De la fonction de support, aussi sophistiquée soit-elle, la DSI a aujourd’hui un rôle de transformation de l’entreprise et d’accompagnement des nouvelles stratégies. Les chemins de fer néerlandais par exemple mettent en place un système de réservation et de paiement en ligne qui sera compatible avec toutes les compagnies de transport du pays. Ce système sera basé sur une carte de paiement électronique utilisable dans les boutiques et dans les guichets des chemins de fer. Mais la mise en place de cette application, qui constitue déjà une transformation majeure, conduit vers une autre application tout aussi importante. « Ces cartes de paiements vont générer des volumes  considérables de données qui vont nous permettre de mieux connaître le comportement de nos clients et ainsi de mieux comprendre leurs attentes », explique Hessel Dikkers, DSI de Dutch Railways (1).
C’est une démarche similaire qu’a adoptée La Poste avec le lancement de son projet Facteo qui va transformer chaque facteur en un agent du changement.  A horizon 2015, les 90 000 facteurs seront équipés de smartphones « personnalisés » qui vont permettre deux choses. La première concerne des avancées dans les services traditionnels en facilitant et en sécurisant les opérations courantes. C’est le rôle habituel de l’informatique qui intervient comme support. Mais Facteo est aussi le vecteur d’une transformation plus radicale de l’entreprise. Il va permettre la diversification de l’offre de La Poste en facilitant le déploiement de nouveaux services de proximité à destination des collectivités locales. Il est vrai que La Poste est confronté à un problème majeur. « En dix ans, nous avons perdu la moitié de l’activité courrier, expliquait Michel Foulon, DSI du courrier, La Poste lors de la présentation du baromètre CIO 2013. Ce qui appelait des mesures importantes. Pour notre projet Facteo, nous avons adopté une approche très pratique en démarrant sur le terrain avec un groupe de facteurs en leur demandant ce qu’ils pensaient pouvoir faire avec un smartphone connectée au SI de l’entreprise. Mais il va falloir tirer parti de cette initiative. En particulier, on va récupérer des tonnes de données qu’il va falloir utiliser.
Pas de génération spontanée, sauf pour les données !
Dans de nombreux cas, la mise en place de nouvelles applications inclus désormais une composante Big data dont la définition n’est pas vraiment stabilisée (The big Data Conundrum : How to Define It ?) dont nous retiendrons celle du National Institute of Standards and Technology : « Applications qui s’appliquent à de très grands volumes de données dépassant les moyens traditionnels de traitements ».  La raison est liée au fait que la mobilité et le Machine to Machine et l’Internet des objets génèrent des peta-octets de données que l’on peut désormais analyser grâce à des ordinateurs extrêmement performants et à des logiciels adaptés.  C’est toute la démarche de General Electric en annonçant les nouvelles technologies « Predictivity » basées sur l’analytics et applicables aux secteurs  de l’aéronautique, de l’industrie du pétrole et du gaz, des transports, de la santé et de l’énergie.
GE est à la tête d’un parc de 250 000 machines intelligentes – turbines, réacteurs d’avions, appareil à Imagerie par résonance magnétique – qui, équipées de capteurs, vont produire des volumes considérables de données, source d’améliorations considérables dans de nombreux domaines. Ce peut être une prolongation de vie des équipements et une diminution du coût de possession, une réduction des coûts de maintenance grâce à la maintenance prédictive, nue diminution des gaspillages, une réduction des MTBF (Mean Time Between Failure)…
Big data : on en est au tout début
L’exploitation de ces gisements de données constitue un indéniable levier de croissance et de compétitivité pour les entreprises. Mais la réalité est encore différente et une enquête réalisée par Steria (Business Intelligence : Les entreprises européennes sont-elles prêtes pour le Big Data ?) indique que les entreprises ont encore des progrès à faire dans ce domaine. Parmi les obstacles qui constituent un frein à la mise en œuvre du big data :
- Un niveau de qualité des données insuffisant constitue la principale difficulté des organisations au regard de leur stratégie BI pour 34% d’entre elles, loin devant les difficultés liées à leur traitement en temps réel (18%), leur volume croissant (16%) et leur hétérogénéité (10%).
