your Smartphone
Des applications mobiles pour découvrir la nature et identifier les espèces
Des sociétés de protection de la nature et des éditeurs spécialisés ont entrepris de mettre une partie de ces connaissances à la disposition des randonneurs et des amateurs de nature grâce à des applications mobiles. Ainsi, l’association américaine de protection de l’environnement National Audubon Society, édite une série de guides mobiles qui décrivent 5548 espèces animales et végétales. Le guide mobile des fleurs sauvages de Californie édité par EarthRover Software recense, pour sa part, 400 espèces. À partir d’une base de données qui comprend 4000 photographies, l’application Santa Monica Mountains aide les visiteurs du Parc National de Santa Monica à identifier 700 espèces de fleurs sauvages en saisissant la couleur, la taille et la forme, puis s’assurer de son identification en la comparant avec plusieurs photographies.Certaines applications permettent aussi de prendre des photos afin d'identifier les différentes espèces. L’application Leafsnap intègre ainsi un logiciel de reconnaissance de forme qui analyse les photos et reconnaît les essences d'arbres à partir de leurs feuilles. En France, l'Office national des forêts (ONF) a lancé une application qui permet de reconnaître, en fonction de leurs feuilles et fruits, les 29 principales essences d’arbres feuillus et résineux (conifères) présentes dans les forêts de France métropolitaine . La Ville de Bordeaux a quant à elle disséminé des QR codes sur les 10 hectares des parcs de la ville qui délivrent des informations sur les arbres et permettent d’écouter les chants d’oiseaux.
Voir aussi
Biodiversité : un service pour identifier 700 espèces florales
Une application pour reconnaître les principaux arbres en France
La réalité augmentée pour explorer les paysages
La réalité augmentée est l’une des technologies les plus utilisées pour l’exploration « contextualisée » de la nature. Les chercheurs du laboratoire Salzburg Research (déjà à l’origine du logiciel de réalité augmentée Wikitude) ont ainsi mis au point en 2009 l’application Peak.ar http://peakar.salzburgresearch.at/ qui affiche sur le smartphone les noms des sommets, leurs altitudes, longitudes et latitudes ainsi que leur distance par rapport au randonneur. Ils viennent de réaliser l’application Peak.NPHT qui permet (à partir des données issues de GoogleMaps) d'identifier les 3000 sommets situés dans un parc naturel en Autriche. Dans le cadre d’un programme de recherche consacré aux usages éducatifs de la réalité augmentée, l’Université d’Exeter en Grande Bretagne a mis au point une application basée sur la technologie Layar, qui superpose aux images saisies par l’appareil une couche de données relatives aux espèces animales et végétales.La réalité augmentée ne s’applique pas uniquement à la perception visuelle. Ainsi, le projet Wild se propose de rendre audibles les animaux qui subsistent au sein du tissu urbain et de réaliser une cartographie sonore de la biodiversité animale.
Voir aussi :
La réalité augmentée sur mobile pour explorer la nature et les paysages
En janvier 2010, l'Institut de la biodiversité d'Oxford a consacré un colloque à l’utilisation des smartphones et aux dispositifs de «crowdsourcing» dans le cadre des programmes d’inventaire du patrimoine naturel. (Source : Symposium on Mobile computing, citizen science and conservation recording: Embracing the potential of smartphones, crowd-sourcing and other web-based technologies)
Voir aussi :
Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020
GBIF France : Système mondial d'information sur la biodiversité
TeleBotanica : le réseau de la botanique francophone
Inventaire national du Patrimoine naturel
http://paper.li/tdf__ademe/tdf?utm_source=subscription&utm_medium=email&utm_campaign=paper_sub
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