Cela fait trois jours que les e-mails, les messages instantanés et la navigation sur Internet fonctionnent mal ou pas du tout sur les « smartphones » de la firme canadienne. Le plus grand flou règne sur ce qui se passe chez RIM.
La
panne était contagieuse. Pendant trois jours, des millions de
BlackBerry dans le monde n'ont pu envoyer ou recevoir des mails et des
messages instantanés (BBM) ou même naviguer sur le Web. Profitant de ce
moment de faiblesse, un fonds d'investissement, Jaguar Financial, vient
de réclamer la tête des deux coPDG de Research In Motion (RIM). Il
estime avoir le soutien d'actionnaires pesant 8 % du capital. Depuis le
début de l'année, le cours de Bourse a chuté de 60 % et il est au plus
bas depuis cinq ans.
Les problèmes ont
commencé lundi en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Alors que le
fabricant du « smartphone » cher aux professionnels venait de se
féliciter d'avoir circonscrit les dégâts, ils se sont étendus mardi au
Chili, à l'Argentine, à l'Inde et au Brésil. Hier, nouveau problème :
l'Asie est, elle aussi, touchée, avec des pays comme le Japon, Hong Kong
et Singapour, puis l'Amérique du Nord.Enfin, RIM a reconnu que les
Etats-Unis étaient également impactés par la panne. L'opérateur Sprint a
ainsi annoncé travailler avec le fabricant canadien pour tenter de
résoudre les difficultés.
La situation
revient progressivement à la normale ce jeudi, a indiqué RIM, avec
cependant des spécificités dans chaque région. L'Europe, le
Moyen-Orient, l'Inde et l'Afrique restent privés de navigation sur
Internet, alors que les BBM circulent et que la plupart des e-mails
arrivent à leurs destinataires. Tout fonctionne quasi normalement en
Amérique (à quelques exceptions près en Amérique du Sud), avec tout de
même encore des retards sur les services de messagerie.
70 millions de « smartphones »
Au
plus aiguë de la crise, très peu d'explications ont filtré en
provenance de RIM, qui gère un parc de 70 millions de « smartphones ».
Le groupe a toutefois écarté les soupçons d'un piratage informatique.
Les « retards » observés avec la messagerie et la navigation « ont été causés par un défaut des commutateurs de coeur de réseau dans l'infrastructure de RIM », a expliqué mercredi le groupe dans un communiqué. « Bien
que le système soit conçu pour basculer vers des commutateurs de
secours, la bascule, qui fonctionnait lors des tests, ne s'est pas
faite. Par conséquent, de nombreuses données se sont accumulées. Nous
travaillons aujourd'hui pour réduire cette accumulation et restaurer un
service normal aussi rapidement que possible. » La panne initiale,
doublée de la défaillance du système de secours, a ainsi causé des
embouteillages dans les communications, et s'est ainsi propagée aux
autres pays. Une fois réparée, les paquets de mails et de messages en
retard vont encore devoir être acheminés. Si RIM perdait des données en
route, « ce serait catastrophique », explique un opérateur
télécoms, qui ne croit pas à un tel scénario mais pointe l'importance de
la fiabilité pour les entreprises ayant une flotte de BlackBerry. Il
est lui-même assailli de demandes d'explications de ses gros clients du
CAC 40.
Centralisation du trafic
Selon
nos informations, la faille des commutateurs numériques a été réparée
mercredi avant l'aube, mais une avarie sur un routeur a de nouveau fait
replonger le service. Ce que confirme l'opérateur : « Nous avons
récupéré le service dans la nuit de lundi à mardi mais, au matin, les
problèmes sont réapparus. Nous n'avons plus que 20 % du trafic normal
sur notre interconnexion avec RIM. » En fait, ni les gros clients
ni les opérateurs ne peuvent voir ce qui se passe chez l'équipementier
canadien, car il centralise tout son trafic mobile dans quelques data
centers répartis dans le monde mais dont la localisation est tenue
secrète. Pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique, ses serveurs
centraux sont stockés dans des data centers à Paris et à Bruxelles.
C'est là que les données destinées à s'afficher sur un écran de
Blackberry sont compressées, à l'aide d'un algorithme lui aussi secret
qui fait la fierté de RIM. Grâce à cet encodage, ses téléphones
consomment cinq à dix fois moins de bande passante qu'un iPhone ou un
Galaxy SII. Le système Blackberry a été conçu à l'époque où les
« smartphones » n'existaient pas, et où les réseaux mobiles étaient
configurés pour transporter uniquement de la voix.
Aujourd'hui
encore, RIM est le seul à retraiter ainsi les informations avant de les
acheminer vers les opérateurs. Seul hic : la centralisation du trafic, à
l'opposé de l'architecture d'Internet, fragilise l'ensemble. « Les serveurs de BlackBerry ne parviennent visiblement pas à supporter la charge de trafic », explique un opérateur. « Ont-ils
sous-dimensionné leurs investissements ? Nous ne le savons pas, mais
cela ne remet pas en cause l'architecture extrêmement efficace de leur
système. »
La vraie remise en cause
ne peut venir que des clients : si RIM ne jugule pas la panne à temps,
ils risquent de migrer vers Apple, Windows Phone ou Android.
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