Le 29 septembre 2011 (17:29) - par Valery Marchive
LeMagIT : Les phénomènes de saturations régulièrement évoqués sur les réseaux 3G sont-ils une réalité ?
Andrew Bartram : Oui, cela ne fait aucun doute. Que ce soit de façon permanente ou ponctuelle lors d’événements, il y a des phénomènes de saturation sur certaines parties des réseaux 3G, pour la partie data. Si on regarde hors de France, nous avons déjà travaillé avec PCCW à Hong Kong ou KDDI au Japon sur les problématiques qu’ils ont accepté de traiter en mettant en place du 3G offload : du délestage des réseaux 3G.
LeMagIT : Où la saturation survient-elle ? Au niveau de l’interface radio ou des connexions des stations de base aux réseaux des opérateurs ?
A.B : Géographiquement, on la constate le plus souvent sur les grandes villes, là où il y a la plus grande densité de population, et de façon ponctuelle sur des sites d’événements où beaucoup de monde cherche à se connecter au même moment.
En premier lieu, la problématique est d’ordre radio : une station de base est prévue pour un certain nombre d’utilisateurs simultanés et dispose d’une certaine capacité de bande passante. Après, elle est souvent reliée en fibre optique au réseau de l’opérateur. Une fibre qui dispose généralement de plus de bande passante qu’il n’en faut pour absorber le trafic à l’interface radio.
Certains efforts ont été faits par les opérateurs en ajoutant des stations de base ou des antennes pour travailler sur la capillarité de leur réseau. C’est là que l’on peut tomber sur des problèmes de surcharge des liaisons en amont des stations de base, liaisons qui peuvent être filaires ou hertziennes.
Le problème se pose donc en deux temps, avec l’interface radio en premier lieu. Mais typiquement, sur un lieu comme le Stade de France, augmenter la capacité 3G est impossible; la ressource radio ne le permet pas alors qu’il y a sans doute toute la capacité réseau nécessaire derrière, sur la partie filaire.
LeMagIT : N’est-il pas un peu paradoxal que les opérateurs grincent aujourd’hui des dents alors que le trafic données mobile a finalement décollé ? Peut-on blâmer le consommateur ou les opérateurs, avec un manque d’investissements ?
A.B : Je ne pense que l’on puisse dire que c’est la faute de l’un ou de l’autre. Je pense que l’on est dans une spirale. Effectivement, le trafic données mobile a mis du temps à décoller faute de terminaux adaptés et d’offres tarifaires attractives, notamment. Les opérateurs ont construit des offres pour pousser les consommateurs à consommer du trafic données mais, derrière, des fournisseurs de contenus ont alimenté la croissance du trafic. Et l’on est entré dans une spirale où il n’y a pas assez de capacité pour tout le monde.
LeMagIT : Les opérateurs mobiles, en proposant la télévision mobile sur leurs réseaux 3G, peuvent toutefois donner l’impression d’être les premiers à se tirer une balle dans le pied...
A.B : C’est plutôt une question pour eux. Je ne peux pas commenter. Mais il est toutefois vrai que l’on peut se poser la question de la pertinence de certains services en 3G. Ne seraient-ils pas mieux sur certaines technologies comme le Wi-Fi ?
Le fait est que l’on constate la saturation. Maintenant, que faire ? Peut-être ajouter une capacité supplémentaire qui, si elle n’était pas prévue pour ça au départ est largement capable de répondre à la problématique, à moindre coût - la 3G, ça coute cher, en licences et en équipements; plus que Wi-Fi.
Le femtocell est une partie de la réponse. Mais cette technologie ne s’applique qu’aux lieux où l’opérateur a le contrôle de l’équipement, en résidentiel ou dans les entreprises. Et le femtocell ne sert qu’un opérateur : quand vos amis viennent chez vous et qu’ils n’utilisent pas le même opérateur, ça ne leur sert pas. Contrairement à un point d’accès Wi-Fi. Et les box ne sont pas dimensionnées pour supporter un nombre important terminaux connectés simultanément.
