mardi 4 février 2014

[Édito] Internet et le téléphone mobile : des besoins quasi primaires

A lire sur: http://www.pcinpact.com/news/85306-internet-et-telephone-mobile-besoins-quasi-primaires.htm

Si Internet pouvait nourrir

Cette semaine, une nouvelle vraiment peu commune a fait son petit tour du Web : les habitants d'un village situé dans le Limousin ont annoncé qu'ils ne paieront pas leurs impôts. Leur raison n'est pas une montée de la violence, une mairie corrompue ou encore des routes en mauvais état, mais tout simplement le manque de... haut débit et un réseau mobile médiocre.
Souvenir, souvenir

« On est considérés comme des citoyens de seconde zone »

Quand on parle d'ADSL, de fibre optique, de 3G ou encore de 4G, les grandes villes sont souvent avantagées, pour une simple raison économique, du fait d'une forte concentration de la population. Dans ces conditions, il est ainsi peu surprenant que le Limousin, qui dispose de l'une des populations les plus faibles en nombre de toute la France, soit mal desservi. Il est encore moins surprenant qu'un village d'une centaine d'âmes situé dans le Limousin soit peu favorisé. Alors imaginez la situation d'un hameau appartenant à ce petit village.

Ce hameau de Bussy, proche de la commune de Sainte-Anne-Saint-Priest, est donc celui qui a fait couler autant d'encre cette semaine. « On a décidé de ne pas payer les impôts » a ainsi expliqué un habitant au micro de France 3. Sa raison ? « On est considérés comme des citoyens de seconde zone. On n'a pas les mêmes avantages que tout le monde. On est pas des citoyens à part entière. On n'a pas les moyens de communication que l'on devrait avoir comme tout le monde en France. »

Dans le passé, certains villages se sont plaints de ne pas avoir l'eau courante, l'électricité ou de capter toutes les chaînes de télévision. Aujourd'hui, le besoin majeur de ce hameau est donc un meilleur débit internet et un réseau mobile fiable. Si cela pouvait faire sourire il y a quelques années, le fait que ces habitants soient prêts à défier l'État pour cette raison et qu'une pétition ait été signée prouve que le problème est plus profond qu'on ne peut le penser.

Il est intéressant de noter que la population de ce hameau n'a strictement rien de jeune, nous ne parlons donc pas ici d'ados en simple quête de surf intensif sur Facebook et Instagram. Faire des démarches administratives, télécharger des fichiers sans attendre des heures, travailler, communiquer en ligne ou encore faire des cyber-achats est tout simplement ce qui est demandé. Or avec des débits maximums théoriques à 512 kb/s pour les plus chanceux, des forfaits satellites aux coûts exorbitants et un réseau mobile instable, ces habitants ont l'impression d'être la cinquième roue du carrosse.

Cette population de quelques âmes n'est toutefois pas seule en France, et encore moins dans le monde. Rappelons ainsi que l'Hexagone compte encore environ 165 000 clients bas débit, et que nombreux sont ceux qui ont un débit ADSL insignifiant. Quant au réseau mobile, il est aussi bon de rappeler que de nombreux territoires habités n'ont toujours pas la 3G, et donc encore moins la 4G. Et même la 2G ne couvre pas 100 % de la population. Un rapportpublié par l'ARCEP en novembre 2012 indique ainsi qu'Orange, l'opérateur le mieux pourvu en 2G, couvrait 99,9 % de la population hexagonale et 97,3 % du territoire. Ce même document précise entre les pages 158 et 160 que si certains départements ont une couverture 2G à 100 % (pour la population), d'autres étaient à l'époque bien en deçà des 99 %. Imaginez alors la 3G et la 4G.

De moins en moins un besoin secondaire

Offrant toujours plus de services et exploité d'une manière croissante par le gouvernement, l'école et les entreprises de tous types, Internet s'approche du besoin primaire. Sans aller jusqu'aux besoins de faim, de soif ou encore de sommeil (encore que pour ce dernier...), le réseau des réseaux n'est pas indispensable qu'aux geeks, mais bien à toute la population, peu importe l'âge, le sexe, le statut et les envies de l'individu. Cette histoire insolite démontre ainsi qu'Internet a dépassé bien des frontières, et que la multitude de services offerts est telle que tout le monde se sent concerné. Ne pas y accéder, c'est donc être hors du monde, marginalisé, exclu, comme un citoyen de seconde zone.

Si notre dépendance à l'électricité n'a jamais été aussi élevée, celle à Internet semble se conforter jour après jour. La question n'est pas de savoir si c'est une bonne chose ou non, répondre à cette question serait bien complexe. Mais ce constat révèle bien l'importance prise par le web et tous les autres protocoles du Net. Et si en France, la plupart des démarches administratives peuvent être faites hors-web, cela devrait être de moins en moins le cas à l'avenir. De quoi accroître d'autant plus la dépendance à Internet, alors qu'aujourd'hui, certaines entreprises migrent leurs activités sur la toile et que ces bouleversements sont encore loin d'être terminés.

Bien entendu, ne nous leurrons pas, Internet est bien un besoin secondaire, tout comme l'est le téléphone mobile. Cependant, sa place est telle dans le quotidien de la population que son absence ou sa mauvaise qualité entraine désormais une frustration réelle, tangible, à prendre tout à fait au sérieux. Les opérateurs comme les élus politiques ont tout intérêt à y penser.

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