mardi 26 novembre 2013

"L’usine du futur devra avoir sa maquette numérique", selon Hugues Drion (Autodesk)

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"L’usine du futur devra avoir sa maquette numérique", selon Hugues Drion (Autodesk)
Quelques semaines après le lancement par François Hollande du plan de filière "Usine du futur", Hugues Drion, responsable France de la division Manufacturing d’Autodesk, livre sa vision. Pour lui, tous les industriels peuvent trouver de l’intérêt à disposer d’une maquette numérique de leur usine.
L’Usine Nouvelle - Selon vous, que manque-t-il aujourd’hui pour apporter de l’intelligence dans nos usines ?
Hugues Drion - Notre constat, c’est qu’aujourd’hui tout ce qui touche aux produits a été modernisé : on sait optimiser leur conception grâce aux logiciels de CAO et de PLM, et on sait même apporter de l’intelligence dans leur fabrication (avec les logiciels de GPAO et de MES). Mais dès lors qu’un industriel doit construire une nouvelle usine, on continue de lui livrer des plans en 2D et sur papier. On se retrouve avec des choses figées, des indices de plans à gérer, comme dans les années 80. Et chaque année on voit des industriels qui, au moment d’installer leurs machines dans leur usine flambant neuve, s’aperçoivent qu’elles ne passent pas par la porte ! Ce n’est qu’un exemple, mais chaque erreur sur les plans de l’usine entraîne des surcoûts énormes. Or les usines bougent sans cesse : on lance des nouveaux produits, on déplace des machines, on planifie des travaux, on fait de la maintenance... Ce qui manque aujourd’hui à notre industrie, c’est de l’intelligence dans la manière de construire les usines. C’est faire en sorte qu’elles coûtent moins cher à exploiter, qu’elles soient moins énergivores et plus flexibles.
Mais il existe déjà des logiciels d’usine numérique…
Les logiciels d’usine numérique sont complexes et coûteux, donc réservés aux grands groupes. Et même s’ils sont utiles pour optimiser les processus, ils ne s’intéressent pas au reste de l’usine. Je dirais que dans nos usines nous mettons trop d’analytique (de description théorique du process) et pas assez de réflexion basée sur les faits. Pour cette raison, chez Autodesk nous pensons que l’usine du futur devra avoir sa “BIM”, pour Building information modeling, que l’on peut également traduire en français par MNB (Maquette numérique de bâtiment). Il s’agit de tout simuler : la lumière, le vent, l’énergie, les collaborateurs qui entrent et sortent, etc. Et on peut aller jusqu’à prédire comment sera le bâtiment dans dix ans.
Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par maquette numérique de bâtiment ?
C’est un fichier 3D qui représente à la fois l’usine et son environnement, et dont on se sert chaque fois que l’on envisage des travaux, quels qu’ils soient. Cela peut être aussi bien pour déplacer une ligne de production, pour revoir le système de chauffage/climatisation, pour éviter les courants d’air lorsqu’on fabrique des produits de haute précision, ou encore pour gérer les flux de camions qui entrent et sortent de l’entrepôt. On se servira de la maquette tout au long de la vie de l’usine. S’il faut par exemple établir un devis pour un nettoyage des vitres, quelques clics suffisent pour connaître exactement la surface vitrée des bâtiments. La maquette servira aussi à améliorer la sécurité : plutôt que d’imposer un masque anti-poussière à tous les opérateurs, pourquoi ne pas construire un système de ventilation qui dirige les poussières hors des zones de production ? Aujourd’hui, pour le moindre projet de modification on prend des jours à réfléchir avec tous les intervenants, et il y a toujours des imprévus. Avec une maquette, on lance une simulation et la réponse arrive en quelques minutes.
Quels sont les gains attendus ?
Nous voyons tous les jours des sites industriels dans lesquels il y a des aberrations. Avec une maquette, tous ces défauts sautent immédiatement aux yeux, contrairement au plan que seul l’architecte peut déchiffrer. Ensuite, à tous les niveaux de la chaîne de gestion de l’usine, on gagne à mieux comprendre son environnement. Par exemple, un directeur achat ne sait pas forcément lire un plan technique, comment faire lorsqu’il doit commander un système de sécurité. Avec une maquette, on peut afficher en un clic le nombre de détecteurs de fumées de l’usine. Les maquettes peuvent servir pour le maintien opérationnel dont on sait qu’il coûte encore plus cher que les travaux. Il faut donc savoir investir dans l’étude des usines, comme on le fait sur les produits, surtout que pour l’usine on n’a pas le droit à des prototypes. Pour avoir un ordre d’idées, sur une usine à 20 millions d’euros, faire une maquette 3D ça coûte au plus 100 000 euros, et elle est rapidement rentabilisée. Un exemple : dans l’agroalimentaire, on lance très souvent de nouvelles recettes, de nouveaux emballages. La chaîne évolue tout le temps, et à chaque évolution c’est 6 semaines d’études, une demi-journée d’arrêt, et donc un coût colossal. Avec une maquette numérique, on ne fait plus que trois jours d’études, et on peut même savoir s’il sera possible de continuer à produire pendant qu’on change une partie des machines. Et on génère une liste de tâches précise pour l’organisation du déménagement.
C’est valable surtout pour les nouvelles usines, mais qu’en est-il des usines existantes ?
Ceux qui n’ont pas accès à une maquette de leur usine peuvent toujours la construire. Cela devient facile aujourd’hui avec la démocratisation des technologies de scanner 3D. Aujourd’hui c’est devenu simple, rapide et peu coûteux de construire un modèle 3D en baladant un bras laser dans l’atelier. Et bien sûr, ces modèles auront la précision suffisante pour que l’on exécute toutes sortes de calculs de simulation. Au final, tout le monde peut profiter d’une maquette de son usine. Particulièrement en France, où l’on sait que le parc d’usines est vieillissant. A l’heure où les industriels réfléchissent à comment réindustrialiser la France, à ce que l’on va continuer à y produire, à comment réduire l’impact sur l’environnement, les maquettes numériques d’usines sont d’après nous une vraie réponse.
Propos recueillis par Frédéric Parisot

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