par Stéphane Larcher, le 18 octobre 2011 16:00
Les embûches se multiplient sur le chemin de l’introduction
en bourse. Au point que certains se demandent si elle est encore
possible et si la société ne va pas disparaître aussi vite qu’elle a
grandi.Souvenons-nous. C’était il y a un peu plus d’un an. Nous-mêmes comme d’autres étions proprement abasourdis par la réussite fulgurante de Groupon, véritable étoile filante éclipsant Facebook, Twitter, Zynga et d’autres. Dès le début de cette année, les premières rumeurs bruissaient de l’introduction en bourse de cette société. On allait voir ce qu’on allait voir. L’affaire promettait d’être gargantuesque. On parlait de valorisation à plus de 30 milliards de dollars. D’autres estimaient qu’il fallait prévoir encore plus grand. Pourtant, dès cette période certains analystes plus raisonnables (oh le vilain mot) disaient vouloir vérifier la réalité des chiffres avant de se prononcer.
Et les chiffres furent publiés pour la préparation de cette introduction. S’en suivît une série de maladresses de la part du fondateur Andrew Mason qui provoquèrent ire et remontrances de la part de la communauté financière. Puis, de départs en démissions plus ou moins fracassantes, l’heure de l’IPO approche et tout le monde est maintenant d’accord pour que cela se fasse le plus vite possible (si cela doit se faire) car chaque jour qui passe voit la valorisation dégringoler.
Une progression stratosphérique
La valorisation de 30 milliards paraissait sensée à Morgan Stanley, Crédit Suisse et Goldmann Sachs, tous trois chargés de l’introduction. En effet, l’entreprise était passée de 3,3 millions de dollars de CA au deuxième trimestre 2009 à près de 650 millions au 1er trimestre 2011. Durant cette même période le nombre de clients était passé de 152 000 à 83 millions. Bref, de solides indicateurs. Toutefois, la machine se grippa après une lecture plus circonspecte des chiffres. L’entreprise annonçait des pertes de 60 millions de dollars pour 2010. Après retraitement selon les bases GAAP qui sont les plus communément admises pour mesurer les performances financières d’une société, elles se monteraient à … 413 millions, soit pratiquement 7 fois plus. Gloups.La tambouille des chiffres
Nouvelle cuisine financière. Groupon indique maintenant pour 2010 313 millions de CA et 390 millions de pertes. Tout va mieux en 2011 ? Pas vraiment ! Certes, le chiffre d’affaires aurait atteint près de 700 millions de dollars sur les 6 premiers mois de l’année, mais les pertes seraient encore supérieures à 200 millions. Si l’on retient que l’entreprise ne dispose que de 225 millions de cash, la fin de l’année est peu encourageante. Elle ne l’est pas non plus pour les partenaires de Groupon. En effet, le modèle économique de l’entreprise fonctionne comme les grandes surfaces commerciales : elle encaisse en temps réel et rétribue ses fournisseurs avec des délais de paiement. En conséquence, près de 305 millions de dollars seraient dus aux fournisseurs. Si la confiance venait à se briser, s’en serait terminé des rêves de grandeur.Plus ennuyeux encore si cela était possible, les investisseurs putatifs ont découvert que la dernière levée de fonds (de près d’1 milliard de dollars tout de même) avait servi au fonctionnement de l’entreprise pour 132 millions mais que l’essentiel avait été utilisé pour rémunérer les cadres dirigeants et fondateurs. Ainsi, Eric Lefkosky, co-fondateur et Chairman, aurait touché près de 320 millions de dollars. D’autres auraient vu des rétributions supérieures à 10 millions de dollars. Sans doute pour services rendus. Il va sans dire que la communauté financière voit cela d’un très mauvais œil. Reverser l’argent investi aux dirigeants avant que la société ne s’autofinance est très très mal vu et rappelle furieusement ce qui s’était passé voici 10 ans avec boo.com, 800 millions de dollars étant brulés en quelques mois par des « entrepreneurs » plus soucieux de leur confort personnel que de la pérennité de leur entreprise.
Cela signifie finalement que la valorisation a été très sensiblement à la baisse. Certains parlent de 10 milliards, d’autres de moins de 5. Certains enfin considèrent qu’il n’y aura pas d’IPO et qu’on ne parlera plus de Groupon dans quelques mois. Lorsque l’on songe que Google était prêt à mettre quelques milliards sur la table voici quelques mois et que le management de Groupon n’a pas considéré l’offre comme suffisamment intéressante pour y succomber, on constate que grandeur et décadence font encore partie du vocabulaire 2.0.
http://www.linformaticien.com/actualites/id/21868/groupon-le-debut-de-la-fin.aspx
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