- L’absence d’une stratégie formalisée et d’une gouvernance dédiée à la BI sont également clairement mis en cause par les organisations ;
- Une pénurie de compétences en BI, et particulièrement de data scientists qui constitue un frein pour 27% d’entre elles. Ceux-ci doivent posséder des compétences à la fois en statistiques et dans les technologies ad hoc telles que Hadoop, NoSQL ainsi qu’une expertise métier. Car pour être mis en œuvre, le big data n’est pas un outil ni une technologie, il doit être considéré comme un projet. Et dans cette perspective, les experts de Sogeti, dans le 4e rapport intitulé Votre potentiel Big Data : l’art du possible, se focalisent sur les implications opérationnelles du « Big Data » dans l’entreprise et identifient dix questions dont les réponses permettent de poser les bases d’un projet d’envergure.
Toujours des migrations traditionnelles
Mais ces nouveaux projets ne suppriment pas les projets traditionnels, en particulier le changement d’applications dites Legacy ou les migrations vers de nouvelles versions. Dans « sa stratégie 2015+ », La Deutsche Bank entend modifier le métier de la banque de détail avec le projet Magellan plus traditionnel mais tout aussi complexes et consommateurs en ressources. L’objectif est de remplacer les applications historiques développées le plus souvent en interne par des logiciels SAP et d’intégrer aussi le SI de Postbank, devenue une filiale de la Deutsche Bank en 2010. En 2012, la banque allemande, 2650 applications ont été standardisées, 800 ont été supprimées, 1300 identifiées en vue d’être débranchées.
Au-delà de ces évolutions applicatives, les entreprises doivent aussi mettre à jour leur infrastructure.  Et selon une étude réalisée par le cabinet IDC, elles ne seraient pas vraiment. Les migrations logicielles sont désormais permanentes et sont devenues la norme – et les DSI ne sont pas équipés pour les gérer correctement.
Les nouveaux modèles à l’œuvre
Avec HP As-a-Service Solution for SAP HANA, HP annonce la disponibilité de la technologie HANA de SAP sur le cloud. Ce n’est sans doute pas l’annonce du siècle dans la mesure où elle ne concerne que quelques grandes entreprises, mais elle caractérise l’évolution rapide vers le cloud. D’autant que SAP et HP ne sont pas les plus actifs dans ce domaine. HANA est désormais un élément stratégique de SAP. D’ailleurs, SAP vient de dégager 650 millions de dollars dans le fonds d’investissement Ventures Fund II. Il s’intéressera notamment aux entreprises travaillant sur les technologies in-memory d’HANA  et d’autres technologies SAP.
Le modèle des App Stores
L’économie des Apps est apparue il y a 5 ans avec l’App Store. Aujourd’hui plus d’un million d’apps seraient disponibles pour un nombre de téléchargement de 100 milliards. Ce modèle concerne surtout des petites applications pour mobiles mais pourrait être amené à se développer avec la montée en puissance du SaaS (Software as a Service) pour toucher les applications d’entreprises. Salesforce avait été pionnier dans ce domaine en ouvrant son AppExchange. Aujourd’hui, de nombreux acteurs -  dont certains qu’on n’attendait pas vraiment – ont adopté ce modèle de distribution. C’est par exemple le cas de Deutsche Telekom (The cloud marketplace for companies is now open) qui vient d’ouvrir une place de marché proposant des applications pour les PME.  Par ailleurs, les entreprises pourraient être aussi amenées à mettre en place des app stores pour les applications internes.
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(1) The CIO’s New Role: Core Strategy Enabler – CIO Barometer 2013 – CSC