Le groupe Supinfocom vient d'inaugurer un vaste campus à Pune, dans l'Ouest du pays.
La « French touch » de la création numérique est
en train d'effectuer une percée en Inde. L'une des institutions phares
de cette filière, le groupe Supinfocom, vient en effet d'inaugurer un
vaste campus à Pune, une ville de 5 millions d'habitants dans l'Etat du
Maharashtra. Un projet qui vise à accueillir un millier d'étudiants,
pour un cursus en cinq ans. Et une consécration internationale pour cet
ensemble de trois écoles dédiées au jeu vidéo, à l'animation et au
design industriel, créé à Valenciennes par la CCI du Grand Hainaut et
présent aussi à Arles.
L'histoire
démarre en 2006 avec l'initiative du groupe indien DSK, présidé par
Deepak Sakharam Kulkarni. Ce milliardaire autodidacte, qui a débuté en
nettoyant des téléphones, désire doter son pays d'un centre de formation
dédié à la création numérique - un pendant high-tech de « Bollywood »,
en quelque sorte. Il charge un cabinet-conseil anglo-indien de
sélectionner, au plan mondial, le meilleur partenaire possible. Et c'est
Supinfocom qui est choisi, en 2007. « De notre côté, nous
ressentions la nécessité de nous ouvrir à l'international, afin
d'améliorer notre visibilité et d'acquérir une masse critique », explique Francis Aldebert, président de la CCI du Grand Hainaut, pour qui l'accord tombe donc à pic.
Equipements haut de gamme
Deux
raisons expliquent le choix de Supinfocom. D'abord, le groupe, peu
connu du grand public, dispose pourtant d'une solide renommée dans le
monde, acquise notamment en trustant les récompenses lors des grandes
compétitions comme Imagina à Monaco ou le Siggraph à Los Angeles. « Les recruteurs comme les étudiants sont très attentifs à ces distinctions », note Anne Brotot, directrice de Supinfocom. Et surtout, la professionnalisation est la marque de fabrique du groupe. « Nos élèves travaillent sur des projets réels d'entreprise, explique Alexis Madinier, directeur des études de Supinfogame Inde. Dès
leur arrivée, nous les jetons à l'eau, pour qu'ils apprennent de leurs
erreurs. Les cours sont donnés au fur et à mesure de l'avancement des
projets. » La réputation de la créativité « à la française »,
désormais bien établie en matière d'animation comme de jeu vidéo, a fait
le reste.
Le groupe DSK a donc édifié
pour la nouvelle école un superbe campus « à l'américaine », près de
Pune : 15.000 mètres carrés d'espaces verts et de bâtiments modernes,
avec résidences étudiantes, cantine de 400 places, logements pour les
professeurs. En prime, des équipements au top niveau : écran haute
définition, auditorium de qualité professionnelle... « Chaque
étudiant dispose d'une station graphique, avec un logiciel d'effets
spéciaux. Nous sommes largement au-dessus des autres écoles et même de
certains studios », s'enthousiasme Martin Ruyant, directeur de l'école d'animation.
A
l'issue de leur formation, les élèves reçoivent le même diplôme que
leurs homologues de l'Hexagone, au niveau bac + 5. Ils acquittent pour
cela à peu près les mêmes frais de scolarité qu'en France - de l'ordre
de 6.000 euros par an. Un tarif très élevé pour l'Inde, mais qui ne
rebute pas les familles, très motivées par l'éducation de leurs enfants.
Certains étudiants souscrivent un emprunt. Quelques-uns bénéficient
d'une bourse offerte par D.S. Kulkarni lui-même. Au plan financier,
l'opération est à l'équilibre pour Supinfocom, qui envoie une dizaine de
professeurs.
Tout n'a pas été rose au
démarrage, en 2009. Les premiers étudiants (et les enseignants) ont
essuyé les plâtres. Les candidats, très nombreux, n'ont pas toujours le
niveau requis. L'école n'accueille que 400 élèves (ils seront 600 l'an
prochain). Il n'empêche : le projet fonctionne, à la satisfaction des
deux parties. L'école vient d'être inaugurée en grande pompe il y a une
dizaine de jours. Pour l'occasion, la présidente de l'Inde, Pratibha
Patil, a fait le déplacement - signe de l'importance que le pays attache
à l'opération. « Je ne cherche pas à gagner de l'argent, mais à
offrir la meilleure formation possible à nos étudiants, avec les
meilleurs outils », assure D.S. Kulkarni, qui a cependant investi 60 millions de dollars dans le projet.
Reste
à savoir sur quelles bases va se poursuivre le partenariat. Certains
pointent le risque d'un transfert de compétences suivi de pertes
d'emplois pour la partie française. Un risque qu'écarte Francis
Aldebert : « Nous souhaitons garder dans le Nord la conception et
confier plutôt la production à Pune. De toute façon, pour ces métiers,
le marché est global. » Déjà, de grands studios comme DreamWorks (près de 300 salariés à Bengalore) sont installés en Inde.
Serre numérique en 2013
Mais l'antenne indienne devrait s'intégrer dans un projet bien plus vaste : dès 2013, la CCI va édifier à Valenciennes une « serre numérique »,
qui regroupera, outre les trois écoles, un centre de réalité virtuelle,
des laboratoires, une pépinière d'entreprises, une structure de
transfert technologique... Le tout au coeur d'une zone d'activités
dédiée à la création numérique. A terme, l'objectif est d'aboutir à
2.000 emplois - principalement dans le « serious game », un domaine sur
lequel la CCI fonde de très gros espoirs. « Les deux projets de Valenciennes et Pune sont complémentaires et nous allons les mener de front, indique Francis Aldebert. Mais il est clair que nous devrons garder une longueur d'avance, en misant sur la recherche. »
Raison pour laquelle Supinfocom prévoit de se doter d'une équipe de
chercheurs. Le groupe envisage même de lancer une autre opération du
même type, au Brésil cette fois.
JEAN-CLAUDE LEWANDOWSKI, Les Echos
Les interviews de D.S. Kulkarni et de Francis Aldebert sur lesechos.fr/formationhttp://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0201785760351-la-creation-numerique-a-la-francaise-s-invite-en-inde-262231.php
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