LeMagIT : On en revient donc à l’idée du délestage...
A.B : On travaille effectivement sur ce concept. On peut dire que opérateurs français en font déjà un peu en proposant leurs points d’accès WiFi. Mais leur utilisation est tout sauf transparente. C’est l’utilisateur qui doit décider de délester. Et la connexion nécessite plusieurs manipulations. Nous travaillons à quelque chose de beaucoup plus transparent, avec passerelle entre réseau WiFi et 3G. C’est notre Wireless Services Gateway, annoncée cette année au 3GSM à Barcelone. L’idée est de faire en sorte que l’authentification sur le réseau WiFi soit aussi transparente que sur le réseau 3G. Cela nécessite toutefois un travail sur les terminaux, afin de permettre une configuration aussi automatique que possible. Sur les smartphones, par exemple, on sait permettre à l’opérateur de pousser des profils de configuration dédiés; par exemple, une clé PSK unique à l’abonné et poussée après provisionnement sur un portail captif. Ce sont des technologies déjà utilisées en entreprise.
LeMagIT : Chaque plateforme de smartphone dispose de ses propres mécanismes pour cela. N’y a-t-il pas besoin de standardiser cela ?
A.B : Si, bien sûr. Et le travail est en cours, en parallèle. Mais les besoins et les demandes des opérateurs arriveront plus rapidement.
LeMagIT : Et quid de la couverture Wi-Fi ? Aujourd’hui, la plupart des déploiements sont confinés à des espaces clos, en essayant de limiter les fuites sur le domaine public...
A.B : Nous travaillons avec les opérateurs pour créer des zones de couverture Wi-Fi. Mais chacun y va avec son propre modèle économique. Ce qui est sûr, c’est que déployer une couverture Wi-Fi coûte moins cher qu’une couverture 3G. Et les équipements mesh permettent de réduire encore les coûts. Dans certains pays, des opérateurs Wi-Fi sous-louent de la capacité à des opérateurs mobiles locaux, par exemple.
LeMagIT : Mais pour un opérateur mobile, n’est-il pas plus avantageux de changer sa structure tarifaire - et de profiter de l’engouement des consommateurs pour les services données mobiles - que d’investir ?
A.B : Honnêtement, je pense que les deux vont se produire. Comme limiter l’usage data en jouant sur la structure tarifaire. Mais les opérateurs n’échapperont pas aux investissements pour ajouter de la bande passante. Ne l’oublions pas : le marché est très concurrentiel et un opérateur ne peut pas se permettre des stratégies commerciales radicales qui feraient fuir ses clients...
LeMagIT : Quid, dans ce contexte, de la 4G, du dividende numérique, de la réutilisation des fréquences 2G ?
A.B : Tout cela nécessite l’utilisation d’antennes, de points hauts... cela reste couteux. Et la 4G n’est pas encore là - ni les réseaux ni les terminaux. Le Wi-Fi restera de toute façon complémentaire à la 4G comme à la 3G.
LeMagIT : Les opérateurs français vous semblent-ils prêts à sauter le pas ?
A.B : Je pense qu’ils ont tous des problèmes de congestion mais qu’ils ne sont pas prêts à l’admettre. La plupart du temps, ils nous disent qu’ils n’ont pas de problèmes - pour eux, parler de 3G offload, c’est parler d’un problème qu’ils ne veulent pas reconnaître. On peut parler de capacité WiFi, de services supplémentaires, mais pas de délestage; ils ne sont pas prêts à le reconnaître. Les box à la maison, c’est pourtant déjà un début, un peu. Nous avons des conversations très confidentielles avec les opérateurs français. Mais toujours pas dans l’optique de dire qu’il y a un problème de capacité à gérer. Alors on utilise d’autres termes...
http://www.lemagit.fr/article/sfr-3g/9575/1/andrew-bartram-ruckus-wireless-les-operateurs-francais-sont-pas-prets-reconnaitre-leurs-problemes-congestion/?utm_source=essentielIT&utm_medium=email&utm_content=new&utm_campaign=20110930&xtor=ES-6
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